A Paris, à l’Assemblée Nationale, le 4 juin 2011, un colloque organisé à l’initiative de juristes et d’intellectuels français, sous le patronage de M. François Assensi, Député et Vice-Président du groupe d’amitié France-Cuba a réuni plus de 120 personnes autour d’avocats et de juristes français et internationaux, des parlementaires, des diplomates, des scientifiques et diverses associations pour faire le point sur le procès des Cinq Cubains prisonniers aux Etats-Unis et sur le terrorisme contre Cuba à la lumière du droit international.
Il nous semble intéressant de retenir les points forts du colloque tout en soulignant la dimension politique accentuée prise par ce procès non seulement aux Etats-Unis mais encore en Europe, en France et au delà et de voir les perspectives actuelles de la défense des 5 Cubains ainsi que des actions de mobilisations concrètes en faveur de leur libération.
A l’ouverture, un film Dans les serres de l’Empire a relaté la stupéfaction générale causée par l’arrestation de 5 Cubains le 12 septembre 1998 à 6 h du matin à Miami. Puis les visages de ces 5 hommes, Ramón Labañino Salazar, René Gonzalez Sehwerert, Fernando Gonzalez Llort, Gerardo Hernandez Nordelo et Antonio Guerrero Rodriguez, qui ont été accusés de conspiration d’espionnage ( !) alors que leur seule activité était de recueillir des informations sur les groupes qui, depuis Miami, préparaient et organisaient des attentats à La Havane Comme l’ont montré des témoins au procès, parmi lesquels des officiers de l’armée U.S, nulle information classée secret défense et visant la sécurité des Etats-Unis n’avait été recueillie. Depuis cette date, les 5 sont en prison. Puis sont venues des images du procès, l’appel, la décision à Atlanta, le 4 juin 2008, la décision de la Cour Suprême de justice des Etats-Unis du 15 juin 2009.
Ensuite, une lecture a été faite pour les nombreux messages de soutien, en particulier celui de M.Richard Mallié et de la mère de René Gonzalez..
Dans son allocution de bienvenue, M. François Assensi, a tenu à dire sa satisfaction d’accueillir à l’Assemblée nationale, ce colloque consacré au procès des 5 prisonniers cubains aux Etats-Unis .Il a déclaré que la qualité des intervenants réunis - juristes, journalistes, chercheurs - permettrait de mieux cerner les enjeux géopolitiques et juridiques autour de l’emprisonnement injustifié, illégal et inhumain de ces 5 héros. Cela afin de mieux lutter pour leur libération. Alors que Cuba a ouvert la porte au dialogue, à la condition du respect de sa souveraineté, les USA ont campé sur leurs positions. Nous nous émouvons, a déclaré M. Assensi, à juste titre, de l’embargo imposé sur Gaza. Mais rappelons que Cuba continue de souffrir l’embargo américain, pourtant condamné à maintes reprises par l’ONU depuis 18 ans. Sur l’ensemble du continent latino-américain, la même politique étasunienne a prévalu, c’est à dire : la préservation coûte que coûte des intérêts de la superpuissance, avec par exemple les coups d’Etat au Vénézuela ou au Honduras. S’intéresser à la question des 5 amis cubains emprisonnés sans traiter ces questions, ce serait manquer une partie du problème et de la solution.
Me Roland Weyl, Vice- président de l’AIJD propose d’aller au-delà des campagnes répétitives et de passer à une étape supérieure, par exemple en organisant, vers la fin de cette année 2011, un tribunal international d’opinion, c’est à dire faire un contre procès des 5 Cubains afin d’avancer vers une justice équitable.
Les travaux ont porté sur trois sessions, les deux du matin présentent des aspects scientifiques et juridiques coordonnées par M. Michel Taupin de l’association Cuba Si France alors que la troisième de l’après-midi coordonnée par Mme Nguyen Dac Nhu-Mai, historienne des Relations Internationales, est consacrée à la mobilisation internationale pour la libération des Cinq.
Concernant l’affaire des 5 Cubains et les perspectives actuelles de leur défense :
Me Tecla M.Faranda du Barreau de Milan (Italie) à informé sur Les nouveaux éléments de preuve dans le procès des Cinq à savoir les révélations sur le paiement, par le pouvoir des Etats-Unis, de journalistes de Miami pour mener une campagne médiatique destinée à influencer l’opinion des jurés du tribunal de Miami, les nombreux obstacles posés au travail des avocats de la défense (fortes restrictions à l’accès aux pièces d’accusation).
Me Steve Cottingham, Barreau de Londres (Royaume -Uni) a commenté le Rapport d’Amnesty International sur les 5 Cubains du 25 mai 2008 qui souligne le caractère injuste et partial du procès et dénonce le refus de visa opposé à deux des épouses, Olga Salanueva et Adriana Pérez. Le rapport parle aussi de l’insuffisance de preuve et de la conduite inadéquate du Ministère Public des Etats Unis. Sur le droit de la famille à visiter les Cinq, Amnesty International a ajouté que cette mesure est inutilement punitive et violatrice des normes pour le traitement humain des prisonniers et de l’obligation des Etats de protéger la famille.
Me Edith Flamand, Barreau d’Anvers (Belgique) a exposé La procédure Habeas Corpus, qui a été déposée au nom de Gerardo Hernandez Nordelo devant la cour fédérale de Miami. Il s’agit du dernier recours légal le concernant dans le cadre du système juridique américain. Dans cette démarche, engagée après le refus du tribunal suprême de reconsidérer son affaire le 14 juin 2009, ont été présentées de nouvelles preuves de l’injustice, en particulier les révélations récentes de paiements effectués par l’administration américaine à des journalistes qui pendant le déroulement des différents procès ont publié des articles incitant à la haine des Cinq et insistant sur leur culpabilité. Rappelons que l’habeas corpus est une action intentée en justice pour demander la libération d’une personne détenue illégalement. Le remède peut être réclamé par le détenu ou par une autre personne à venir à son secours. L’Habeas corpus est originaire du système juridique anglais, mais il est maintenant disponible dans de nombreux pays. Il a toujours été un instrument juridique important en préservant la liberté individuelle contre l’action arbitraire de l’Etat.
Me Augustin Kemadjou, Barreau de Paris, Président de l’Association des Avocats Africains, Antillais & Autres de France, a donné une explication sur l’application du droit international et de sa violation par les Etats-Unis. Pour que la justice soit rendue équitablement, tous les documents sur laquelle se fonde l’accusation doivent être mis à la disposition de la défense et les chefs d’accusation doivent être clairement exprimés. Sinon les droits sont bafoués, ce qui est le cas pour les Cinq Cubains.
Concernant le terrorisme contre Cuba et le droit international :
M. Maurice Lemoine, journaliste, auteur du livre Cinq Cubains à Miami, l’Affaire Posada Carriles et les organisations anticubaines de Miami a retracé longuement les différentes étapes de la vie du terroriste le plus protégé de la planète par les Etats-Unis car Posada Carriles possède tous les attributs du terroriste international. Ses crimes sont à ce jour restés impunis. En le punissant, tous les revers de la médaille de la "bassesse américaine" seraient mis à jour d’où ce chantage qui lui a valu son acquittement lors d’un récent simulacre de procès à EL Passo (Etats-Unis).
Salim Lamrani, journaliste auteur du livre "Ce que les médias ne vous diront jamais" a pointé tous les impacts de la guerre économique et le terrorisme d’Etat. Il a fait l’historique des relations économiques de Cuba et des Etats-Unis et du blocus, économique, commercial et financier à l’égard de Cuba par les États-Unis mis en place le 7 février 1962 à la suite de nationalisations expropriant des compagnies américaines. Il assure que les seuls moyens des EUA de provoquer le désenchantement des Cubains pour le régime actuel serait la pénurie engendrant la famine et le désespoir. Or, le 27 octobre 2010, l’Assemblée générale de l’ONU a de nouveau exhorté les Etats-Unis à lever l’embargo économique qu’ils imposent à Cuba depuis 50 ans. Ce blocus est resté en vigueur après l’arrivée au pouvoir du président Barack Obama, malgré sa volonté d’ouverture en direction de ce pays. Le vote de la résolution a réuni 187 voix pour et deux voix contre, celles des Etats-Unis et d’Israël.
Alexandre Zourabichvili, Barreau de Paris et du Ceará (Brésil) a analysé la Résolution 1373 du Conseil de Sécurité des Nations avec ses aspects normatifs contraignants pour les Etats en matière de lutte anti terroriste : obligations de vigilance (notamment pour des personnes qui se servent du territoire d’un Etat où ils se trouvent pour préparer des attentats contre le territoire d’un autre Etat), obligations de répression (application du principe "juger ou extrader"), obligation de coopération entre Etats etc..Il a attiré également l’attention sur les lacunes de la Résolution 1373, notamment en matière de conséquences juridiques de la violation, par un Etat, de ses obligations de lutte contre le terrorisme. Ces lacunes ont des implications pratiques, les Etats-Unis refusant toujours d’inculper et de juger ou extrader Luis Posada Carriles, auteur présumé de l’attentat contre l’avion de ligne de la Cubana (73 victimes fatales) et d’autres attentats. Cela alors qu’en 2007, la sous-commission des Droits de l’homme de la Chambre des représentants des États-Unis a établi la responsabilité de Luis Posada Carriles dans plusieurs actes terroristes, dont celui contre le Vol 455 Cubana.
M. Stephen Wilkinson, Directeur du Centre de Conseil et de recherches Caribéennes et latino-Américaines de l’Université Métropolitaine de Londres (Royaume-Uni) a présenté un exposé sur Les Relations entre les Etats-Unis et la politique de l’Administration Obama vis à vis de Cuba. Bien que la presse et les média aux Etats-Unis entretiennent une atmosphère malsaine qui se résume à souhaiter la mort de Fidel Castro, le nouvel élu de la Maison Blanche, lui, semble vouloir engager une ouverture timide vis à vis de l’Amérique Latine en général et de Cuba et du Vénézuela en particulier, tout en appliquant la politique de la carotte et du bâton. Alors que les 5 Cubains sont prisonniers dans différents endroits aux Etats-Unis, Obama semble, lui, prisonnier des intérêts défendus par le lobby mafieux de Miami et des forces les plus conservatrices.
Concernant les Cinq et la mobilisation internationale pour leur libération, les associations de solidarité ont déployé de multiples étendards en matière de mobilisation nationale et internationale.
M. Charly Bouhana (Cuba Si France), a énuméré toutes les actions engagées par son association, du dossier de presse sur les 5 au désir de location de panneaux et affiches pour leur libération, en passant par les pétitions, les manifestations, les publications sur la toile et divers soutiens de journalistes et d’artistes. Il invite tous les citoyens de bonne volonté à travailler ensemble avec une grande qualité d’engagement, une vraie détermination et une belle confiance dans la libération des 5 héros.
Mme Annie Arroyo (Solidarité avec les Cinq, France Cuba) a retracé quelques grandes actions mémorables qui ont eu lieu en France et dans le monde pour la libération des Cinq, en particulier les actions médiatiques du Comité national des Etats-Unis "Free the Five". Ce Comité a fait publier en 2004 dans « The New York Times » un article sur une page entière, grâce aux fonds récoltés par la campagne mondiale de solidarité. La publication d’un nouvel article, cette fois dans « The Whashington Post » est prévue. L’impact de ces articles dans l’opinion public est important. Il y a également les correspondances avec les 5 à travers courriels, messages. Il s’agit de continuer.
M. Stephen CHO, Directeur de l’Institut de la Recherche Coréenne du 21è siècle, a exprimé la solidarité d’un militant Coréen pour l’indépendance et la démocratie envers les Cinq et à travers lui, le soutien du peuple coréen. Il déplore certains traitements injustes tels que le droit de séquestration solitaire après l’arrestation, la courte libération du jury et l’atmosphère de chasse aux sorcières du procès de Miami, détails qui font que "nous sommes retournés au Moyen âge et non au 21è siècle". Cuba et le monde entier se souviendront de ces cinq héros et en même temps auront plus de courage et de détermination à impacter sur toutes les actions justes. La finalité de Fidel Castro "l’Histoire m’absoudra" serait à modifier pour les Cinq, "l’Histoire vous a déjà absous"
Mme Katrien Demuynck, Coordinatrice la libération des Cinq de l’ensembe de l’UE et du Comité des Cinq de Belgique, a rappelé qu’en 2009, les Cinq ont reçu un soutien unique dans l’histoire judiciaire des Etats-Unis de 12 amicus curiae à leur demande de révision du procès par la Cour Suprême. Parmi les signataires des amicus se trouvent en particulier, Dix Prix Nobel, le sénat mexicain entier, Mary Robinson ancienne haut Commissaire des droits de l’homme et ancienne présidente d’Irlande, deux présidents et trois vice- présidents du Parlement européen ainsi que de nombreuses associations du barreau américain et étranger et organisations des droits humains. En Belgique, les Cinq ont obtenu le soutien de l’Ordre des barreaux flamand, francophone et germanophone c’est à dire de tous les avocats en exercice en Belgique.
Mme Gloria Gonzalez Gusto, (Comité International pour la Libération des Cinq) a informé tout le travail fait par le Comité international dans la mobilisation. A La Havane même, des personnes de tous âges, de milieux sociaux professionnels différents venues de tous les pays travaillent. Travail d’explication de base mais encore les campagnes de cartes postales à Obama, relayé par l’initiative d’une action tous les 5 du mois. Toutes les propositions et actions en faveur de la Libération des Cinq seraient les bienvenues à travers les réseaux internationaux de communication (sites, blogs, facebook)
Mme Colette Finet, Maire de Longueau (la Somme, Picardie) de retour d’un récent voyage à Cuba organisé par la CGT de Marseille, a informé que sa commune va distinguer les 5 Cubains en Cinq Citoyens d’honneur. Elle suggère aussi que leurs photos soient mises sur les frontons de toutes les mairies de France et ce, jusqu’à leur libération
La déclaration finale a été lue par Me Augustin Kemadjou (voir en Annexe).
La déclaration rappelle que l’affaire des Cinq héros cubains d’une part et l’absence de punition contre les auteurs des attentats contre Cuba d’autre part sont une illustration d’une approche "deux poids deux mesures" des Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme. Cette approche est dangereuse. Le terrorisme, déclaré menace à la paix et à la sécurité internationales par le Conseil de sécurité de l’ONU, ne peut être combattu que de façon équilibrée. Le terrorisme doit être combattu par l’ensemble des Etats. C’est pourquoi la déclaration s’adresse aux députés et sénateurs Français. Il est important que les parlementaires de France soient informés de l’affaire Posada Carriles comme de l’affaire des 5 prisonniers Cubains et qu’ils abordent ces questions dans leurs échanges avec leurs homologues du Congrès des Etats-Unis. La déclaration finale du Colloque demande aussi aux députés et sénateurs de proposer que la France, lors des réunions importantes qui ont lieu cette année au Comité de lutte contre le terrorisme (Comité créé et géré par le Conseil de sécurité ) demande aux EUA des explications sur leur comportement et sur ces questions.
S.E.M. Orlando Requeiro Gual, Ambassadeur de la République de Cuba en France, a clôturé le colloque en remerciant vivement les participants et intervenants pour la qualité de leur travaux et la solidarité manifestée dans la mobilisation à travers tous les moyens. Il a exprimé le souhait d’une prompte libération des Cinq.
Nguyen Dac Nhu-Mai est lauréate 2010 des Mots d’or de la Francophonie pour la Presse écrite et membre du Comité d’Organisation du Colloque des 5 Cubains