Frères humains, qui après nous vivez
N’ayez les coeurs contre nous endurcis
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Et ce vers qui revient et qui clôt le texte le plus célèbre de Villon, La ballade des pendus extrait du Testament :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Remercions ici Jean Teulé pour avoir aussi bien servi la littérature française, la littérature ! Avec Je, François Villon, roman de la vie du poète, il dispense une grande leçon d’humilité et de partage, de terreur et de bonheur. Les professeurs peuvent le remercier : par un récit aussi bouleversant que la vie de François de Montcorbier ou François des Loges, qui prit le nom de son tuteur-professeur Guillaume de Villon, Teulé nous fait accéder aux circonstances de la naissance des poèmes qui ont traversé le temps. Réécrits en prose française contemporaine puis restitués en français du quinzième siècle, les poèmes tantôt octosyllabes tantôt décasyllabes, deviennent immédiatement lisibles.
Oui, François Villon est le fils d’un pendu et d’une suppliciée, oui il apprend le latin et le grec en Sorbonne, oui il devient licencié et maître arts en 1452, oui il fréquente la basoche, les prostituées puis la Compagnie des terribles bandits, les coquillards, jusqu’à plus soif, oui il trucide un prêtre dans une bagarre, oui il est torturé, oui il échappe à la potence sur interventions de Charles d’Orléans, de Louis XI lui-même, oui en 1463 un arrêt du Parlement casse une sentence le condamnant à être pendu et étranglé pour une rixe sans gravité, oui, il est alors marqué au fer rouge sur le front et banni de Paris pour dix ans, après quoi on perd sa trace à tout jamais. Sa trace, oui, mais pas l’oeuvre du « premier poète à la moderne », ainsi que le désignait Suarès.
Je, François Villon, roman de Jean Teulé, doit bénéficier du plus grand prosélytisme possible : car il porte en son coeur les ressorts de l’humaine création offerte à tous.
Je, François Villon, Jean Teulé, roman, Julliard, 415 pages, 20 euros