En ces temps de fin d’année et de ripailles,
Je vais vous faire un pamphlet sur le travail.
Il sera court, pas trop élaboré et de facile abord
Car si le travail est d’argent, la paresse est d’or.
Le petit Nicolas et la Mère Angèle, la bonnetière d’outre Rhin
Nous traitent d’ânes, de fainéants, de bons à rien.
Mais la vie ne vaut-elle d’être vécue que par le travail ?
Faudra-t-il trimer sans relâche jusqu’à l’ultime bercail ?
Devons-nous, comme un bœuf tirer la charrue, tracer les mêmes sillons
Ou, docilement, nous laisser tondre comme des moutons ?
Christine Lagarde nous dit que nous avons trop pensé,
Que les bibliothèques de la France ont inondé le monde d’idées,
Qu’il serait largement temps de nous mettre à travailler,
Que le travail est le fondement d’une vie équilibrée,
Qu’espérer maintenir une semaine de trente-cinq heures,
Pour la stabilité de l’économie, un dangereux leurre.
Avant la révolution, la noblesse considérait le travail comme une servitude.
Ce serait amoral et rétrograde de renouveler une telle attitude.
En démocratie, le travail est le symbole de l’égalité.
Une grosse journée de boulot est belle ! Que tu sois grand patron ou ouvrier !
Le petit Nicolas, en osant appeler à liquider Mai 68, traquait la paresse.
Des tirs au flanc, sans relâche, il faudra botter les fesses…
Vilain fonctionnaire, médecin, chercheur ou instituteur,
Dévoreurs de l’argent taxé sur notre dur labeur,
Point trop d’indemnités journalières ne touchera, ni grève ne fera,
Car alors, aucune prime en fin d’année, ne te donnera.
Le code de travail aux patrons du Medef, il faut confier,
Des horaires à la carte, au mois, à l’année, à l’ère, à l’éternité !
Laurence Parisot, Kessler, le baron Antoine Seillière,
Des avantages et salaires, se feront les serial killers.
Pour que le travailler plus devienne le gagner moins,
C’est de beaucoup d’heures supplémentaires dont on a besoin.
La petite copine d’Arlette Chabot a dit : la vie, la santé et l’amour
Sont précaires. Pourquoi avoir du boulot rimerait avec toujours ?
Dans les usines, dans les bureaux, à France Telecom, mortel harcèlement
Pour ne pas payer les justes primes de licenciement.
Dans mes campagnes, les paysans se suicident,
Dépouillés de leurs terres pour ne pas avoir été lucides.
Les survivants feront des patates et élèveront des bœufs pour Mac Do
Pour un maigre salaire et, beaucoup d’heures, plieront le dos.
Pour acheter la nourriture, on vendra tes cultures, tu scruteras la bourse de Chicago,
Là où sont les Deyfus, Cargill, Carrefour, Bayer et Monsanto,
Tout ce business tentaculaire de l’agro-alimentaire
Alimente la terre avec les poisons moléculaires.
Pas de forêts, pas d’air, de rivières, sans toxine, sans dioxine.
Pour le mal de terre, il n’y a pas d’aspirine !
Il faut donc breveter, tout faire banquer en passant par l’école et l’eau,
De la naissance à la mort, tout transformer en billets jusqu’aux hôpitaux.
Vous les technocrates qui avez le cerveau et le cœur en tiroir-caisse,
Vous politiciens corrompus qui faites de nous de la chair à business,
Président Pompidou de la dynastie Rothschild, assassin de la Banque de France,
Qui avez initié les surendettements de ce pays, autrefois d’abondance.
Du capitalisme de production au capitalisme financier,
De l’immoral à la barbarie des traders nous avons sombré.
Spéculateurs affamés, jamais repus,,crapauds qui bœuf voulez devenir,
Vous êtes prêts à tous les crimes, à toutes les guerres, pour y parvenir,
Vous nous faites croire que les marchés sont efficients,
Qu’ils sont justes pour définir les prix et les axes de développement.
Autrefois, le matin quand on allumait la radio,
C’était pour savoir s’il y aurait du soleil, s’il ferait beau.
Aujourd’hui, on scrute avec angoisse la bourse, le marché,
Le marché, le marché…, les actions, les titres. Les devises vont-elles baisser ?
Ma faible retraite va-t-elle résister, ma maison devrais-je quitter ?
Mes vieilles fesses, pour me nourrir, pourront-elles se prostituer ?
C’est le travail qui crée le travail, les néo-libéraux ne cessent de répéter,
Mais eux, par la petite porte, s’enfuient avec un parachute doré.
La solvabilité des Etats se jugent, paraît-il, d’après les marchés,
Pour accroître les bénéfices des spéculateurs, les agences de notation
Vont hypothéquer de façon ciblée l’avenir des nations.
On nous menace d’un terrorisme que nous-mêmes avons fabriqué.
Du dollar ou du keffieh, de quoi faut-il se méfier ?
Qui répond vraiment dans nos vies la terreur ?
Qui menace le plus nos valeurs ?
Travaillez, travaillez, pour accroître les fortunes, travaillez prolétaires !
Travaillez pour que, devenant plus pauvres, grandisse votre misère.
Mais que ferons-nous de toute la surproduction des paysans et ouvriers ?
Dans les poubelles ! Car le ventre déjà trop gras des bourgeois est rassasié.
Ou alors, il faudra trouver d’autres ventres à faire grossir à l’étranger.
C’est l’argent des pauvres des pays riches que l’on va distribuer
Vers les riches des pays pauvres qui devront accepter.
Tant pis pour les désespérés de nos anciens territoires coloniaux
Que l’on accusera de venir grignoter nos avantages sociaux.
Pour me changer les idées, devant la télé je prends place.
Là un milliardaire s’envoie en l’air dans l’espace.
Je me dis qu’il faut prendre de la hauteur, changer d’horizon,
Faire l’ascension de ma montagne, avec vue sur d’autres raisons.
Que si le blé peut m’apporter du bonheur,
Je me ferai peut-être céréalier ou éleveur.
Tiens voici quelqu’un qui vient !
Je voudrais que tu me dessines un de tes moutons !
Comment se fait-il que les moutons de la vallée soient dociles ?
Je me demande ce qui les fait tenir tranquilles.
Ah, c’est parce qu’on les nourrit et qu’on les soigne,
Qu’on leur construit de confortables bergeries dans la petite montagne,
Qu’on les protège du loup et des assassins,
Qu’on leur fait croire qu’ils n’ont pas à créer leurs lendemains.
Mais comment peut-on leur faire gober une telle supercherie
Alors que les tiens, qui sont libres, se nourrissent bien et sont pleins de vie ?
Mais gamin tu n’es pas malin ! C’est le loup qui les épouvante.
Ce sont eux-mêmes qui l’inventent.
Quand moi, j’en tue un.
C’est toujours l’autre et c’est demain.
Et puis ils ont Guéant et Hortefeu, de bons chiens.
Ce sont de très fidèles gardiens.
Pour eux, c’est un grand plaisir
De mordre et se faire obéir.
Et j’ai mon vieux bélier.
Au mois de Mai, les jeunes se battent pour le remplacer.
Mais, dis-moi gamin, n’avais-tu pas acheté un âne ? Qu’est-il devenu ?
Oui, je l’avais acheté sur internet, pour pas cher, mais il a disparu.
Il est tombé malade gravement et je n’ai pu le sauver.
Mon argent non plus, je n’ai pu le récupérer.
Le vieux paysan qui me l’a vendu m’a dit que l’argent était déjà dépensé,
Qu’aucun contrat ne stipulait qu’il devait me rembourser.
Alors j’ai organisé une loterie avec des billets à deux euros !
Tu n’as quand même pas mis ton âne mort comme gros lot ?
Assurément si ! Mon âne m’a coûté cinquante euros et deux cents billets ai vendus !
Un joli bénéfice, de quoi ne plus être déçu.
Et personne n’a porté plainte contre toi ou même râlé ?
Si ! Le gagnant. Mais bien sûr, ses deux euros lui ai remboursés.
Bien, petit ! Alors revenons à nos moutons.
Nous en avons assez dit, il est temps que je te dessine ton mouton.
Spéculons ! Spéculons ! Spéculons ! In specula speculorum !
Que vive une vraie république sinon, nous l’aurons dans le rectum !
Dodo La Sole