Le constructivisme est libérateur quand il revèle la contingence de
pratiques sociales considérées à tort comme fondées en nature. Mais il
s’égare quand il aspire à devenir une theorie générale de la vérite et
de la connaissance, ou celles-ci ne font plus qu’exprimer les besoins
et les intérêts d’une société.
Pourquoi tant de gens se sont-ils laisses tenter par cette
application généralisée du constructivisme social ? C’est qu’on
acquiert par là un énorme pouvoir : si une connaissance n’est légitimée
que par des valeurs sociales contingentes, on peut rejeter tout savoir
du moment qu’on ne partage pas les valeurs en question.
Les idées du constructivisme de la connaissance sont étroitement
liées a des courants progressistes comme le post-colonialisme et le
multiculturalisme : elles fourniraient des armes philosophiques pour
protéger les cultures opprimées. Mais, même d’un point de vue
strictement politique, ce n’est pas très judicieux. Car, si les
puissants ne peuvent plus critiquer les opprimes parce que les
catégories du savoir sont inévitablement liées à des perspectives
particulières, il s’ensuit également que les opprimés ne peuvent plus
critiquer les puissants. Voila qui menace d’avoir des conséquences
profondément conservatrices.
Ce livre réfute avec clarté et simplicité les arguments qui sont au
fondement de la pensée postmoderne : nous n’avons aucune raison
sérieuse de croire que nos concepts ordinaires de vérité, de
connaissance et d’objectivité seraient aujourd’hui disqualifiés, et
devraient être abandonnés. Il est complété par une préface qui en
souligne les enjeux et des annexes ou sont discutées les idées de
Bruno Latour, Isabelle Stengers et Michel Foucault sur cette question.
Préface de Jean-Jacques Rosat, traduit de l’anglais par Ophélia Deroy,http://atheles.org/agone/bancdessais/lapeurdusavoir/
Collection "Banc d’essais", 224 pages, 20 euros
Paul Boghossian enseigne la philosophie a New-York University.