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L’heure de la décolonisation a sonné
Comité comprendre et agir contre la guerre, Marseille

Bien que ce texte ne défende pas une solution au conflit israelo-palestinien fondée sur les résolutions de l’ONU avec la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, ce qui apparaît aujourd’hui comme la seule issue pacifique possible, il apporte des éléments de réflexion qui peuvent être utiles à la compréhension des racines du conflit. C’est pourquoi nous le publions. Eric Le Lann.

Si, pour la population de Gaza, l’heure est à l’enterrement des morts, aux soins des blessés et à la reconstruction du minimum nécessaire à une vie humaine très sommaire dans ce qui est et reste aujourd’hui la plus grande prison du monde, le temps est aussi à porter un regard plus lointain sur l’avenir de la Palestine qui ne soit pas un nouvel épisode du charabia diplomatique et médiatique : cessez-le-feu, feuilles de route..., dont l’unique fonction est de laisser se poursuivre la colonisation de toute la Palestine.

Car il n’y a pas que les « colonies », ces villages de colons installés à coups de chars, de bulldozers et de subventions sur les terres palestiniennes, il y a un processus de colonisation de toute la Palestine.
Lancé en Europe à la fin du 19° siècle, initié en 1917 et poursuivi sans relâche par l’entité sioniste depuis 1948, il s’agit de la dernière expression d’un colonialisme qui a vécu ses derniers moments ailleurs sur la planète dans la seconde moitié du XX° siècle.

Il s’agit bien d’une colonisation : invasion et occupation d’un territoire, traitement de ses habitants en êtres inférieurs. Il s’agit bien d’une colonisation menée par des étrangers dont tous les travaux contemporains, à commencer par ceux des historiens israéliens, démontrent qu’ils ne constituent pas un « peuple » mais un groupe humain, dispersé sur tous les continents mais unifié autour d’une religion propre et des traditions culturelles qui l’accompagnent. Il s’agit bien d’une colonisation car il y a derrière ces colons un colonisateur d’un type particulier, organisé mondialement à partir de la métropole impérialiste (les USA) et de ses annexes (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne).

Ce qui a, depuis plus de 60 ans, obscurci le regard sur ce colonialisme c’est qu’il n’a pas été le choix d’un seul Etat national, mais le choix collectif de l’ONU.

Le 29 novembre 1947 quand les membres de l’Assemblée Générale adoptent la résolution 181, ils déchirent d’un seul geste la charte des Nations Unies, et les idéaux universalistes de 1945 sont abandonnés. La guerre froide vient de commencer et la création de deux Etats sur la terre de Palestine est prise sans donner le droit de s’exprimer à ses habitants, sans respecter leur droit à disposer d’eux-mêmes. Les Etats-Unis, qui en ont alors la force matérielle et politique, ont décidé de prendre en mains les destinées du monde et d’imposer à l’ONU leurs choix. Le vote de l’Assemblée Générale n’est d’ailleurs pas un vote unanime (33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions, et la plupart des pays de ce qui n’est pas encore appelé le Tiers-monde votent contre ou s’abstiennent ) mais ils n’ont pas cessé depuis de les lui imposer ou de les ignorer quand elle leur résistait (invasion de l’Irak en 2003).

De ces deux Etats, prévus par la résolution 181, Etats inégaux puisqu’il est attribué d’emblée à l’ « Etat juif » 60 % du territoire, un seul verra le jour, celui des colonisateurs et l’ONU, paralysée par les vetos US successifs, laissera l’autre à l’état de projet, d’Etat peau de chagrin, d’Etat mort-né.
Ce qui se joue maintenant est la dernière partie de cette sanglante histoire coloniale.

Avec le massacre de Gaza, l’opinion publique mondiale est en train de comprendre enfin que l’énorme et tragique bévue de l’ONU : appeler à la création de deux États, laisser un seul de ces deux Etats exister et le laisser empêcher, par tous moyens (illégalité, force, corruption..), l’autre de naître, doit être réparée.

Ce dernier colonialisme disparaîtra parce que s’effondre l’appareil idéologique qui l’a soutenu dans ces entreprises meurtrières : s’il y a une grande diversité de langues de cultures, de croyances s’il y a une diversité de groupes sanguins et de couleurs de cheveux, il n’y a qu’une seule espèce humaine et tous les êtres humains sont égaux en droits et lorsque l’ONU vota la résolution 181 annonçant un Etat juif et un Etat arabe elle enterrait d’un seul geste ses ambitions universalistes initiales, elle donnait naissance à une forme nouvelle et ultime de colonialisme qui, depuis cette date, déchire cette région du monde et ses habitants, et elle a fait de l’Etat colonisateur un Etat guerrier criminel et spoliateur sans avenir.

Or l’histoire du colonialisme l’a montré : la colonisation meurtrit et opprime le colonisé et elle pervertit le colonisateur.

Pour que le massacre de Gaza soit la dernière horreur de cette colonisation - elle a, on le sait, été précédée de nombreuses autres - nous devons soutenir le peuple palestinien dans sa lutte héroïque pour aboutir à la création non pas d’un Bantoustan sous perfusion « humanitaire » mais d’un Etat viable, unique, assurant l’égalité de tous les droits à tous ceux qui aujourd’hui habitent la terre de Palestine comme ceux qui veulent y revenir après en avoir été chassés et qui sont prêts à y vivre ensemble, entre égaux.

Le 26 novembre 1938, Gandhi écrit :
« Toute ma sympathie est acquise aux Juifs. J’ai connu certains d’entre eux, d’une manière très intime, en Afrique du Sud, et certains d’entre eux sont devenus des amis pour la vie. Grâce à ces amis, j’ai pu mieux connaître la persécution à laquelle ils ont été soumis depuis la lointaine histoire. Ils ont été, en quelque sorte, les intouchables de la Chrétienté. La similarité entre le traitement que les Chrétiens leur ont infligé et celui que les Hindous infligent aux Intouchables est frappante. Un jugement de nature religieuse a été invoqué dans les deux cas pour justifier les traitements inhumains qui ont été infligés aux uns comme aux autres. A part les amitiés qu’il m’a été donné de nouer avec certains d’entre eux, ma sympathie pour les Juifs ressortit donc à des raisons de caractère universel.
Mais ma sympathie ne me rend pas sourd aux exigences de la justice. L’appel à un foyer national pour les Juifs ne me séduit guère. La légitimité en est recherchée dans la Bible et dans la ténacité dont les Juifs ont depuis tout temps fait preuve dans la formulation de leur attachement à un retour en Palestine. Pourquoi ne pourraient-ils pas, comme les autres peuples sur Terre, faire de cette contrée leur pays où naître et où gagner sa vie ? La Palestine appartient aux Arabes de la manière dont l’Angleterre appartient aux Anglais ou la France aux Français. Il serait injuste et inhumain d’imposer une domination par les Juifs aux Arabes. Ce qui se passe en Palestine, de nos jours, ne saurait être justifié au nom d’un quelconque code moral de conduite. Les mandats n’ont pas d’autre justification que la dernière guerre mondiale (la Première, NdT). Ce serait à n’en pas douter un crime contre l’humanité de contraindre ces Arabes, si justement fiers, à ce que la Palestine soit restituée aux Juifs en tant que leur foyer national, que ce soit partiellement ou en totalité. »
En 1947, l’Inde votera contre la résolution 181..

Publié sur le site du Comité Valmy


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