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"Charles Tillon. Le chef des FTP trahi par les siens"
La critique de Philippe Pivion

Fabien Tillon est le petit fils de Charles, dirigeant communiste, résistant, ministre, militant que la direction de son parti reniera en deux temps. L’auteur met avec passion en lumière la destinée hors norme de cet homme qui sera otage de sombres manigances y compris après qu’il eût quitté la vie politique. Des Rocard, Mitterrand, Sartre lui tourneront autour, l’engageront parfois dans des méandres obscurs.
Fabien Tillon met une belle plume à contribution, le livre se lit bien même si flottent dans ses pages un air de règlement de compte entre la famille Tillon et la direction du PCF. L’auteur avec virulence instruit à charge contre le parti « stalinien » et c’est dommage. Il y perd en fraîcheur, en vivacité, en franchise. Des contradictions apparaissent et c’est bien navrant. Ce qui intéresse le lecteur ce sont les faits, les dires, les actes de Charles et non les resucées et les opinions de son petit-fils.
Charles Tillon est breton. Il sera marin durant la Grande guerre. Après l’armistice, sur le Guichen, une révolte le conduit au bagne d’où il réchappe de justesse. C’est la matrice du révolté qui se mut en révolutionnaire. Il entre au Parti communiste en 1921 quelques mois après sa création, comme on entre religion. Il participe à de nombreux combats dont la lutte des sardinières de Douarnenez. Daniel Renoult dans son livre La grève de Douarnenez en fera brièvement l’écho. Les qualités d’organisateur de Tillon, sa conviction le font gravir les échelons de son parti et de son syndicat.

Charles Tillon devient député d’Aubervilliers en 1936 en s’opposant à Pierre Laval. Puis le pacte germano-soviétique bouleverse la situation. Comment ne pas réaliser le trouble chez les militants ? Pire, le parti, sa presse, interdits, ses militants les plus en vue arrêtés, condamnés, ses députés poursuivis, son organisation anéantie. Puis c’est la guerre, la débâcle. Tillon tente de réorganiser un PCF clandestin dans le sud-ouest. En réaction au discours de Pétain, le 17 juin, il rédige sous forme de tract le premier appel à la résistance, un appel au rassemblement contre l’occupant et contre le gouvernement « bourgeois ». Suivront le lendemain l’appel de De Gaulle, plus militaire, puis l’appel de Duclos, qui sera daté du 10 juillet. Pourquoi l’auteur part-il alors dans une critique éculée, celle d’une soi-disant entrée tardive en résistance du PCF, attendant, selon lui, l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 ? Il souligne la clairvoyance de son aïeul pour la nier dans la foulée. Est-ce qu’il viendrait à l’idée de quiconque de dire que Jean Moulin arrivant en Angleterre en octobre 1941, le fait parce que la guerre fait des ravages à l’Est ? Non. L’auteur ne dit rien de Jacques Decour, de Georges Politzer, de Jacques Solomon qui en septembre 1940 créent le premier réseau universitaire et communiste, il ne parle pas de la manifestation étudiantes du 11 novembre 1940 organisée par les étudiants communistes, il ne souffle mot de la grève des houillères du nord, premier acte de résistance collective organisée par les communistes en mai 1941. Il ne s’interroge pas sur l’isolement des militants, sur les risques de prise de contact, sur les moyens de lutter. Tout cela ne se fait pas en quelques minutes. C’est long et pourtant la structure clandestine se met en place et Charles Tillon intègre aux côtés de Jacques Duclos et Benoît Frachon le triangle de direction clandestin du PCF.

Il fondera les FTP, des journaux, des méthodes d’action qui font de lui un dirigeant hors pair. C’est naturellement qu’à la Libération, il s’empare de la mairie d’Aubervilliers en tant que colonel des FTP.

Son renom, sa stature le conduisent au gouvernement. L’auteur ne décrit pas l’atmosphère de l’époque, le rôle de la CIA, la montée de la guerre froide, la paranoïa qui s’empare des partis politiques, l’aiguisement de la lutte de classe. Là encore il instruit à charge contre l’URSS. Rapidement après l’Indochine, c’est la Corée, l’interventionnisme US. Tout un contexte qui manque à l’analyse.
Charles Tillon s’engage dans la création du Mouvement de la paix. Il agrège des personnalités de premiers plans. C’est dans ce contexte que la direction du Parti communiste instruit un procès dont la lecture donne la mesure de la petitesse des arguments. Marty et Tillon sont malmenés par Léon Mauvais qui joue le rôle de procureur. Les arguments sont ridicules, voire relèvent de la cour de récréation. L’auteur estime que Jeannette Vermeersch est à la manœuvre, elle que Charles dans un moment de colère a accusé d’avoir fui pendant l’occupation. C’est certainement fondé. Elle ne laissera pas l’empreinte d’une grande dirigeante. Thorez est souffrant. Charles Tillon pourrait être un risque pour les responsables du moment. Alors à ce titre il faut peut-être l’écarter. C’est le début de la fin. Un seul membre du bureau politique soutient Charles : Waldeck-Rochet. Charles est démis mais reste au parti. Il faudra attendre un nouveau coup bas en juin 1970 pour qu’il soit radié des effectifs (c’est l’époque ou Rocard, Sartre, Mitterrand et d’autres tentent de l’instrumentaliser).

Charles écrit ses mémoires, ses aventures, finira ses jours en Bretagne. Homme d’honneur, de conviction, l’ouvrage met bien en relief la vie de Charles. Dommage que l’auteur ait voulu régler des comptes qui n’étaient pas les siens.

Charles Tillon. Le chef des FTP trahi par les siens, de Fabien Tillon aux éditions Don Quichotte/Seuil


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