Nous devons à Michèle Dassas de très réussis romans historiques. Nous nous souvenons de celui consacré à Augustine Tuillerie, auteure du célèbre ouvrage Le Tour de la France par deux enfants. Elle s’intéresse cette fois à une autre figure féminine peu connue, Jeanne Chauvin, première femme à avoir plaidé en 1901.
Jeanne Chauvin (1862-1926), femme d’exception, avocate, féministe, a ouvert la voie à toutes les avocates qui peuvent aujourd’hui plaider. Cette fille de notaire fut une étudiante brillante et la première femme à soutenir une thèse de doctorat de droit en 1892, justement consacrée aux professions accessibles aux femmes. Dès cette soutenance, ses idées se heurtent à de fortes oppositions. Elle sera tout de même reçue à l’unanimité du jury docteur en droit. En 1897, la cour d’appel de Paris lui refuse l’accès à la profession d’avocat. Il faudra une loi, adoptée en 1900, autorisant les femmes à exercer la profession d’avocate, pour qu’elle puisse enfin se consacrer à sa vocation, après Olga Petit qui la précéda de quelques mois. Elle fut toutefois la première femme à plaider.
Les réactions hostiles ne se firent pas attendre tant au sein des professions du droit que de la population. L’un de ses confrères usera de cette formule sans équivoque : « Robe sur robe ne vaut ».
Les humiliations et les coups tordus n’ont pas empêché cette femme d’une grande intelligence et d’un immense courage de trouver sa place et de convaincre peu à peu par son talent et aussi grâce au soutien de sa mère et de son frère, secrétaire du Grand Orient de France qui s’impliqua dans le droit des femmes.
Le choix du roman historique permet à Michèle d’Assas de nous faire vivre pleinement cette période de fortes mutations dans la société, de comprendre les mécanismes sociaux et politiques qui étouffent la créativité et la liberté des femmes, d’observer toutes les composantes d’un combat féministe, combat de l’intelligence contre la bêtise, de la liberté contre les préjugés. Mais ce choix évite une réduction de la femme à sa profession et sa fonction sociale, elle est une femme vivante, aimante, souffrante, qui doute, tombe et se relève. Elle met en scène les faits établis par les archives dans un cadre souvent en effervescence et plein d’humanité. Ce qui n’empêche pas de traiter du fond, des combats et querelles féministes portés par certains avec plus ou moins de pertinence, plus ou moins de succès, mais avec une passion légitime.
Surtout, ce n’est pas un combat du passé, ce n’est pas un combat gagné, il suffit de s’entretenir avec quelques jeunes femmes avocates en ce début de millénaire, pour comprendre que Jeanne Chauvin a ouvert une voie qui n’est toujours pas une évidence pour tous.
Outre le roman, les annexes permettent de juger de l’actualité de ce sujet. Bien des préjugés de l’époque, bien des croyances toxiques à propos des femmes, bien des comportements inadmissibles, perdurent et trouvent même ouvertement, de nos jours, des défenseurs. Ce livre contribue aujourd’hui à établir égalité, équité, et éthique.
Jeanne Chauvin, pionnière des avocates. Michèle Dassas
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