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Die Linke : l’appel fondateur

Présenté le 2 juin 2006 à Berlin par Lothar Bisky (alors Président du Linkspartei-PDS), Katja Kipping (vice-présidente), Klaus Ernst et Felicitas Weck (alors secrétaires généraux du WASG), Gregor Gysi et Oskar Lafontaine.

En ce début du 21e siècle, les peuples du monde se sont rapprochés les uns des autres. La télévision par satellite, internet, les transports aériens et le développement dans les domaines des technologies nucléaires, de la biologie et de la chimie, nous donnent dans une mesure encore inconnue jusqu’alors la conscience que tous les humains sont liés par un destin commun. Les dépendances s’accroissent. Les dommages écologiques causés dans un pays ont des conséquences nuisibles dans les pays voisins. Les économies nationales fusionnent et les nouvelles technologies conduisent à une énorme augmentation de la productivité. En moins d’une décennie, le produit mondial brut a doublé, le commerce mondial a triplé. La consommation d’énergie augmente à vive allure.

Tandis que les nations industrialisées continuent à amasser des richesses, 100. 000 humains meurent quotidiennement parce qu’ils n’ont pas à manger. Toutes les dix secondes, un enfant meurt de faim, alors que, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FAO, 12 milliards d’humains pourraient être nourris dans les conditions actuelles.

La faim et la sous-alimentation sont la conséquence d‘un ordre économique mondial barbare. Le capitalisme est tributaire de sa perpétuelle expansion. Il conquiert des marchés et des sources de matières premières, y compris par la violence militaire. Que ce soit en Afghanistan ou en Tchétchénie, en Irak ou en Iran, en Syrie ou en Arabie Saoudite, le véritable enjeu n’est pas la liberté ou la démocratie, mais les réserves de pétrole et de gaz du proche orient ou des états riverains de la Mer Caspienne. Dans cette lutte sans merci pour le pouvoir ou des sphères d’influence, ce sont surtout les Etats-Unis d’Amérique qui ne respectent ni les droits de l’homme, ni les conventions de Genève qui interdisent toute guerre préventive. La nouvelle doctrine accorde aux états qui prétendent être menacés le droit d’attaquer. Dans beaucoup de régions du monde, ce capitalisme prédateur conduit à la misère et au terrorisme. Les USA combattent ce terrorisme par des guerres incompatibles avec le droit des peuples, et dans lesquelles de milliers d’humains innocents périssent. Ils perpétuent la spirale de la violence et nourrissent ainsi le terrorisme.

L’écroulement de l’Union Soviétique a fait échoir un ordre de société qui avait représenté un espoir pour beaucoup. Dans leur tentative de donner à tous leurs citoyennes et citoyens une chance pour vivre et travailler et de distribuer équitablement les richesses, les états de l’Europe de l’est ont ignoré les deux grandes maximes de Rosa Luxembourg : « La liberté est toujours la liberté de celui qui pense autrement ». « Pas de socialisme sans démocratie et pas de démocratie sans socialisme ». La situation économique initiale était beaucoup moins avantageuse que celle des états de l’ouest, et le système économique peu efficient obligeait les pays du socialisme d’Etat de s’endetter fortement à l’ouest afin d’augmenter le niveau de vie de leurs populations. Malgré d’incontestables progrès concernant l’établissement de l’égalité sociale, du dépassement des privilèges dans l’éducation, l’égalité des femmes, ces états se sont figés en des systèmes de paternalisme bureaucratique, régressaient économiquement et perdaient progressivement le soutien de leurs citoyennes et citoyens.

L’échec de ces tentatives de construire une société socialiste, les crimes du stalinisme et l’injustice que constituaient les dictatures des partis uniques, ne dispensent pas la gauche actuelle de la responsabilité d’une nouvelle tentative afin de surmonter la barbarie de la société capitaliste. La liberté et la protection sociale, la démocratie et le socialisme sont interdépendants. Dans une société démocratique et socialiste, la liberté de l’autre ne constitue pas la limite de la liberté de l’individu, mais sa condition. L’humain qui opprime et exploite son semblable ne peut pas être libre non plus.

Le rêve de l’humanité d’une société mondiale d’individus libres et égaux est vivant. En Amérique du Sud, des présidentes et des présidents socialistes arrivent au pouvoir. Ils ne veulent plus laisser aux groupes transnationaux l’exploitation des matières premières de leurs pays. Ils misent sur la démocratie et une société équitable.

A la fin du 20e siècle, des partis socialistes et sociaux-démocrates ont accepté la responsabilité gouvernementale dans des pays européens. Mais ils étaient trop faibles pour barrer le chemin au capitalisme déchaîné. Au contraire, ils se sont soumis à la volonté des groupes transnationaux et aux impératifs des marchés financiers internationaux. Dérégulations, privatisations, dégradation de la démocratie, baisses d’impôts pour les entreprises et les riches et réduction de prestations sociales constituaient les nouveaux credo. Le néolibéralisme qui, au départ, n’avait été qu’une théorie économique, est devenu un substitut de religion. Il corrompt le langage et la pensée par la même.

Lorsque les idéologues néo-libéraux parlent d’une restructuration de l’état social, ils pensent à sa suppression. Lorsqu’ils parlent de réformes d’avenir, ils pensent aux réductions des prestations sociales. On dilue la protection contre le licenciement, on sabote les conventions collectives et on vend les institutions publiques destinées à assurer les bases vitales pour tous. De plus en plus de personnes travaillent dans des situations précaires, mal payées, dans lesquelles ils se font exploiter de façon éhontée, ou sont obligés de s’exploiter eux-mêmes. Les systèmes de protection sociale, destinés à assurer aux gens de la sécurité et des droits sociaux, sont privatisés. Les lois Hartz et l’Agenda 2010, décidés par les partis CDU/CSU, SPD, FDP, Die Grünen, marquent le comble de cette évolution en Allemagne.

Le monde du travail est en transformation. En raison de l’augmentation de la productivité, de plus en plus de produits et de services sont fournis par de moins en moins d’employés. Ce progrès devrait profiter à tous. Mais c’est le contraire. Pour les salariés, le stress et le temps de travail augmentent. Les sans-emploi subissent des pressions sous menace d’exclusion. On flexibilise le marché du travail et on exige une mobilité extrême des employés. Des contrats à durée déterminée, des horaires de 24 heures sur 24, et des trajets de plus en plus longs détruisent la vie familiale et sociale. La dissolution des liens sociaux et des milieux qu’accompagnent la dérégulation et la flexibilisation transforme les humains et dégage en eux un potentiel destructeur. Des millions de personnes sont sans emploi et nourrissent un sentiment d’inutilité sociale. Pendant que les bénéfices des grandes entreprises et les revenus des capitaux battent toujours de nouveaux records, les salaires sont en baisse. On diminue l’allocation au chômage et les retraites. Dans ce contexte, la participation aux élections régresse tandis que les partis d’extrême droite connaissent un succès grandissant. Le parti social-démocrate s’est réorienté vers le néolibéralisme et perd des adhérents et des électeurs. Lui, qui autrefois représentait la paix et la justice sociale, préconise maintenant des guerres incompatibles avec le droit des peuples, une diminution des dépenses publiques et des amputations répétées des structures sociales.

Le temps est venu de rassembler les forces éclatées de la gauche. Le PDS issu du SED s’est transformé. Il a gagné beaucoup d’adhérents et il est devenu un parti socialiste et démocrate. Son nouveau nom reflète ces transformations : Linkspartei. Le WASG avait été crée surtout par des syndicalistes, des sociaux-démocrates, des représentants de mouvements sociaux déçus. Lors des dernières élections législatives, plus de quatre millions d’électeurs ont donné au Linkspartei et au WASG pour mission de fonder un nouveau parti.

DIE LINKE
("LA GAUCHE ") se comprend comme un mouvement de rassemblement de personnes de différentes origines politiques et sociales, qui milite pour plus de justice sociale. Elle veut une société solidaire, dans laquelle le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous. Elle veut une société solidaire, dans laquelle les personnes, indépendamment de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur nationalité, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle aient les mêmes droits et les mêmes chances.

DIE LINKE veut oser plus de démocratie et s’engage en faveur d‘une consolidation des droits fondamentaux. Citoyennes et citoyens doivent avoir la possibilité de participer à l’organisation de leurs conditions de vie par des initiatives populaires et des référendums. L’engagement politique ne consiste pas seulement en une appartenance à un parti politique, mais également en une implication dans une ONG ou dans des mouvements sociaux. DIE LINKE veut reprendre les exigences des mouvements extraparlementaires et soutenir leur participation aux processus décisionnels politiques.

DIE LINKE ne veut pas répéter les erreurs des organisations anti-capitalistes traditionnelles en se laissant embringuer dans le système du capitalisme mondial. Elle s’appuie sur les cotisations et les dons de ses adhérents ainsi que les subventions nationales prévues par la loi.

Ses représentants titulaires d’un mandat s’engagent à respecter les promesses électorales ainsi que les résolutions prises démocratiquement au sein du parti. Contrairement à des représentants d’autres partis, ils ne se considèrent pas comme appartenant à des lobbies au service de grandes entreprises ou de groupements économiques.

DIE LINKE mise sur une cohabitation pacifique des peuples. Elle veut une politique internationale de paix et elle exige une politique préventive permettant d’éviter les conflits. Elle condamne les guerres impérialistes destinées à conquérir des marchés ou à s’accaparer des sources de matières premières, et elle défend le droit des peuples de disposer eux-mêmes de leurs richesses. Elle insiste sur le respect du droit international et le Traité de non-prolifération nucléaire. Aussi longtemps que les puissances nucléaires ne réduisent pas leurs arsenaux nucléaires, d’autres pays continueront à se munir d’armes nucléaires.

DIE LINKE se réclame du socialisme démocratique. Le capitalisme ne constitue pas le fin mot de l’histoire. Parce que les démunis ne peuvent être libres que lorsque des lois et des règles les protègent de l’arbitraire du plus fort, DIE LINKE mise sur la régulation plutôt que la dérégulation. Les valeurs morales fondamentales de notre société doivent être respectées également dans le domaine de l’économie. Des lois et des règles doivent assurer une utilisation des capitaux qui soit au service de l’intérêt général, ainsi que l’exige la constitution de la République Fédérale d’Allemagne. Les secteurs clé de l’économie et les services fondamentaux doivent être nationalisés et soumis au contrôle démocratique.

DIE LINKE milite pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Le mouvement féministe constitue une de ses racines politiques. C’est pourquoi elle se bat pour des systèmes de protection sociale basés sur les droits de l’individu. Ceci est également valable pour le droit social et fiscal, ainsi que le code du travail. DIE LINKE veut l’égalité salariale pour les femmes. Il est inacceptable qu’en Allemagne, les femmes soient beaucoup moins bien payées.

DIE LINKE veut l’égalité des conditions de vie à l’est et à l’ouest. L’évolution dans les régions de l’est contredit clairement la thèse néo-libérale selon laquelle des salaires plus bas et un temps de travail prolongé permettraient de surmonter le chômage. Le chômage dans les nouveaux länder est toujours deux fois plus élevé qu’à l’ouest. DIE LINKE défend le traitement égal à l’ouest et à l’est en ce qui concerne les revenus, les prestations sociales ainsi que les retraites. Il est souhaitable de transposer sur toute l’Allemagne des expériences culturelles et sociales qui ont été positives, telles que les formations plus longue au sein de la communauté par exemple.

DIE LINKE veut une distribution équitable du travail salarié par une diminution du temps de travail ainsi que la création d’emplois dans des domaines qui répondent à l’intérêt général, surtout dans la fonction publique et dans des secteurs d’emplois subventionnés par des moyens publics. Elle veut un ordre économique qui donne à tous la possibilité de participer à la vie active. Le chômage auquel on est contraint est un acte de violence qui conduit souvent à la solitude et à l’exclusion, même si, en dehors du travail salarié habituel, il existe des activités utiles que nous voulons promouvoir. La distribution des richesses acquises en commun doit en premier lieu récompenser le travail vivant, et non pas le capital mort. Une politique économique à l’exemple des pays scandinaves permet d’associer un taux d’emploi élevé à une protection sociale importante. Des investissements conséquents dans l’éducation, la recherche et les infrastructures publiques, ainsi qu’une fonction publique performante constituent dans ces pays la base pour un bon développement économique et un niveau de vie en progression. DIE LINKE s’engage en faveur d’une politique financière et fiscale qui donne à l’Etat les moyens de faire face à ses tâches. Par une imposition et des taxes plus équitables, elle veut faire participer les grandes fortunes au financement des dépenses publiques de manière raisonnable. Une imposition de cinq pour cent sur la fortune des Allemands les plus riches permettrait d’alimenter les caisses publiques annuellement de cent milliards d’euros supplémentaires.


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