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Beaux-arts
Bernard Fauconnier poursuit la réflexion sur le capitalisme et l’art contemporain

Le triomphe arrogant, sinon totalitaire, du capitalisme mondialisé, nous place dans une position curieuse dès qu’il s’agit de parler d’œuvres d’art. Au dix-neuvième siècle, la critique insultait les impressionnistes au nom de la tradition, les accusant de peindre comme des chimpanzés. Aujourd’hui que le n’importe quoi triomphe vraiment, la critique n’ose plus, paralysée par le snobisme, le jeu des connivences et la puissance des fortunes qui spéculent sur du vide. Le critique Jean Clair analyse le phénomène dans un lumineux article du « Monde » que l’on devrait afficher dans toutes les écoles d’art, les musées, les galeries, et même le ministère des la Culture et celui des Fiances. Prodigieuse époque, qui se fait une spécialité, sinon une gloire, de vendre très cher des produits sans valeur, ou dont la valeur ne repose plus sur aucun critère objectif, mais sur les choix arbitraires et farfelus d’une coterie, l’aristocratie du fric, l’inénarrable François Pinault en tête, qui mesure à cette aune son pouvoir et cherche des valeurs refuge. Et comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, elle les fabrique, les évalue, en impose les prix et la cote. L’exemple de Jeff Koons, aujourd’hui l’artiste le plus cher du monde, qui eut l’an dernier les honneurs de Versailles, est significatif : sa démarche n’est pas artistique, il l’avoue lui-même, elle est spéculative. Ses « œuvres » n’ont pas de valeur pour ce qu’elles sont, mais parce qu’elles sont chères. Chapeau bas.

Face à l’imposture, comme d’habitude, les petits valets se prosternent. Jean-Jacques Ailhagon, ci-devant ministre de la Culture et maître des cérémonies à Versailles, accueille Murakami, sur lequel nous éviterons tout commentaire. En soi cela n’est pas bien grave, Versailles est un lieu passablement sinistre, qui en a vu d’autres. Un peu de fantaisie, que diable ! Sauf qu’une fois de plus, ces choix constituent le puissant révélateur des servilités contemporaines. A qui fait-on plaisir en exposant Murakami ? A ceux qui ont acheté du Murakami, qui ont fait monter la cote de Murakami, qui ont désigné Murakami comme artiste « important » et surtout bankable. Alors Murakami à Versailles, pensez donc. Tiens, je viens d’écrire six fois, bientôt sept, le nom de Murakami. J’ai bien envie de demander un petit quelque chose aux propriétaires de ses chefs d’œuvre, je suis en train de faire monter la cote. Car l’important n’est pas d’en parler en bien ou en mal, l’important c’est qu’on en parle.

Il y en a un qui a tout compris, c’est Laurent Fabius, amateur d’art éclairé, qui publie un Cabinet des douze de fort bonne tenue et s’attaque à « l’école snobo-spéculative ». Un président inculte, un marché de l’art qui devient fou, c’est le bon moment pour rappeler qu’il y a aussi des hommes politiques cultivés (il est agrégé de Lettres) et qu’on a besoin, en matière d’art, de retrouver un peu de sens et quelques repères. Car c’est important l’art et le recours à la culture, même en politique. L’art est le fondement même d’une société, sa pulsation profonde. Serait-ce un plan com ? Fabius nous préparerait quelque chose pour 2012 qu’on n’en serait qu’à moitié surpris. On parie ?

Article publié dans Témoignage Chrétien. 7 Octobre 2010.

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