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A l’origine, Nice…
Une exposition recommandée par Brigitte Chéry

En allant à la Marlborough Galery Monaco ne vous attendez pas à voir, encore, une exposition des artistes de l’Ecole de Nice.

D’abord parce que l’expression Ecole de Nice fait bondir Hélène Jourdan-Gassin, commissaire de l’exposition, qui différencie bien les différents mouvements de ces artistes dits de cette école : Le Nouveau Réalisme, le groupe 70, Supports surface et Fluxus.

Cet évènement créé à la demande de l’équipe en place de la galerie de Monaco et de Pierre Levai, propriétaire des galeries Marlborough, veut montrer dans une même exposition l’effervescence créatrice de Nice et de sa région.

Nice est bien le vecteur de cette sélection d’artistes nés, ou ayant vécu un temps à Nice et sa région. D’artistes de passage aussi pour lesquels Nice est devenu le port d’attache, qui a servi de révélateur.

On pourra découvrir à Monaco, le travail de quelques jeunes créateurs exposés avec des œuvres d’artistes reconnus, de renommée nationale et internationale : César, Arman, Farhi, Louis Cane, Sacha Sosno déjà dans cette galerie, et de Ben Vautier, Claude Gilli. Bernard Venet présente Ligne indéterminée, une belle œuvre de 1984. Voir aussi une peinture de 1987de Vivien Isnard, du groupe 70, et une œuvre de Noel Dolla Fish Food de 2007.

Cette exposition est donc panachée d’œuvres de jeunes créateurs liés actuellement à l’essor des arts plastiques de la région, de jeunes espoirs, certains déjà reconnus comme Axel Pahlavi et Florence Obrecht qui font souvent un travail à quatre mains et vivent en ce moment à Berlin, ou encore Emmanuel Régent, lauréat du prix Découverte, des amis du Palais de Tokyo dont on apprécie les dessins de foule, les installations. J’aime ici particulièrement son dessin d’une file d’attente, inscrite dans un tiers de l’espace du tableau et titré Je ne m’en souviens absolument pas. Dessin avec feutre pigment, sur papier.

Devant la galerie Marlborough, deux grandes sculptures nous accueillent et encadrent l’entrée de la galerie, face au port. Une sculpture de Sacha Sosno, Grand Poséidon, dieu de la mer avec son trident, une pièce unique, (3m sur 1,50) en acier oblitéré, jaune soleil, face au port de Monaco. Cette sculpture du dieu de la navigation, des tremblements de terre, de la mythologie grecque, découpe et offre à voir dans son oblitération, la mer, le ciel, les bateaux. Elle inscrit la Méditerranée comme port d’attache où tous les voyages peuvent être rêvés.

Toujours face à la mer, une sculpture monumentale de Jean-Claude Farhi, La fleur et la joie, une pièce unique, (4m, 30 sur 2m, 50) en acier Corten, offre sa force et sa puissance à l’orée de l’exposition : une colonne s’élance dans l’espace en s’élargissant, une courbe l’enserre, alors qu’une autre enlace un cube, dont la symbolique est si présente dans la création de l’artiste.

En vitrine, Pittura in forma di rosa, de Sandra Lecoq, joue avec humour des attributs masculins et féminins. C’est une œuvre au graphisme très colorée, constituée de tricot, canevas, crochet et cravates. Diplômée de la Villa Arson, cette artiste qui vit à Nice, en révolte contre le génie déclaré masculin dans les arts plastiques, fait éclater dans sa création les codes dits féminins jusqu’à la subversion.

Le parcours de cette exposition dans les trois grandes salles, claires et lumineuses de la galerie Marlborough Monaco est très réussi. Les œuvres d’époques et de mouvements différents se lient bien. On traverse avec plaisir, la première salle qui réunit une jolie petite sculpture en plexiglas de Fahri, une belle toile de Louis Cane, peinture abstraite de 2010 qui fait rêver aux couleurs et aux liens avec les Nymphéas de Monet.
Voisine d’une petite compression de César, une œuvre de Gérard Panighi attire l’attention. Il s’agit d’un dessin décalqué sur papier griffé, une mouche, une image volée. La phrase de Panighi, lui donne sa force, en léger décalage, Toute ma vie je traverse une période assez bizarre. Plus loin on trouvera une autre œuvre de cet artiste, sur papier travaillé et vieilli avec des marques d’huile, et un petit texte : J’ai quitté quelqu’un pour quelqu’un qui m’a quitté, à côté d’un couple souriant sans doute issu d’une bande dessinée. Tous ces petits messages, ces courtes phrases de ce plasticien reflètent un bel humour et beaucoup d’autodérision.

Ben Vautier a lui aussi son mot à dire dans cette exposition, Slow down, une œuvre de 1997, acrylique sur toile, et Tout est survie de 1993 figurent en bonne place dans le parcours. Elles apportent une réflexion avec une note plus pessimiste.

Une œuvre très fraiche, Femmes aux parasols, de Claude Gilli met en scène des seins de femmes, avec des parasols orientés comme des cibles de tirs, c’est un travail réalisé en bois peint découpé, aux couleurs fondantes. On appréciera aussi la sculpture de bronze La postella de César, édition de 8, et l’humour de Jean-Luc Verna, dans l’œuvre titré Le père de l’abstraction, c’est un transfert d’image dans un nuage, sur papier ancien rehaussé de crayon et pastel … une pirouette d’irrévérence, référence à l’histoire de l’art.

19 artistes sont exposés, dont 9 jeunes créateurs, la plupart figuratifs.
Gilles Miquelis, aime peindre les corps, souvent aussi des chiens dans des attitudes calquées sur celle de leurs maitres, La grande évasion,

offre une scène qui échappe à la banalité et illustre son goût de l’incongru.

Cédric Teisseire a un chemin différent. Il travaille sur les coulées de peinture et propose un travail plus abstrait et poétique. Deux œuvres sont présentées dont une réalisée avec Florian Pugnaire, Lignes de rappel (laque sur toile inox).

Dans une autre direction, voir la sculpture colorée d’Ingrid Maria Sinibaldi, os à moelle, feutrine sur bois.

Je m’attendais à voir une œuvre de grande taille d’Axel Pahlavi, j’ai découvert Fleur de sang 2012, une huile sur toile de 30x70. Un beau petit tableau, où l’artiste a peint sa compagne posée allongée sur un canapé sans pli. Florence, clown triste, au visage grimé, les yeux fermés, gantée de blanc, pausant ou reposant dans une sorte d’installation peinte où les fleurs de son vêtement, les petits cœurs sur les chaussettes, interrogent. Le regardeur cherche des signes de vie ou de mort, le tableau suggère la mélancolie, sans doute aussi l’amour et l’espoir du sang neuf.
Florence Obrecht présente, Blason, un tableau assez narratif qui demande des explications. A la suite d’une bagarre, un jeune homme turc a été tué dans le métro berlinois, les étudiants ont dressé sur ce lieu un magnifique autel en hommage au disparu avec des fleurs, des lettres, des souvenirs. Florence Obrecht qui passait tous les jours dans cette station a voulu peindre cette scène d’hommage à ce jeune qu’elle ne connaissait pas et l’inclure dans un dessin de blason vu dans un musée. Le blason, réservé aux faits glorieux, est ici un témoignage d’amour à un souvenir triste.
Un autre travail de Florence Obrecht sur la mémoire plus intime et familiale est présenté. Une partition manuscrite de son grand père musicien dans l’armée, sur laquelle l’artiste a peint un collier de perles en trompe l’œil, leurs deux écritures se mêlent au-delà du temps.

Une belle grande sculpture d’Arman, dans la troisième salle, couronne la visite, elle résulte de la découpe et du réassemblage d’une DS rouge, mais il faut avoir le génie créateur d’Arman pour réaliser cette sculpture bien nommée Schmilblick (1989). Sa forme et son nom mettent en joie, c’est un grand travail de création qui fait plaisir à voir.

Trente œuvres à vendre. Marlborough Monaco réussit son pari, faire voisiner des œuvres de jeunes artistes et de créateurs célèbres. Ces derniers ont joué le jeu, l’aura de la galerie Marlborough a bien sûr aidé, l’expérience aussi d’Hélène Jourdan-Gassin. Une sélection bien sûr non exhaustive comme toutes les expositions de groupe, pas de Malaval, Martial Raysse, Pagès, Castellas, dont les œuvres sont sans doute difficiles à trouver.

A l’origine, Nice…est à voir jusqu’au 26 avril 2012…à Monaco.


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