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"Franc-maçonneries et religions en France aujourd’hui", "Franc-maçonnerie au pays de Liège".
Rémi Boyer nous présente deux parutions récentes sur la Franc-maçonnerie

Franc-maçonneries et religions en France aujourd’hui

Nous savons toute la difficulté et la complexité des rapports souvent houleux entre la Franc-maçonnerie et l’Eglise romaine. Alors que certaines obédiences maçonniques aimeraient négocier une relation plus harmonieuse avec le Vatican, les études rassemblées dans ce livre élargissent le débat en traitant des relations entre l’Ordre maçonnique en ses diverses expressions et les principales religions présentes en France dans une triple approche, historique, sociologique et anthropologique. Ces études, issues d’un colloque organisé en 2014 par le Centre National de la Recherche Scientifique, actualisent un sujet brûlant et ouvrent des perspectives nouvelles.

Sommaire :

Introduction de Jean-Pierre Brach et Thierry Zarcone
Première partie : En France catholique : Le fait religieux dans quelques revues maçonniques françaises au XXe siècle par Jean-Pierre Laurant – Les récentes positions de l’Église catholique à l’égard de la Franc-maçonnerie, par Jérôme Rousse-Lacordaire – Les rapports entre Franc-maçonnerie et religion dans les articles de René Guénon publiés dans la revue La Gnose (1910-12) par Jean-Pierre Brach
Deuxième partie : Chez les protestants et les musulmans : Le protestantisme, l’ami du Franc-maçon ? par Jean-Marie Mercier – Quand l’islam interroge les frères maçons par Thierry Zarcone
Troisième partie : L’autre « religion » : La Franc-maçonnerie, Église de la République ? par Pierre-Yves Beaurepaire – La montée annuelle au mur des Fédérés des Francs-maçons du Grand Orient de France par Franck Frégosi – Laïcisation et politisation : les évolutions de l’antimaçonnisme durant les années 1930 : le cas de la Revue internationale des sociétés secrètes par Emmanuel Kreis
Postface de Jean-Paul Willaime

Les auteurs mettent en perspective les positions de la Franc-maçonnerie vis-à-vis du fait religieux. Alors que le principe même de l’initiation exige de traverser les croyances sans s’en préoccuper, très souvent, la Franc-maçonnerie est apparue comme un acteur social entre les religions, l’Etat, et les différentes composantes de la société, parfois malgré elle, parfois par choix stratégique. Dans bien des cas, le rapport de force avec les religions est devenu une composante de son identité.
Les études regroupées dans cet ouvrage permettent de mieux saisir la complexité et la grande variabilité des relations entre l’Ordre maçonnique et les principales religions présentes en France. En clarifiant les positions, les croyances des uns et des autres, les impasses apparaissent et la possibilité comme la nécessité d’une décrispation s’impose.

« Par sa sociabilité sélective, conclut Jean-Paul Willaime, et sa dimension ésotérique, la Franc-maçonnerie relève de l’idéal-type sociologique de la secte [1]. Par ses pratiques de l’écoute et de l’échange et par ses contributions à la fraternité universelle, elle relève de l’idéal-type sociologique de l’Eglise. Qu’il y ait référence ou non au Grand Architecte de l’Univers sans l’obédience qu’il choisit de rejoindre, ce n’est pas l’adhésion à des croyances qui définit le Franc-maçon, mais l’acceptation d’un rite et d’un parcours initiatique, lesquels induisent un mode particulier de socialisation et de sociabilité. Alors que dans la conjoncture actuelle, l’on observe un processus d’euphémisation doctrinale chez les pratiquants eux-mêmes, alors que, pour le dire de façon lapidaire, les réputés croyants ne savent plus très bien à qui ou en quoi ils croient, poursuivre la recherche sur Franc-maçonneries et religions en analysant comparativement les modes de sociabilités et les façons de devenir « membres » - si tant est que le terme soit adéquat – serait, je crois, une piste intéressante de recherches. »

Ce livre contribue peut-être à un mouvement de rapprochement et de dépassement qui pourrait conduire, selon l’expression très choisie de Jean-Paul Willaime à une « sociologie des fraternités ».

Franc-maçonneries et religions en France aujourd’hui sous la direction de Jean-Pierre Brach, Jean-Pierre Laurent et Thierry Zarcone.
Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.
https://latarente.fr/

Franc-maçonnerie au pays de Liège

L’ouvrage de Henri Leboutte et Catherine Vankerkhove traverse 250 années d’histoire maçonnique locale. Les auteurs cherchent à nous faire découvrir l’action et le rayonnement de la Franc-maçonnerie dans la Vallée de Liège.

L’histoire de la Belgique est particulièrement complexe, à la croisée de multiples influences. La Franc-maçonnerie liégeoise fut un vecteur de transformation sociétale dans un contexte souvent très aigu.

Avec brio, Henri Leboutte et Catherine Vankerkhove ont analysé et traité les nombreuses sources et études historiques, universitaires ou maçonniques, sur la Franc-maçonnerie liégeoise pour réaliser cette fresque vivante, démonstration de l’action de l’ordre maçonnique dans la cité mais aussi des difficultés rencontrées, internes comme externes.

L’anglomanie du siècle des lumières a favorisé l’entrée d’idées nouvelles en Belgique par le biais des échanges commerciaux et des présences militaires sur le sol belge. Des loges saisonnières apparaissent dans les stations thermales à la mode, Chaudfontaine et Spa, très appréciées des riches Anglais en villégiature. En 1760, une loge est fondée à Verviers, qui suscite très tôt des réactions hostiles de l’Episcopat. Cette tension entre Eglise et Franc-maçonnerie sera largement constitutive de la Franc-maçonnerie belge et notamment liégeoise avec des périodes de lutte paroxystique.

En 1770, la première loge de Liège, La Parfaite Intelligence est fondée, ou peut-être refondée, les incertitudes subsistent. Ses membres, favorables aux idées progressistes de leur temps, font partie de l’élite intellectuelle et politique de Liège et sa région et s’inscrivent dans l’idéologie des Lumières, ce qui les conduit à se rattacher au Grand Orient de France. Les auteurs mettent en évidence cette marque progressiste au sein de la Franc-maçonnerie liégeoise tout au long de son histoire.

L’ouvrage, nécessairement respectueux d’une certaine chronologie, nous permet de mieux saisir les interactions entre l’action maçonnique locale et les contextes politiques et religieux pendant la période révolutionnaire, sous Napoléon (1799-1814), sous Guillaume d’Orange (1815-1830), sous l’Unionisme (1831-1847), sous la fin du règne de Léopold 1er (1848-1865), sous Léopold II (1866-1884), sous les gouvernements catholiques (1884-1914), pendant le premier conflit mondial (1914-1918), l’entre-deux-guerres, le deuxième conflit mondial (1939-1945), l’après-guerre jusqu’en 1969 et la période contemporaine.

Des grands thèmes, qui furent aussi de grands combats, traversent l’ouvrage : luttes contre les discriminations, combats pour les libertés, guerre scolaire, laïcité… Les problèmes civiques, politiques, sociaux, culturels ont largement pénétré dans les ateliers de la Vallée de Liège pour y être élaborés et orienter vers des solutions favorables au plus grand nombre.

« En effet, nous disent Henri Leboutte et Catherine Vankerkhove, l’action des maçons de la Vallée a toujours été animée de la volonté de s’inscrire dans les trois composantes identifiées dans le projet des Lumières : la volonté d’autonomie de l’individu, la finalité humaine de ses actes et l’universalité des principes sur lesquels doivent reposer les lois régissant la vie en société. »

La lecture, passionnante, de ce livre n’est pas seulement une invitation à découvrir l’action localisée de la Franc-maçonnerie dans son temps, elle met en évidence les vecteurs de transformation d’une société par la pénétration souvent lente, parfois fulgurante, des idées nouvelles et humanistes. Davantage peut-être qu’ailleurs, la Franc-maçonnerie liégeoise fut un laboratoire d’idées, dans un Etat belge lui-même laboratoire.

Franc-maçonnerie au pays de Liège
Henri Leboutte & Catherine Vankerkhove
Editions 3CINQ7, 9 rue de la Boucherie, 4000 Liège – www.3cinq7.be

Notes :

[1Note de Jean-Paul Willaime : « Je rappelle que l’emploi du terme secte n’a ici rien de péjoratif. Il désigne chez Max Weber et Ernst Troeltsch, un mode d’existence sociale d’un groupe religieux dont la caractéristique principale est de ne rassembler, sur une base volontaire, que des personnes religieusement qualifiées.


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