A Jamel Morghadi
« Avant les larmes des amandiers
la neige de la confidence des regrets
l’offrande qui se signe en éternité »
Djamal Amrani, La Nuit du dedans
En ce temps-là
dans mon quartier
on me surnommait
Danse avec les loups
Pourquoi les loups ?
Sans doute parce que
je m’appelle Renard
Thierry Renard
– mais pas seulement
pas seulement
Les loups ?
Des Arabes des Kabyles
des Maghrébins pour la plupart
des Algériens même
plutôt
des Algériens surtout
Maintenant je passe
incognito
Mon communisme des mots
est un communisme des choses
le communisme aussi
des souvenirs et des regrets
Mon ombre ne pèse plus rien
désormais
ma vie est plus légère
bien plus légère qu’auparavant
Maintenant je passe incognito
je déambule dans les rues
de ma cité
je marche d’un bon pas
je vais droit vers mon but
Il y a un autre monde
dans ce monde
un monde qui augmente
le réel
Il y a une réalité
pleine
entière
sans artifices
Je voudrais tout
pouvoir changer
je voudrais tant
changer les choses
et mon fusil d’épaule
Je voudrais parfois changer de cap
véritablement
améliorer le quotidien des gens
changer enfin d’habitudes
mes habitudes
pour retrouver l’air pur
pour retrouver l’air pur
Le poète est aveugle le poète est sourd
et cependant il entend et il voit
Maintenant je passe incognito
Vaulx-en-Velin, le samedi 20 mai 2017 ; Décines, le dimanche 21
« Les poètes déclarent : Ni orpheline, ni sans effets, aucune douleur n’a de frontières ! »
Patrick Chamoiseau, Frères migrants
Chaque matin
est un matin de plus
Chacun vit
avec plus ou moins de bonheur
les sursis sursauts
de l’existence
Chacun
en avançant
en vieillissant même
fait preuve
d’une autonomie avérée
La vie finit toujours
par mourir un jour
– la mienne
comme celle des autres
La vie s’éteint
et ne restent alors
la plupart du temps
que les traces des désirs
passés
que le pouvoir des mots
les puissances
de la Transmission
C’est quand on a
le plus besoin des autres
de leur présence attentive
qu’ils se dérobent
sous nos pas
J’ai appris cela
Et maintenant je songe
à tous ces enfants des écoles
rencontrés à Gelles à
Nébouzat
en mars dernier
lors des trente ans
de la Semaine de la poésie
de Clermont-Ferrand
Tous ces enfants contents
de voir puis d’entendre
un poète de chair de sang et d’os
un poète vivant
un poète vibrant
Et maintenant je songe
à Patrick Chamoiseau
que je tiens pour l’un
des plus grands écrivains
de ces temps usurpés
Il est le ténor
de la Relation
et avec lui il nous entraîne
vers l’inconnu l’incertain
l’imprévisible
– ses trois mots-clés
Pourquoi écrit-on
au fond ?
Parce qu’on est seul
Vénissieux, le jeudi 25 mai 2017
« Laisse-moi m’enivrer de baisers radieux
Et, longuement bercé par tes mains virginales,
Oublier les soleils endormis dans mes yeux. »
Laurent Tailhade, Fête nationale et autres poèmes
Entre Sonia et moi
ce n’est pas vraiment la joie
ces temps-ci
Nous nous en allons
peu à peu
chacun de son côté
Nous nous éloignons
l’un de l’autre
loin trop loin
et trop vite finalement
Nous nous écartons déjà
des excessives vérités de l’amour
Gardons les yeux ouverts
ne ménageons pas
nos efforts
Pulvérisons nos angoisses
laissons s’échapper
le cri
Depuis le quinze mai dernier
j’ai commencé
les injections matinales
d’insuline
[Le diabète est un trouble de l’assimilation, de l’utilisation et du stockage des sucres apportés par l’alimentation. Cela se traduit par un taux de glucose dans le sang, encore appelé glycémie, élevé : on parle d’hyperglycémie.]
Peu à peu la nuit
tombe
sur nos plus hauts murs
[On distingue principalement deux types de diabète : le diabète de type 1 qui touche environ 6% des diabétiques et le diabète de type 2 qui en touche 92 %.
Le diabète de type 1, appelé autrefois diabète insulinodépendant, est habituellement découvert chez les personnes jeunes : enfants, adolescents ou jeunes adultes.
Les symptômes sont généralement une soif intense, des urines abondantes, un amaigrissement rapide. Ce diabète résulte de la disparition des cellules bêta du pancréas entraînant une carence totale en insuline.]
Tour à tour malchanceux
roc solide bouffon agile
inventeur de socles
et d’espérances
Idée d’alarme mousson tsunami
Frontale mise à l’épreuve
principe de dégagement
quête du Grand Être
Solitude
solitude immédiate
solitude et silence
dans la nuit qui nous fuit
Les lèvres se livrent dans l’obscurité
[Le diabète de type 2 apparaît généralement chez les personnes âgées de plus de 40 ans. Le surpoids, l’obésité et le manque d’activité physique sont la cause révélatrice du diabète de type 2 chez des personnes génétiquement prédisposées.
Sournois et indolore, le développement du diabète de type 2 peut passer longtemps inaperçu.
L’insuline ne peut plus réguler la glycémie et cette résistance épuise progressivement le pancréas qui finit par ne plus assurer une production suffisante d’insuline.]
Nous rétablirons
le goût du risque
Nous déjeunerons
avec avidité
Nous dévasterons le vaste monde
Pour le rendre accessible
Habitable
Nous réhabiliterons les cultures
et les différences
de modes de vie
mais dans l’ultime l’extrême
et neuve perspective
du
Tout-monde
[Le but du traitement dans les deux types de diabète est de normaliser la glycémie : les hyperglycémies répétées et prolongées entraînent à long terme une altération des nerfs et des vaisseaux sanguins présents dans tout le corps.]
Jour de pluie
avec toi
derrière la vitre opaque
La voiture ne s’arrête
pas
pour rien
Les yeux ont bon appétit
Aujourd’hui
point de nostalgie
Des souvenirs uniquement
des souvenirs qui défilent
Des éclats d’un passé
récemment révolu
Aujourd’hui
avec toi
sous la pluie
[Malgré la recherche médicale qui avance tous les jours, le diabète reste une maladie qui se soigne très bien mais qui ne se guérit pas. Il faut donc, toute sa vie, se surveiller, garder de bonnes habitudes alimentaires, pratiquer une activité physique et prendre régulièrement son traitement. Un diabétique peut donc être un malade en bonne santé !]
En écrivant
soudain j’ai vu
ta silhouette
réapparaître
Nous ne serons
jamais plus
seuls
Les liens
maintenant
sont tissés
Prenons garde
tout de même
aux imbéciles
Prenons garde aux crétins
qui veulent nous séparer
Jamais les mots
ne m’ont paru
autant nécessaires
qu’au jour blessé d’aujourd’hui
Les 11 et 12 avril 2012 ; le 26 mai 2017