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La paille et la poutre : à propos des déclarations de Georges Frêche et de Jean-Luc Mélenchon
Par Eric Le Lann

Les paroles lancées par Georges Frêche à Hélène Mandroux, à propos du vote pour Laurent Fabius, pouvaient être interprétées comme une répartie lancée à la cantonade. Certes, si c’était bien le cas, cette manière seyait peu à la dignité habituellement conférée à la fonction d’un président de région. Mais ce sont surtout les extraits de la lettre de mise au point qu’il a adressée à Laurent Fabius qui m’ont interpellé, bien qu’ils n’aient suscité aucune réaction. Pour parer l’accusation d’antisémitisme, Georges Frêche s’y présente en effet comme un « ami d’Israel », enchaînant aussitôt sur ses excellentes relations avec la communauté juive. Le fait de faire état de son soutien à Israel pour récuser l’accusation d’antisémitisme, et qui plus est l’amalgame entre Israel et la communauté juive et Israel me paraissent inacceptables et dangereux, de nature à importer le conflit du Moyen-Orient sur notre sol et à faire passer les adversaires de la politique d’Israel pour des antisémites.

Mais une autre retombée de cette affaire ne peut qu’interpeller les militants progressistes : les propos de Jean-Luc Mélenchon, et plus encore l’absence de réaction à ces propos. A une exception près, celle de Jean-Paul Boré qui a fait la déclaration suivante :
_ « Avant de faire observer la paille dans l’œil de son voisin Jean-Luc Mélenchon ferait bien de prendre garde à la poutre qui est dans le sien. Il s’en prend maintenant au physique des personnes (...)Après avoir comparé le Conseil Régional aux écuries d’Augias, voilà que Jean-Luc Mélenchon persiste dans l’insulte. Lors de sa venue à Montpellier, il vient de parler de Georges Frêche en ces termes : un "énergumène hirsute, claudiquant et vociférant", "Néron de Septimanie", "le pire de la droite et de la gauche réunies". Voilà que les donneurs de leçons et vigies du vocabulaire s’octroient le droit d’insultes les plus basses s’attaquant au physique de la personne, en l’occurrence G Frêche. Le terme claudiquant est infâme. Les personnes en situation de handicap apprécieront qu’un homme prétendument de gauche et s’affichant comme humaniste stigmatise les différences et se permette des propos discriminants. Ainsi tous les coups seraient permis. Quand on veut faire observer à son voisin la paille qu’il a dans son œil, il faut être sûr de ne pas avoir une poutre dans le sien. Partager une tribune avec quelqu’un qui prononce de tels propos sans réagir pose de singulières questions quant à la morale en politique. De quel honneur de la gauche parle-t-on quand on adopte un tel langage digne de l’extrême pour exprimer des désaccords politiques ? Je demande à Marie George Buffet, à Gérard Revol, tête de liste du front de gauche en Languedoc-Roussillon et Olivier Besancenot de se désolidariser de ces propos. »

D’aucuns rappelleront que Jean-Paul Boré fait partie des élus communistes au Conseil régional du Languedoc-Roussillon qui ont décidé de se présenter sur la liste Frêche. Cela n’enlève rien à la pertinence de sa réaction. De tels faits ne peuvent que nous inviter à la réflexion. J’en tire comme première conclusion qu’il n’est pas si facile, même lorsqu’on prétend avoir rompu avec toute attitude dogmatique, de ne pas céder à la tentation de faire feu de tout bois contre un adversaire politique, et, à l’inverse, de fermer les yeux sur les écarts de celui qui est de notre côté. J’ajoute qu’il reste toujours difficile de ne pas décrypter des propos, ou un évènement, à la seule aune de la pression médiatique (parmi bien d’autres, l’exemple qui me vient en tête est celui du boeing sud-coréen abattu par la chasse soviétique, où la vérité d’aujourd’hui est bien différente de la version fournie sans la moindre précaution par les médias sur le moment). La capacité à résister au pouvoir médiatique, à ce que Pierre Musso désigne comme « la démocratie de l’instant », me semble une qualité à cultiver impérativement pour tous ceux qui n’acceptent pas le cadre de pensée dominant.


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