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Les compagnies théâtrales et la situation actuelle
Propos recueillis par Jacques Barbarin

Les compagnies théâtrales sont dans une période très difficile. Il m’a paru opportun de connaitre leur point de vue sur la situation qu’elles vivent, leur analyse de « l’année blanche macronienne, et leur perspectives.

Résidant à Nice, j’ai sollicité deux compagnies dont leurs visions me paraît pertinentes, et qui chacune ont leurs propre spécificités, leur propre positionnement : La compagnie Miranda, la compagnie Le Sixièmétage. Plus que des réponses à des questions, elles livrent une véritable analyse.

La compagnie Miranda, dirigé par Thierry Surace, outre le fait qu’elle est certainement l’une des plus anciennes –vingt cinq ans- a cette caractéristique d’être « aux manettes » du Théâtre de la Cité, donc donne le point de vue et d’une compagnie et d’un théâtre. Le théâtre de la Cité, c’est donc avant tout une troupe. Celle de la compagnie Miranda devenue propriétaire des lieux il y a 15 ans. Une salle de 140 places qui accueille des spectacles de tous types. Tantôt baroques, parfois contemporains, souvent modernes.

 « On parlera peut-être du « grand confinement » dans l’Histoire. Pour l’instant, parce que c’est celle que nous avons vécue, nous ne parlerons que de notre « petite histoire », dans la Compagnie Miranda et au théâtre de la Cité. C’est un arrêt de tout ce qui fait l’essence d’un artiste, un temps entre parenthèses de cette partie de nous. Bien sûr nous avons profité de nos familles, de cette espace laissé à la lecture, à la réflexion, au rangement de la cave ou du garage que nous repoussons depuis des années… Mais à dire vrai, nous avons subi cette période parce qu’elle n’avait aucune date de péremption, aucune fin annoncée. L’enfer, c’est l’incertitude, pour les rêveurs comme les porteurs de projets que nous sommes. Tout s’est arrêté d’un coup. Le théâtre a fermé, quittant sa mission de partage d’émotions.

Tous les spectacles annulés, toutes ces promesses de belles soirées devant un public venu en nombre n’auront pas lieu. C’est une perte d’âme. Mais la réalité est aussi affaire de chiffres : le théâtre est fermé pour 6 mois, la Compagnie a eu entre 50 à 70 contrats annulés. Les dettes courent, elles, sans regarder la situation de circonstance. C’est une perte économique immense, du chômage, des bouts de ficelle que nous tricotons pour pouvoir nous en sortir sans couler… Et même si tout semble se calmer, l’annulation d’Avignon nous prive de tournée sur 2 ans ; La production d’un Hamlet à Paris avec William Mesguich est, au mieux, reportée, faute de moyens ;

Ce n’est donc pas le présent uniquement qui est frappé de plein fouet par ce coup du sort, mais le futur proche, amputé de sa part de rêve, comme de son économie. Nous somme peu de choses, nous le savons, mais fragilisés et peu soutenus, notre place nous apparaît comme un strapontin dans l’hémicycle économique et philosophique de ce monde moderne. Les annonces de soutien de l’Elysée ne sont pour l’instant que des gros titres assez flous. Cette année blanche, privilège heureux, est un mystère dans son application comme dans ses conséquences, imprécises à l’heure actuelle.

Alors que nous reste-t-il à part l’espoir ? Nous bouclons la programmation du théâtre de la Cité, comme si de rien n’était. Nous tâtonnons pour trouver des projets pour Miranda, qui correspondent à ce que nous sommes devenus. L’artiste ne répète pas les choses, il est dans le présent. Il est connecté au monde, à ce monde qui a changé. Rien ne sera pareil qu’avant, cet « avant » qui n’existe déjà plus. Réinventons le monde, nous qui ne sommes que de l’étoffe dont sont faits les rêves… Et « j’ai fait un rêve », celui d’un monde plus humain où l’artiste sera considéré comme précieux, utile à la pensée comme à l’éducation. Parce qu’il est celui qui dit une vérité de fou du roi. Et franchement, la vérité dans ce monde devient une denrée rare, nous avons pu le voir à travers tous ces moyens de communication de censure ou d’ultra-liberté qui autorise à dire la chose ou son contraire avec le même aplomb, par la même personne, d’un jour à l’autre… »

Depuis sa création, la Cie Le Sixièmétage propose une forme chorégraphique atypique et singulière, un théâtre d’images qui ouvre les frontières entre danse et théâtre.
La compagnie puise dans l’étude des différents visages de notre humanité où s’expose le récit fragmenté des êtres fragiles du monde moderne. Le Sixièmétage est dirigé par Jeff BIZIEAU chorégraphe et Pascal RENAULT auteur / metteur en scène 

La période de confinement a été, pour nous, source de créativité. Même si ce n’est pas en réaction à cet événement inédit, nous avions envie/ besoin, de rester créatifs et avions surtout la possibilité physique et mentale de le faire. Notre espace de liberté s’est restreint mais pas notre imaginaire. Pousser les meubles et créer, à la maison, un espace de répétitions pour continuer nos recherches sur notre prochaine création.Etre privé de liberté et se retrouver confinés nous a donné l’envie d’ailleurs, partir mentalement vers des contrées lointaines … un fleuve peut-être africain, une forêt amazonienne … dans tous les cas une nature puissante et accueillante. Une musique, un texte, une chanson, une vidéo ont été créés pendant cette période.Il y avait le silence, un temps suspendu, une liberté retrouvée pour la nature environnante, de nouvelles odeurs apparurent, des chants d’oiseaux inconnus … tout était propice pour nous évader et travailler sereinement.

Maintenant que cela se termine et que selon l’expression consacrée, on reprend une activité “normale” … il y a comme une nostalgie de ce passage inédit. Bien-sûr, c’était violent et meurtrier, bien-sûr cela a entrainé des peurs, des angoisses …. mais combien de solidarités sont apparus, combien de gestes et paroles fraternels ont éclos pendant ces deux mois.

Pour nous, artistes, créateurs, inventeurs de mondes meilleurs, il est bon de prendre du recul d’avoir du temps pour réfléchir, imaginer …. nous avons eu ce temps … nous n’avons pas peur des lendemains incertains, nous sommes, peut-être habitués et savons nous relever, innover et garder espoir toujours et encore. Cela dit, comme beaucoup d’autres métiers, nous sommes selon les humeurs ou selon les événements décriés, applaudis, admirés, incompris ou adorés.  

Il est dit que la culture est une ouverture pour l’esprit, une nécessité, elle participe au lien social, au vivre ensemble. Elle peut divertir mais aussi apporter de la réflexion, de la contradiction, un débat nécessaire dans une démocratie.

Alors, menacée aujourd’hui, on lui apporte soutient … on lui promet une "année blanche” pour que les artistes (mais pas tout, disons ceux qui ont le fameux statut d’intermittents) pour ne pas mourir … cela semble être un geste généreux, mais dans la réalité cela est beaucoup plus compliqué. S’il n’y a pas de contrats, “d’heures” dans cette année à venir …. quid de l’après ? Plus dure sera la chute. Tout reste flou, imprécis, il y aura des personnes qui resteront sur le bord de la route, que l’on perdra en chemin …. qui disparaîtront comme cela est le cas depuis des années de lois sur ce fameux “statut”.

D’autres aides sont possibles, à nous d’aller chercher, chasser les informations pour tenter de survivre et espérer continuer ainsi notre activité. A ce jour, des perspectives s’ouvrent. IL est encore trop tôt pour pouvoir mettre le mot “reprise" dans notre quotidien. Mais, il semble qu’il y ait une volonté de solidarité inimitié par nos tutelles (ville, région, national) Des résidences verront le jour dès septembre dans des théâtres, nous somme prudents, nous attendons des confirmations.

Et après ? Et demain ? Que restera-t-il de ce bouleversement ? Une crise économique, c’est évident. Mais humainement ? Quel changement de comportement sera effectué.
LIBERTE EGALITE FRATERNITE …. sont nos valeurs importantes …. pas juste une divise dont on a oublié sa définition. Après toute crise, ces principes doivent-être concrets et surtout nous unir dans un monde juste.

Voilà. Il s’agit juste de deux points de vue, mais de deux « points de vue documentés ».

Pour mieux comprendre la spécificité de la compagnie Miranda, je joins le lien vers un article paru dans le site www.ciaovivalaculture.com

https://ciaovivalaculture.com/2014/02/24/miranda-fait-son-theatre/


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