Tout un chacun en convient le Proche et le Moyen Orient constituent deux poudrières qui n’attendent qu’une étincelle pour exploser. Puissance régionale, seul État laïque du monde arabe, la participation de la Syrie est essentielle à tout processus de paix ; essentielle au fragile équilibre libanais ; essentielle à la reconnaissance d’un État palestinien dans des frontières vivables.
Au contraire de la Libye et du Mali, la Syrie a un passé très riche qui remonte à l’Antiquité ; elle a connu une histoire douloureuse avec l’occupation Ottomane qui dura plusieurs siècles et la colonisation française, imposée dans le sang, entre 1920 et 1948. La lutte contre celle-ci permit aux forces sociales et politiques de se développer et de freiner l’influence des partis religieux, notamment le mouvement des Frères musulmans.
Les syndicats syriens sont les plus puissants du monde arabe. À côté du Baas – le Parti arabe socialiste – au pouvoir, d’autres mouvements politiques coexistent et son réunis dans le Front national progressiste (FNP) : quatre partis nassériens et deux partis communistes.
Constitué en 1924 et aussitôt interdit par les Français, le parti communiste de Syrie, sous la conduite de Khaled Bagdach, dirigeant respecté dans son pays et dans le monde entier, fut, et reste dans une moindre mesure, très influent dans la classe ouvrière, les intellectuels, chez les Kurdes, chez les Chrétiens orthodoxes. Khaled Bagdach fut le premier (1954) et le seul député communiste élu dans un parlement d’un pays arabe. En 1982, le PCS eut a subir une scission entre pro ( le député Faysal) et anti (Bagdach) Gorbatchev. Ils suivent aujourd’hui une même politique et, sont tous deux reconnus par la constitution de 2012.
Faire comme si la Syrie se résumait à son président, Bachar el-Assad, comme si il n’existait là-bas aucune autre force politique, comme si dans ce pays, la société civile ne comptait pas est une profonde erreur d’analyse ; croire que tout Syrien soutient l’opposition et ses groupes armés, en est une autre.
Depuis le début de la guerre civile, ce n’est pas les interlocuteurs qui manquaient, mais la volonté politique chez ceux qui, aujourd’hui, veulent « punir » le chef d’Etat syrien pour des faits dont on n’a aucune preuve qu’il en soit responsable.
Car enfin, alors que ses troupes reprennent un peu partout l’avantage, qu’aurait eu à gagner Bachar el-Assad d’employer l’arme chimique au risque de représailles occidentales dont il était conscient et à celui d’embarrasser ses soutiens russes et chinois ? Et dans quel but aurait-il pu en décider si ce n’était de reprendre ce quartier aux rebelles ? Or ceux-ci l’occupent toujours et ce sont eux qui ont guidé les observateurs de l’ONU.
On attend des preuves. Les images tournées par les opposants ne sauraient en être. Si l’on regarde du côté de la rébellion, on voit par contre l’intérêt pour elle de forces la main des occidentaux alors qu’elle est dans une mauvaise passe. Mais ne cela non plus, on n’aura pas la preuve.
Ce n’est pas d’une quelconque vengeance dont ont besoin les Syriens, mais de la paix. Et celle-ci sortira d’une solution politique construite avec toutes les parties au conflit.
Les Syriens n’ont pas la mémoire courte, ils se souviennent du sang versé par les Français, et malgré cela, ils restent francophiles et souvent francophones. Qu’en restera-t-il après une intervention française ? Quant à Obama les bottes de Bush ne lui vont vraiment pas et il manque un peu de mémoire : le napalm, ce n’est pas une arme chimique ? Le gaz orange dont des milliers de Vietnamien souffrent encore des effets, ce n’est pas une arme chimique ?
Enfin, les Syriens se souviennent aussi des exactions des Frères musulmans dans les années 1976-1982 qu’on appela la « longue campagne de terreur » et qui fit des milliers de victimes des civils (Alaouites, baasistes, laïques, nationalistes et communistes) et des militaires : les bombes dans les gares, les attentats, ou encore le massacre de sang froid de 83 cadets alaouites à l’école militaire d’Alep en 1979.
Est-ce que l’on veut revoir ça ? Est-ce que l’on souhaite le retour de la guerre civile au Liban ? Est-ce que l’on préfère que le Golan syrien soit définitivement annexé par Israël ? Ou existerait-il un petit calcul politicien rapport aux mauvais sondages ? Une fâcheuse tendance à l’atlantisme ressurgie du fin fond du grand ancêtre : la SFIO ?
François Hollande nous parle de « grande coalition » avec qui ? Les pays du golfe dont on connaît le peu de cas qu’ils font de la démocratie ? Ce n’est pas parce que le Qatar s’est offert, entre autres, le Paris-Saint-Germain qu’il est de bon conseil en matière d’intervention militaire. Et, qu’à ceux enfin qui nous parlent de « Munich », on rappelle l’aventure de Suez !