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Débat sur la sécurité : remettre la question sociale au coeur du combat politique et idéologique
Jean-Claude Mairal

Loin de moi, dans les propos qui vont suivre,de nier l’importance des questions environnementales pour l’avenir de la planète et de l’Humanité. Il faut naturellement prendre celles ci à bras le corps. Mais il est une question explosive et déstabilisatrice pour nos sociétés qui a trop longtemps été occultée-car elle remet fondamentalement en cause le système économique dominant - le capitalisme - c’est la question sociale.

Une situation sociale explosive

Que l’on m’excuse pour l’énumération qui va suivre mais elle est nécessaire pour comprendre et mesurer l’état dans lequel se trouve notre pays,et donc l’effort considérable qu’il faudra mettre en oeuvre pour juguler les maux qui gangrènent notre pays et qui ont pour nom, pauvreté, exclusion, inégalités, chômage, précarité, etc :

-8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté
-2 millions de travailleurs vivent dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté
-18% des jeunes de 18 à 29 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté
-15% des ménages d’immigrés(22,6% pour ceux originaires du Maghreb) vivent en dessous du seuil de pauvreté contre 6,2% pour l’ensemble des ménages
-plus de 4 millions de personnes sont au chômage ou vivent de petits boulots
-3 millions de travailleurs sont sous statut précaire
-17% des emplois sont à temps partiel le plus souvent subi par un grand nombre de personnes,
-25% des jeunes actifs de 15 à 24 ans sont au chômage
-17% des jeunes actifs sont en CDD (hors contrats aidés)
-Le chômage est 2 fois plus élevé dans les quartiers des zones sensibles(ZUS) (16,9% contre 7,7%) que dans les autres quartiers d’une même agglomération.Dans ces quartiers les 15 à 24 ans sont les plus touchés,notamment les hommes,puisque le chômage frappe 41,7% de cette classe d’âge
-En 2009 ce sont 256 000 emplois qui ont été détruits.Jamais une telle destruction d’emplois n’avait eu lieu depuis l’après guerre
-dégradation des conditions de travail,stress et suicides dans les entreprises
-100 000 SDF
-3 513 190 de personnes sont mal logées
-37,5% des jeunes de 15 à 29 ans(une majorité de jeunes d’origine ouvrière) sont sans diplôme ou ont seulement le brevet
-Alors que les ouvriers et employés représentent plus de 50% de la population française et que leurs enfants sont majoritaires en 6éme ces derniers ne sont plus que 16% à intégrer les grandes écoles
-L’immense majorité des cadres partent en vacances contre moins de la moitié des ouvriers
-Seul 34% des enfants d’ouvriers partent en vacances
-L’écart entre les rémunérations des salariés les moins payés et les plus payés va de 1 à 200 alors qu’il était de 1 à 20 en 1972
-Des grands patrons,des footballeurs et certains sportifs,des vedettes du cinéma et de la chanson gagnent chaque année des millions d’euros
-Majoritaires dans le pays, les ouvriers et les employés ne sont quasiment plus représentés au Parlement, dans les Conseils régionaux et généraux, dans les villes, etc...

Dans une telle situation où l’emploi et un revenu décent sont aux abonnés absents, où l’espoir d’un avenir meilleur n’existe pas, où la dignité de l’être humain est refusée ,où, bien qu’étant français, la couleur de votre peau ou la consonnance de votre nom vous ferme les portes, comment ne pas comprendre et fermer les yeux là dessus que celle ci ne peut que générer chez un certain nombre de jeunes, violence et délinquance. Quand une société et ceux qui la gouvernent ne respectent pas la partie de la population la plus pauvre et la plus fragile qui la composent, ne font plus vivre les principes "de liberté, d’égalité et de fraternité" inscrits au fronton de nos mairies, il ne faut pas s’étonner qu’un certain nombre de personnes ne respectent plus les règles de vie en société.

Faire ce constat n’est pas excuser ces comportements, mais montrer que l’insécurité ne pourra pas se résoudre seulement par la répression, même si celle ci est nécessaire, mais en mettant fin à l’insécurité sociale. Toute l’histoire humaine le montre. Dans les années 50, autour de moi ou lors des leçons de morale à l’école primaire ne disait on pas "l’oisiveté est la mère de tous les vices" ou "ventre vide n’a point d’oreille" ? Même si à l’époque ces affirmations me paraissaient ringardes, elles n’en demeurent pas moins signifiantes que sans travail et sans revenu on peut sombrer dans des comportements répréhensibles et condamnables.

Le problème des banlieues et de la jeunesse de ces quartiers est donc d’abord et avant tout une question sociale.Il est donc proprement scandaleux comme le fait l’UMP,surfant sur les thèses du Front national, de faire l’amalgame entre immigration et délinquance.

Les problèmes de l’immigration sont avant tout sociaux

La question des migrations mérite autre chose que l’anathème et la stigmatisation des immigrés.Là aussi les chiffres parlent d’eux mêmes :

-1 milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde,les 3/4 sont des paysans,
-1,4 milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour et plus de 3 milliards avec moins de 2 dollars,
-826 millions de personnes vivent dans les taudis urbains,
-40 à 50 millions de paysans poussés par la misère quittent chaque année leur terre et vont s’agglutiner dans les bidonvilles des grandes villes
-30 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jours,
-2 millions de morts chaque année par le SIDA,1,8 millions par la tuberculose,1 millions par le paludisme faute de médicaments et de prévention,
-Sans compter les guerres, les conflits, les persécutions politiques, religieuses ou ethniques, les catastrophes naturelles, les effets du réchauffement climatique, etc...

Il ne suffit pas à gauche comme à droite de déclarer :"la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde", encore faut-il s’attaquer à tous ces maux si l’on veut régler les questions de l’immigration de la misère et permettre à chaque personne de vivre dans la dignité dans son pays. Sinon les migrations s’accentueront et rien n’arrêtera celui ou celle qui a faim,qui n’a plus aucun espoir et aucun avenir dans son propre pays. Malheureusement ce n’est pas la voie choisie par le Président Sarkozy puisque l’aide publique au développement de la France stagne voir diminue. On préfère la répression et la stigmatisation de ces populations pour des motifs purement politiciens,mais qui sont extrêmement dangereux pour la cohésion de notre pays et la démocratie.En effet,dans une telle situation,avec des millions de gens confrontés à la crise et à ses conséquences sociales dramatiques,sans pour l’instant aucune alternative crédible à gauche à la politique de la droite,nombreux sont celles et ceux qui peuvent être sensibles aux discours populistes et xénophobes. Nous savons ce que cela a donné dans le passé. "C’est lorsque l’ancien se meurt, disait Antonio Gramsci dans ses lettres de prison (1926-1937), et que le nouveau ne parvient pas à voir le jour, que surgissent les monstres".

Des inégalités qui s’aggravent

L’état de la France en 2010 est profondément inégalitaire. Rien n’est fait, bien au contraire, par le Président Sarkozy et son gouvernement pour lutter contre ces inégalités. Mieux même ils aggravent celles ci par la cure d’austérité qu’ils imposent au pays : recul de l’âge de la retraite, suppression de dizaine de milliers d’emplois de fonctionnaires alors que le chômage explose, suppression de services publics,attaque contre les collectivités,baisse du pouvoir d’achat des salariés et des retraités, etc. Et ce ne sont pas les discours sur l’insécurité du gouvernement et les peurs qu’ils génèrent, ni les sondages, qui feront disparaître la question essentielle qui est celle de la justice et de l’égalité sociale, seule à même de redonner confiance, dynamisme et sécurité à notre société et à nos concitoyens.

Il est donc urgent de remettre la question sociale au coeur du combat idéologique et politique et de prôner avec force pour ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et pour ceux qui nous gouverneront demain le respect des droits humains fondamentaux tels qu’ils sont énoncés dans la Constitution de la France et dans les différents textes européens et internationaux approuvées par notre pays.

Respecter la Constitution et les textes internationaux signés par la France

Ainsi la Constitution française de la 5éme république dans son préambule indique : " Le peuple français proclame solennellement sont attachement aux droits de l’homme et aux principes de souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de1789,confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946". Que disaient ces deux constitutions :
Celle de 1789 dans son article 1er indiquaient : "Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"
-Celle de 1946 indiquaient notamment : "Chacun a le devoir de travailler et d’obtenir un emploi", "tout bien,toute entreprise,dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait,doit devenir propriété de la collectivité", " La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.",etc.

Je rajouterai à cela les différentes chartes et déclarations internationales signées par la France. Comme par exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui indique dans son article 23 : "Toute personne a droit au travail,au libre choix de son travail,à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu,par tous autres moyens de protection sociale..." ou dans son article 25 : "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé,son bien être et ceux de sa famille,notamment pour l’alimentation, l’habillement,le logement,les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires..."

Comme également la Convention européenne des droits de l’homme adopté en 1950 à l’initiative du Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union européenne puisque le Conseil de l’Europe rayonne de l’Atlantique à l’Oural, projet cher au Général de Gaulle et comprend 47 Etats, un Conseil de l’Europe dont l’action mériterait d’être réévaluée) et sa charte sociale européenne adoptée en 1961 et révisée en 1996 qui indique notamment : "Toute personne a droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale", "Tous les travailleurs ont droit à la dignité dans le travail", etc.

La responsabilité de chaque citoyen est engagée

Il est temps pour chaque citoyens de regarder la réalité en face,d’exiger le respect de la Constitution et des textes internationaux signés par notre pays en faveur des droits humains et d’agir pour sortir de la spirale infernale des inégalités sociales,fruit d’un capitalisme prédateur et mondialisé et des politiques libérales de l’Union européenne de mise en concurrence des territoires qui mènent notre pays et la planète à des tensions et des confrontations qui seront d’une extrême gravité pour tous.Chacun doit se dire : "il n’y aura pas d’avenir positif pour moi et ma famille si nous continuons à vivre au plan national et mondial dans un univers de désespérance pour le plus grand nombre". Mais cette prise de conscience individuelle,absolument nécessaire,doit aussi s’accompagner d’une mobilisation unitaire des forces de la transformation sociale.

La responsabilité majeure de toutes les forces de la transformation sociale, politiques, syndicales et associatives

En effet face à une situation économique, sociale et politique aussi désastreuse il est indispensable que toutes les forces politiques,sociales, syndicales, associatives,etc, qui se reconnaissent dans les valeurs de justice,de solidarité,de dignité humaine,d’égalité, d’équité,de laïcité,de citoyenneté,de paix et de coopération, se retrouvent pour construire du commun dans la riposte mais aussi en faveur d’ une politique alternative au libéralisme. L’heure étant grave il est temps de sortir de l’esprit de "chapelle",de cette atomisation des forces de la transformation sociale mortifère pour notre démocratie.
La politique ne doit pas être que l’affaire des partis politiques. Au sens étymologique du terme politique signifie "l’organisation de la Cité".Ce n’est que dans notre monde contemporain que ce terme est devenu plus restrictif,prenant le sens de "pratique du pouvoir".Redonner ses lettres de noblesse et toute son efficacité à la politique ne pourra se concrétiser que si chacun,partis politiques,syndicats,associations et simples citoyens,prend toute sa place dans son élaboration et sa mise en oeuvre au service de l’intérêt général.

Le pacte d’union populaire fédérateur de toutes les énergies ?

La proposition avancée par le nouveau secrétaire national du PCF, Pierre Laurent,d e construire un Pacte d’Union populaire peut être intéressante dans le contexte où nous sommes. A condition qu’il se fasse sans exclusive, ouvert en direction de toutes les forces de la transformation sociale qu’elles soient associatives, politiques et syndicales et bien entendu sans esprit de pouvoir et dans le respect de chacun.

Ce Pacte d’Union populaire devrait être multi-acteurs et citoyen.Il devrait être multi-niveaux,du local au national,en lien avec chaque territoires se déclinant par des assemblées de citoyens partout.

Par une telle démarche,soyons en certain,nous redonnerons espoir à nos concitoyens et nous sortirons des débats nauséabonds auxquels nous assistons depuis quelque temps.

L’enjeu de la solidarité

Ce qui doit guider l’ensemble des forces de la transformation sociale,en lien intime et sous le contrôle des citoyens ce ne sont pas les enjeux électoraux et de pouvoir mais les enjeux sociaux(sans oublier bien sûr les enjeux économiques et environnementaux).Pas dans un traitement social de l’emploi et de la précarité comme on le connait depuis 30 ans mais en terme de respect des droits humains fondamentaux, d’éradication complète de la misère et du chômage(zéro chômeurs et zéro SDF)qui doivent être le coeur d’une 6éme république citoyenne, solidaire,fraternelle,pacifique et laïque.
Comme l’écrit Edgar Morin dans son livre Pour une politique de civilisation, "Une société ne peut progresser en complexité que si elle progresse en solidarité".

Solidarité entre les hommes et les femmes, solidarité en faveur des plus démunis et des handicapés,solidarité entre générations, solidarité basée sur le respect et la laïcité entre communautés,solidarité entre territoires et collectivités, solidarité entre tous les hommes et les femmes de notre planète. Face à l’égoïsme du capital et des plus riches,la solidarité quel beau mot ! Utopie diront certains. Je leur répondrai que c’est parce qu’on s’est éloigné de l’utopie pour laquelle tant d’hommes et de femmes ont combattu depuis plus de 2 siècles, au péril souvent de leur vie, pour les rivages, certes plus confortable pour une minorité, d’un soit disant "réalisme" que la société a sombré peu à peu dans la désespérance, les inégalités et le renoncement.

Il est donc temps pour le politique de se tourner vers la société civile,de faire confiance à celle ci,de construire avec elle et d’arrêter de ne jurer que par l’élection présidentielle, simple expression d’une monarchie républicaine qui n’a rien à voir avec une démocratie citoyenne, indispensable pour faire face aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques auxquels notre pays est confronté.

L’avenir d’une Nation ne dépend pas d’un seul homme,ou d’une seule femme mais de la participation et de l’intervention de tous. C’est ce qui fait la force d’une Nation.

Le 9 aout 2010


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