Nombreux sont les auteurs d’aujourd’hui capables de faire de jolies phrases, de composer des vers ciselés, presque parfaits. Mais, chez eux, le plus souvent rien d’étonnant, de décapant, point d’éclat et plus aucune vibration. Seulement du style, de l’aisance verbale...
à Maya Ombasic
L’homme est pour l’homme la rosée matinale et les rougeurs du crépuscule,
même l’eau gelée fleurit sur le carreau de la fenêtre.
La beauté existe.
Pour les autres animaux l’homme est un homme.
Pentti Holappa, Sur la terre, sous le ciel
Première pluie d’automne sur Saint-Julien-Molin-Molette. Première pluie matinale aussi, qui me cueille dès le réveil. La rentrée, cette année, a été particulièrement mouvementée. Peu de temps pour la lecture et pour l’écriture. Stress, pression et dépression. Il faut tenir le coup et maintenir le cap.
C’est, d’ailleurs, parce que je ne suis pas un écrivain à temps plein, mais encore un éditeur et un« agitateur » — d’idées, de mots, d’expressions — que je parviens à écrire sans vraiment me soucier d’écrire.
Mon écriture à moi, je la veux franchement sauvée du désastre, et d’une saisissante clarté.
Vivre, c’est vivre et habiter le monde en poète.
Nous sommes du même clan, de la même tribu. C’est un plaisir ! J’en suis même très-très honoré. Te suivre, voire te poursuivre, est un vrai bonheur. Tes goûts (souvent), tes dégoûts (plus rament), et tout le reste en plus. Nous prendrons encore le temps, parfois, de commercer un brin.
Nombreux sont les auteurs d’aujourd’hui capables de faire de jolies phrases, de composer des vers ciselés, presque parfaits. Mais, chez eux, le plus souvent rien d’étonnant, de décapant, point d’éclat et plus aucune vibration. Seulement du style, de l’aisance verbale...
Sans remettre en cause les qualités poétiques ou littéraires de leurs écrits, nous recherchons des textes plus incisifs et porteurs de sens, d’engagement. Nous tenons absolument à voir apparaître des œuvres qui cherchent ailleurs leur place. Des cris hirsutes, face à la nudité crue du monde. Des vers mal taillés, de frêles proses, des choses indéfinissables. Mais du coffre, du rythme et du souffle !
Surtout du souffle ! C’est ce que nous voulons.
Et le souffle n’attend pas.
Chaque nouvelle chance annonce une crise et chaque nouvelle crise annonce peut-être une chance — à saisir. On ne sait pas, a dit un jour le poète. On ne sait jamais. On continue seul, comme avant. C’est pour ça qu’on partage, qu’on échange finalement. Mots croisés, mots fléchés. Mots. Mais, cette fois, sans un mot — de trop.
Mon rêve, en réalité.
Je ne résiste pas. C’est limpide. Visage, silhouette, ombre même. Ces derniers jours le « Merveilleux », chaque jour et à chaque heure du jour, brûle de mille feux la toile de nos rêveries.
Tout a déjà été dit, ou presque. Nous devons vivre les heures et les jours du « Merveilleux ». Au fond, le surréalisme est toujours d’actualité.
Jusqu’ici tout va bien.
J’attends les retours de l’aube.
Seule une femme, sans doute, saura sauver le monde. Une femme, oui, avec l’appui affirmé d’un petit macho féministe.
Le poète traîne un vieil air de banlieue, derrière les volets.
C’est immense, la nuit : un pays entier, un soleil dans l’obscurité, une étoile filante.
Toute la poésie !
Des ailes, pour un vol de liberté.
Et j’oubliais cette cigarette, qui à la fois nous fait vivre et nous tue — énormément.
Moi, je vis et je pense en banlieue — comme on dit.
Moi, j’habite ici, à Vénissieux. Et j’habite en poème — en poète, plutôt.
Nous n’en avons pas encore fini avec la guerre des mots.
Il est libre, Marx !
Flashback.
Amis, vous allez me manquer, certes. Mais il y a une vie en dehors de nos murs et je ne dois pas la manquer. Après une saison découpée en mille morceaux, entre vie publique et vie privée, entre soucis de santé (petits) et problèmes familiaux (ô maman, maman...), entre vie professionnelle très agitée (déplacements nombreux et néanmoins fructueux) et vie intime lasse (on fait comme on peut), je m’accorde quelques temps de répit pour pouvoir refaire surface autrement, avec force et talent.
J’espère toujours me rendre en Italie, du côté de chez Pavese et, ensuite, j’irai chez Pasolini. Je ne déserte pas, je prends un bol d’air et de repos. Mais je reste fidèle aux uns et aux autres. Fidèle et libre !
Quoi ? On profite de mon absence pour échanger de vilains propos. Il y aurait une révolte, alors… Mais non, c’est la vie qui se poursuit, et il est déjà jeudi. Ce que j’aime, par-dessus tout, c’est la circulation des idées, des mots et des images. En un instant, on rejoint l’autre, comme ça. Dans la clarté du désir ou pour une simple discussion. Le partage peut aussi être mondial.
On avance, on avance... Même à petits pas, on avance.
Un jour viendra où la révolution sera totale !
Du chaos naît une étoile.
La formule est de Charlie Chaplin.
On cherche forcément la phrase la plus courte et la plus précise.
Et on emprunte les meilleures routes du monde. Avec, en prime, Richard Brautigan sur le siège arrière de la voiture.
Le bonheur est une femme que l’on tient dans ses bras.
Le regard est là, toujours, même avec des lunettes sur le bout du nez.
Tout est dans le regard. Droit comme un i, le regard.
Solitaires mais solidaires, en ces temps d’immobilisme.
Suivre ses propres chemins de traverse.
Seulement se raconter, c’est ça toute l’affaire.
Il faut croire que j’ai, par moments, de belles et grandes bouffées d’optimisme. Mais c’est nettement mieux ainsi.
Le combat contre le racisme, contre l’antisémitisme, contre la xénophobie, contre le repli identitaire, contre les intégrismes religieux et le populisme d’extrême droite, est une lutte de tous les instants.
Ce qui est certain (et je ne lis plus Millet depuis un certain temps), c’est que Richard Millet est un connard et un salaud. Sa pensée est étroite, vaine, tout le contraire de celle d’un Spinoza, notamment.
Je n’aime pas Richard Millet !
Avant de me taire pour de bon ce soir, je voudrais conseiller la lecture du journal Libération de ce lundi 3 septembre. Il y a un très bel article de Michel Crépu, Millet ou le roman impossible.
_ Il y a longtemps que je déteste Richard Millet — à mes yeux, déjà, un cadavre ! — malgré son petit talent d’écrivain au style bien ficelé. J’avais dénoncé, brièvement, ses crimes littéraires et ses bavardages dans un précédent ouvrage, Va, respire d’autres lumières, paru à l’enseigne des éditions Le bruit des autres en 2008.
Millet n’aime ni le métissage ni les enfants de la télé ni notre époque compliquée, il appartient à une autre époque qui, sans aucun doute, n’a jamais existé. Il n’a rien à dire à part sa haine ordinaire, quotidienne, mais il la répand avec une féroce volonté. Millet n’est pas un adversaire littéraire comme les autres (je songe à Michel Houellebecq, particulièrement), c’est un ennemi véritable.
Lisez l’article de Crépu, article plutôt gentil ou, en tout cas, sans réelle méchanceté. Il y a des jours où l’intolérable m’est vraiment insupportable, et cela malgré mes nombreuses qualités de supporteur de la libre expression « libre ».
Crépu a su rester poli. Mais, moi, je dis et j’écris désormais : aux chiottes Millet ! Mes fautes ne sont que de simples fautes d’orthographe. Les siennes sont bien plus abjectes.
J’arrête ici. Que le diable m’emporte — au loin, très loin des terres sèches de Richard Millet.
Ses mots ne seront jamais les miens.
Ne jamais sous-estimer les enfoirés.
Les patrons ne font pas semblant d’aller mal, a dit l’autre matin à la radio Laurence Parisot. Les salariés et les chômeurs ne font sûrement pas semblant non plus.
De retour. Avec une nouvelle saison à rendre digne d’intérêt. Ce n’est jamais fini. Un Sisyphe se cache en chacun d’entre nous.
Demain, c’est l’aube du monde.
En avant ! Debout et fiers ! Debout, les hommes, debout !
Ma fille, Carla, cinq ans : comme on fait son lit on se cache... Ou, encore : j’ai l’amour des tortues ; ma bouche de cristal a la sagesse du diamant ; les princesses n’ont pas le nez qui coule. Et, pour conclure : papa, emmène-moi plus loin. Mignon, tout ça, non ?
Je dois me lever et reprendre le flambeau. Acceptons (donc) nos petites contraintes avec un certain appétit.
Dès l’aube, rêvons de l’impossible !
Les idées, les souvenirs, les pensées
comme de minuscules bulles
qui ne retombent jamais
abusées mais autonomes.
Ça tourne les pages. Ça tourne la tête, aussi.
Et moi et moi et moi — petit soldat.
Vide comme l’oubli, peut-être.
Apaisement. Silence. En attendant le vrai retour du beau temps.
Crier, taire, se taire. Ou parler clair.
J’avais seulement oublié de me retirer sur la pointe des pieds.
— Je ne voudrais surtout pas trop déranger.
Envie d’un bon restaurant italien. Antipasti, insalata di polpo, melanzane alla parmigiana, linguine vongole, scaloppine milanese, ravioli, risotto, penne all’arabiata, tiramisu, panna cotta...Tout prend sens. Ne pas manquer ça.
Mon Italie. Pas du tout celle de Berlusconi.
Camus est toujours là. Et, avec lui, l’envers et l’endroit du monde, et aussi et encore l’Italie.
Camus. Rien à dire. Et rien au monde ne vaut qu’on se détourne de ce qu’on aime.
Tant mieux. Vivons heureux, à seulement quelques centimètres du « Merveilleux ». En tout cas, essayons.
Ma voix est devenue mon visage.
Flashback.
Un verre d’eau. Mais à condition qu’il s’agisse d’un verre d’eau glacée. Turin plutôt que Bruxelles. Et Marseille plutôt que Paris. C’est une vision poétique de la chose, uniquement. Le monde entier est une illusion. Restons calmes.
Calme plat, même, en cette fin d’après-midi. Comme dirait Monique, une petite pause s’impose. Et il y a les riches travaux du jour, les lectures (Camus, bien sûr, mais aussi les poèmes de Thomas Bernhard) et l’écriture, les petites ou grandes choses en cours.
Il y a des jours où il fait triste sur le mur. Le poids de l’injustice et les trop nombreuses inégalités. Notre avenir n’est pas gagné. N’est pas atteint, plutôt. Pardonnez-moi, envie d’aller rire ailleurs, en attendant le journal de 20 heures à la télé.
J’ai passé ma vie à désirer écrire naturellement, simplement.
Marlon et Maria, pour un dernier tango.
Vite, vite, avant le passage des nuages dans le ciel en haillons.
Mais c’est qu’il pleut encore.
Besoin de lumière.
Érotique la nuit, forcément érotique.
Mais le mot délice(s), au singulier comme au pluriel, ne me satisfait pas. Il s’agit d’autre chose. Une présence. Autre chose. La respiration normale de l’intelligence.
C’est ainsi que la vie devrait être, à l’impératif, toujours. Attends-moi. Surprends-moi. Embrasse-moi. Réjouis-moi. Préfère-moi. Rejoins-moi. Aime-moi.
Toute une semaine sans un vrai travail d’écriture. Cela me rend fou. Les mots sont là, ils m’encerclent, ils m’observent… Et je demeure absent. Loin d’eux, alors qu’ils sont là. Pas assez de temps, pas assez d’énergie non plus.
Garder son calme. Rester tranquille.
Attendre. Attendre les mots.
Mais vous connaissez ça, vous.
Vous savez de quoi je parle.
*
« Il s’agit maintenant pour moi de soutenir toute tentative d’exercer le pouvoir révolutionnaire au niveau local. Dorénavant ma fibre internationaliste passe par là, par les gens de ma rue, de mon quartier... » (Un monde à l’envers, Ahmed Kalouaz et Thierry Renard).
J’ai choisi cette citation avant de me rendre à Paris, à la Fête de l’Humanité où nous devons avec Michèle Picard, maire de Vénissieux, présenter notre livre à plusieurs mains et à plusieurs yeux, Vénissieux, un autre regard.
Aujourd’hui, je me vis comme un ambassadeur culturel de ma ville et, aussi, de ma région. Tout passe par la proximité. Pour la suite de l’Europe et du monde, il va falloir repenser local, à partir du plus singulier. En politique comme en art, il faut aller de soi à l’autre, de soi aux autres.
Du particulier à l’universel.
« L’image de la ville est complexe. Ni limpide ni hermétique pourtant. L’image de la ville est sauve, nous avons parcouru la multitude »(Vénissieux, un autre regard).
Nous lancerons le débat. Et nous ferons preuve d’humour, aussi.
Il m’arrive plus souvent qu’à mon tour d’être agressé. Même pas peur, même pas mort non plus. Je me tiens loin de la haine, toujours. Loin de la haine, ce sentiment imbécile…
Pardonnez-moi, je n’avais pas encore pu prendre connaissance de votre dernière réaction. Poète de la cour ? Nous nous connaissons, donc. Élevons le niveau du débat, per favore.
Poète de la cour ? Poète tout court. Simple affirmation.
C’est cette ville qui est en nous, son passé et son Histoire, son présent et, aussi, son futur. La République, celle que j’évoque, s’invente aussi ici.
Relisez plutôt Karl Marx, et ouvrez les yeux. Je suis pour le débat d’idées et pour la libre expression. Mais mon temps est compté et je ne veux pas le perdre.
Je ne me fâche pas, j’essaie seulement d’avoir une plus large vision. Et je ne refuse pas le dialogue. Cependant, évidemment, je défends mes amis — sans compromis. En toute franchise et en toute liberté. Ce qui me manque, surtout, c’est le temps, l’espace et le temps pour argumenter, pour clarifier, pour convaincre peut-être.
J’insiste encore, sur un point : le mal est ailleurs. Voilà tout. L’adversaire a un tout autre visage et un tout autre nom.
Allons, pas de parano. C’est un trop triste aveu.
Non, je ne traque personne, j’ai bien d’autres devoirs.
L’Afrique en nous, l’Afrique libre, libérée de toutes ses chaînes, coloniales, religieuses, notamment. Et ce visage, éclatant. Féminin.
Comme on disait en 68 — j’avais cinq ans alors : les murs ont la parole.
Petite pause.
Parfois cela s’impose.
Je reviendrai avec des idées neuves, des images et des mots comme toujours mêlés.
Saint-Julien-Molin-Molette, le18 août ; Vénissieux, le 24 septembre