Rappelons-nous que l’antisémitisme est une conception du monde manichéiste et primitive où la haine du Juif prend place à titre de grand mythe explicatif.
Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive
L’affaire Dieudonné est une sale et triste affaire, car elle soulève un bon nombre d’interrogations malsaines. Parmi elles, notamment, quelques interpellations justifiées. Comment faire, en démocratie, pour résister durablement à la haine devenue ordinaire ? Dieudonné est-il toujours un humoriste, surtout quand il répond avec cruauté, mépris ou ironie, aux questions des journalistes en dehors de la scène – lieu suprême du divertissement – qui n’est pas son unique chambre d’échos ? Et, en démocratie encore, la liberté d’expression peut-elle rester totale lorsqu’elle franchit la ligne rouge et qu’elle devient une menace pour le commun des mortels ou, voire, pour une catégorie d’entre eux ?
Coluche et Desproges étaient des humoristes à part entière, eux, et pour notre plus grand plaisir. Ils ne maniaient, sur scène, jamais la langue de bois dont on fait les triques, et ils savaient tenir nos consciences en éveil, tout en se moquant de tout et parfois d’eux-mêmes. Ils étaient libres, pleinement. Libres de nous amuser, de nous faire rire aux éclats et, aussi parfois, de nous attendrir ou de nous arracher des larmes…
Avec Dieudonné, on assiste à tout autre chose. Sa haine du Juif est démontrée et maladive. Et, avec elle, sa haine d’un système qui, pourtant, continue d’assurer – contre toute attente, et malgré les souvent trompeuses apparences – sa promotion. Ne pas être politiquement correct, cela ne veut certainement pas dire appeler à la haine raciale et religieuse. Ou, encore, répandre dans la société les idées les plus sombres etl es passions les plus funestes. Rappelons-nous, aisément, ce qu’a écrit Jean-Paul Sartre à la fin de son ouvrage, Réflexions sur la question juive : « Pas un Français ne sera en sécurité tant qu’un Juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie. »
Certains disent que Dieudonné est devenu fou. D’autres affirment, au contraire, qu’il sait très bien ce qu’il fait et qu’il poursuit un but précis. Peu importe ! Sa parole comme son humour sont nauséabonds. Et ce n’est sûrement pas grâce à lui que va se régler l’épineux problèmedu conflit israélo-palestinien. Il joue avec son public sur une corde – loin d’être sensible – qui n’est pas celle d’une guitare mais, plutôt, celle des pendus. Il joue les communautés les unes contres les autres, il invite au racisme et à l’antisémitisme.
Ses objectifs ne m’intéressent pas, je les lui laisse. Seuls les faits comptent, à mes yeux. Et là, pour le coup, les faits sont têtus.
Dieudonné n’est pas drôle quand il fricote avec le FN de la famille Le Pen, quand il place sous les projecteurs des crétins négationnistes, quand il plaisante à propos des chambres à gaz. Dieudonné est un factieux et un salaud qui ne paie ni impôts ni contraventions ni dommages et intérêts. Il se réclame du « petit peuple », tout en le manipulant et en insultant son intelligence. Il pollue et affaiblit le vent de l’esprit qui souffle sur nos banlieues. Il est hors la loi, tout bonnement. Et il serait, oui, judicieux de s’en prendre immédiatement à son portefeuille. L’argent n’est-il pas le nerf de la guerre ? Cela, sans aucun doute, l’empêcherait de continuer à fuir ses responsabilités de citoyen de ce pays ou simplement d’être humain.
Dieudonné combat, avec force, notre chère République. Ce que je ne trouve pas drôle du tout. Certes, on peut rire de tout. Mais, comme disait l’autre, pas avec n’importe qui.
Saint-Julien-Molin-Molette, le 5 janvier 2014