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Malgré Fukushima, 4 scientifiques expliquent pourquoi ils défendent le nucléaire
Catherine Césarsky, Sébastien Balibar, Edouard Brézin et Christian Simon s’expriment sur Médiapart

Faut-il poursuivre l’exploitation de l’énergie nucléaire après l’accident de Fukushima ? La sortie de l’Allemagne, les hésitations du Japon, l’immobilisme des États-Unis, donnent des arguments aux partisans d’un arrêt du nucléaire. La France, elle, tire toujours de l’atome les trois-quarts de son électricité, un record mondial. Parmi la trentaine de nations qui exploitent aujourd’hui l’énergie nucléaire, la France occupe une place à part : deuxième producteur mondial après les Etats-Unis, elle appartient au club très fermé des États qui développent une filière industrielle complète de l’atome civil. Choix risqué dans un monde en voie de dénucléarisation, ou précieux atout face à un avenir énergétique incertain ?

Ce débat crucial ne saurait se réduire à une opposition manichéenne entre des antinucléaires supposés naïfs et irréalistes d’une part, des nucléocrates taxés de cynisme et d’inconscience d’autre part. Mediapart a choisi de mener la discussion au fond, sans céder à la caricature. Nous donnons ici la parole à quatre scientifiques favorables à l’atome. Nos interlocuteurs sont des chercheurs reconnus. Ce ne sont pas des nucléocrates, des dirigeants de l’industrie nucléaire ou des porte-parole d’EDF et d’Areva. Ils s’expriment en leur nom propre et non en celui d’un lobby industriel. Pour autant, ils ne sont pas dépourvus de liens avec le monde du nucléaire, comme le montre leur parcours professionnel :

> Catherine Césarsky, astrophysicienne de réputation mondiale, spécialiste de l’astronomie des hautes énergies et de la formation d’étoiles dans les galaxies, est membre de l’Académie des sciences ; elle est depuis 2009 haut-commissaire à l’énergie. Elle a dirigé le service d’astrophysique puis la direction des sciences de la matière du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). Son poste actuel n’implique pas de rôle décisionnel mais une fonction de conseiller du gouvernement.

> Sébastien Balibar, directeur de recherche CNRS au laboratoire de physique statistique de l’Ecole normale supérieure, a mené des travaux sur la physique des métaux, la superfluidité, les surfaces cristallines, les problèmes d’élasticité, etc. Il est membre de l’Académie des sciences. Comme d’autres scientifiques renommés, il adhère à l’association "Sauvons le climat", qui prône le développement du nucléaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

> Edouard Brézin, physicien, enseigne à l’Ecole normale supérieure dont il a dirigé le département de physique de 1986 à 1991, après avoir travaillé au CEA de 1963 à 1986 ; il a été président du CNRS puis de l’Académie des sciences, dont il a dirigé le rapport sur l’aspect nucléaire de l’accident de Fukushima.

> Christian Simon, chimiste, maître de conférences à l’université Pierre et Marie-Curie (UPMC), mène des recherches sur des "sels fondus" qui pourraient être utilisés dans de futurs réacteurs nucléaires mais aussi pour des capteurs solaires thermiques ou comme électrolytes dans des batteries.

"Le contexte global est celui du réchauffement climatique"

1. Pourquoi l’énergie nucléaire est-elle encore nécessaire ?

Sébastien Balibar : Le contexte global est celui du réchauffement climatique de la planète qui impose de trouver des énergies non émettrices de CO2. La situation varie selon les régions géographiques, mais dans les pays développés, je ne pense pas que le solaire ou l’éolien soient susceptibles de remplacer le nucléaire. On ne sait pas stocker l’électricité en grande quantité. La décision allemande de sortir du nucléaire va faire augmenter la consommation de gaz et de charbon. Le gouvernement allemand vient de l’avouer. Remplacer tout le nucléaire par des énergies non carbonées me paraît un défi redoutable, et je n’y crois guère, même à l’échelle d’une décennie. L’Allemagne émet une fois et demie à deux fois plus de CO2 par habitant que la France (9,6 tonnes métriques contre 6 en 2007) et cela va empirer.

Edouard Brézin : Les économistes nous disent que la demande énergétique va doubler à l’horizon 2050. Et simultanément, à cette même échéance de 2050, il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre, pour atteindre l’objectif d’un réchauffement planétaire ne dépassant pas 2°C. Doubler la consommation en divisant par deux les émissions, c’est une équation effroyable ! On a besoin de toutes les énergies pour l’atteindre. Renouvelables, bien sûr, mais aussi nucléaire.

Catherine Césarsky : En tant qu’astrophysicienne, je vois la Terre comme un tout et j’accorde une très grande importance à son devenir global. Même si l’on ne peut pas prévoir l’effet exact du changement climatique dans tel ou tel endroit, je pense qu’il est de la plus haute importance de réduire les émissions carbonées. De plus, l’ère du pétrole va bientôt s’achever. Quand ? Cela dépend de la manière dont évoluent les autres énergies. Au rythme actuel la fin du pétrole "pas cher" est pour dans 25-30 ans. Il peut y avoir un report sur le gaz de schiste. Quant au charbon, il y a de grandes réserves mais l’utiliser implique d’importants rejets carbonés. Du fait des tensions géopolitiques sur le pétrole et le gaz et du réchauffement climatique, la problématique est de chercher d’autres sources que les combustibles fossiles. On peut rêver à beaucoup de choses, le photovoltaïque, l’éolien, la biomasse, les énergies marines, etc., et je soutiens qu’on investisse en recherche dans ces voies. Mais dans tous les cas, je pense qu’on ne peut pas arrêter purement et simplement le nucléaire. Ce n’est pas raisonnable. En Europe, la Norvège et l’Autriche ont la possibilité de produire beaucoup d’hydro-électricité, une énergie bas carbone, et sont très interconnectées avec leurs voisins. Elles peuvent donc se passer du nucléaire chez elles (mais l’Autriche achète une partie de l’électricité qu’elle consomme à ses voisins nucléarisés). La France n’est pas dans la même situation, elle exploite depuis longtemps et de façon optimale son potentiel hydro-électrique. Avec le nucléaire, notre pays a d’ores et déjà réalisé de bons résultats en termes de bilan carbone, même s’il faut reconnaître qu’une partie de la différence avec l’Allemagne dans la diminution récente de l’émission de CO2 s’explique par la baisse de l’activité industrielle.

2. Peut-on construire partout des centrales nucléaires ?

Edouard Brézin : Non. Il faut s’en tenir à des pays politiquement stables. Il ne faut pas vendre des centrales à la Libye de Kadhafi, comme cela était encore envisagé par le gouvernement en 2010 ! Il faut aussi des États qui possèdent de bonnes filières de formation d’ingénieurs et de techniciens. Lorsque ces conditions sont remplies, il y a avantage à faire du nucléaire. Je pense que l’Allemagne et l’Italie commettent une faute en abandonnant cette option.

Sébastien Balibar : Le nucléaire est bon pour des pays développés ou émergents – tels que la Chine, l’Inde, le Brésil – qui ont le niveau technologique nécessaire et peuvent coopérer sur les questions de sûreté. Dans ces conditions, les combustibles fossiles pourraient être réservés aux pays en voie de développement.

Catherine Césarsky : Le nucléaire ne résoudra pas le problème du CO2 dans le monde. Chaque pays choisira ses options énergétiques en fonction de ses ressources et de son développement industriel. Les pays montagneux (Suisse, Norvège, Chili, Autriche) font la part belle à l’hydro-électrique, les pays à fort ensoleillement ("sun belt") devraient pouvoir profiter au maximum du solaire à concentration, etc. Les Chinois ont les plus gros besoins et font des développements importants dans toutes les directions. Les Américains, quant à eux, prendront l’option la moins chère qui leur assure l’indépendance énergétique, et cela risque d’être le gaz de schiste. Aux États-Unis, la conscience qu’il faut une énergie sans carbone n’est pas très forte dans la plupart des Etats, et se heurte à une combinaison de patriotisme et de demande d’énergie bon marché.

•3. Comment la menace climatique, phénomène global, peut-elle être utilisée comme un argument décisif en faveur du nucléaire, qui ne peut être développé que dans certains pays, donc localement ?

Catherine Césarsky : L’argument du climat est important pour rechercher les économies d’énergie et l’énergie sans émissions de CO2. Pour cette dernière, il revient à chaque pays de chercher sa propre solution, en fonction de ses acquis et de ses ressources. Pour la France, le nucléaire est une réponse intéressante. Au niveau mondial, il faut pondérer la géographie par la démographie : une Chine qui poursuit le nucléaire vaut trois ou quatre Allemagnes qui tentent de le quitter.

Mais on n’est pas dans le tout nucléaire. Le scénario "450 ppm" de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) – qui permettrait de limiter les risques de changements climatiques les plus graves – prévoit que 40% de la demande d’énergie primaire mondiale soit satisfaite par des énergies sans CO2 : 40% par la biomasse, 30% par le nucléaire, 9% par l’hydraulique et 21% par les autres énergies renouvelables. En France, on doit faire monter la part des renouvelables à 23% d’ici 2020. Il est vraisemblable que quel que soit le scénario, dans notre pays, on ira vers un pourcentage de nucléaire dans la production d’électricité moins élevé qu’aujourd’hui. Cependant il existe de nombreuses bifurcations et il n’est pas facile de dire ce qui va vraiment se produire.

4. Pourrait-on remplacer intégralement le nucléaire par les économies d’énergie et les énergies renouvelables ?

Catherine Césarsky : Je suis sûre qu’on peut beaucoup réduire la consommation. On le fait déjà puisque la consommation effective aujourd’hui est inférieure aux prévisions antérieures. L’industrie a fait des efforts importants. Mais tout ne peut pas reposer sur les économies d’énergie, sachant par ailleurs que le recours à l’énergie électrique peut être revu à la hausse en fonction, par exemple, des choix en matière de transport.

Sébastien Balibar : Je crois que les économies d’énergies sont indispensables. Je suis favorable à un grand plan d’isolation thermique de l’habitat ancien. Mais cette démarche a ses limites. Le scénario "Négawatts", qui prévoit une fermeture progressive des centrales nucléaires, en les remplaçant par des économies d’énergie, me semble utopique. Le nucléaire n’est pas sans risque, je préférerais qu’on s’en passe, mais je crois que c’est impossible sauf à exiger des baisses de consommations d’énergie dignes d’un temps de guerre. De plus, en dehors des économies d’énergie, il faut faire des "économies de CO2", autrement dit chercher tous les moyens de réduire les émissions carbonées. Il faudrait développer les transports en commun électriques (trains, tramways...). Ainsi que les petites voitures électriques à autonomie inférieure à 100 km.

Christian Simon : Doit-on toujours opposer le nucléaire aux énergies renouvelables ? Est-ce que fabriquer des voitures empêche de faire des logiciels ? On peut développer les renouvelables en gardant le nucléaire. Il faudrait peut-être abandonner les positions caricaturales. L’immense majorité des tenants du nucléaire pensent qu’il y a de nombreux secteurs où d’autres énergies sont mieux adaptées. Admettons qu’on fasse rouler toutes les voitures à l’électricité, il est impossible d’en faire autant pour tous les camions et tous les tracteurs, voire pour les avions... Il y aura toujours une partie du transport qui ne sera pas nucléaire. La transformation de la biomasse en carburant a un grand rôle à jouer. À l’inverse, les énergies renouvelables ne suffiront pas à assurer la consommation française.

5. Construire de nouvelles centrales nucléaires peut-il répondre à l’urgence climatique, si les chantiers durent de plus en plus longtemps, comme l’illustrent les déboires de l’EPR ?

Christian Simon : Pour ce que j’en sais, les délais dans la construction de l’EPR ne sont pas dus à une barrière technologique. La France n’a pas construit de nouveau réacteur depuis quinze-vingt ans. Pendant ce délai, les normes de construction et le droit du travail ont évolué. Les règles de l’industrie du bâtiment sont plus strictes et c’est tant mieux. Le fait qu’on exige plus de contrôles explique les retards de l’EPR, ce n’est pas un problème de technologie nucléaire. Et de toute façon, les énergies renouvelables ne vont pas plus vite que le nucléaire ! Il est plus rapide d’installer des cellules photovoltaïques sur un toit que de construire un EPR, mais il faut combien de toits pour atteindre la production d’un réacteur ?

Cela étant, la question de savoir si le réchauffement sera de 2°C ou de 4°C ne dépend pas de la France. Elle est entre les mains de la Chine et de l’Inde. Ce qui est fait dans notre pays ne peut avoir qu’une valeur d’exemple. Qu’en France on se sente une obligation morale de ne pas aggraver le risque climatique, bien sûr ! Mais la motivation première du choix nucléaire n’était pas de réduire les émissions carbonées, c’était tout simplement que nous n’avions pas d’autre solution. Il se trouve que cette solution va dans le bon sens climatique.

6. Sans parler du bilan humain, le coût économique d’un événement comme Tchernobyl ou Fukushima est gigantesque. Est-ce que cela ne suffit pas à rendre le risque nucléaire inacceptable ?

Edouard Brézin : Il est vrai que si un accident oblige à condamner une zone de 100 kilomètres carrés cela peut coûter très cher. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas se produire en France... Mais mon sentiment est que le risque est faible. Il n’y a pas chez nous d’événements naturels aussi tragiques que ceux du 11 mars dernier au Japon. Ce n’est pas aussi évident pour l’Italie, où le séisme de L’Aquila a produit de très graves dégâts. Même au Japon, c’est le tsunami, non le tremblement de terre, qui a rendu l’accident nucléaire catastrophique. Chez nous, ou aux États-Unis, un grand nombre d’années sans accident très grave s’est écoulé... Toute entreprise comporte des risques. Le charbon tue dix mille personnes par an. En France, notre sûreté nucléaire fonctionne, nous pouvons nous prémunir contre les rejets radioactifs dans l’environnement. Dans de telles conditions, je suis prêt à assumer le risque nucléaire, comme citoyen et comme être humain, père de famille, etc.

7. Le nucléaire peut-il être géré par des sociétés privées ?

Sébastien Balibar : Il doit relever de la puissance publique. L’accident de Fukushima a démontré que les problèmes de sûreté étaient plus importants qu’on ne le croyait. La sûreté est devenue la priorité des priorités. Elle aurait dû toujours l’être mais ça n’a pas été le cas à Fukushima. La priorité ne doit pas être de faire des profits. C’est pour cela que la production d’énergie nucléaire doit relever d’un service public. Elle ne doit pas être confiée à une société privée. Une compétition économique qui aboutit à vendre à Abou Dhabi une centrale coréenne "low cost" me semble poser problème. Le problème de la sûreté nucléaire est devenu mondial.

8. Même un accident aux conséquences limitées peut avoir de lourdes conséquences sur la filière nucléaire : aux Etats-Unis, on n’a plus reconstruit de centrale nucléaire depuis Three Mile Island. L’atome ne comporte-t-il pas trop d’incertitudes économiques ?

Catherine Césarsky : Ces incertitudes ne sont pas spécifiques du nucléaire. Globalement, la situation actuelle est très évolutive, très changeante. Le coût du pétrole aussi peut augmenter très fortement. En ce qui concerne le nucléaire, un audit sur son coût a été récemment confié à la Cour des comptes. On verra à quoi il aboutit. La France a réalisé un gros investissement sur le nucléaire et, aujourd’hui, il a le mérite d’exister. Certains opposants protestent que, dans le coût, le démantèlement n’est pas pris en compte. En réalité, des provisions ont été faites et l’étude de la Cour des comptes permettra de dire si c’est suffisant. Notre pays a développé une grande expertise, un grand savoir-faire dans l’industrie nucléaire, qu’elle peut vendre à d’autres pays. Le gaz dépend de la Russie, le pétrole de pays géopolitiquement instables. Le nucléaire nous donne une indépendance. Jeter cela aux orties serait dommage. Dans un paysage énergétique très mouvant, la France a mis en place le nucléaire avec beaucoup de volonté et de succès et elle a un plan cohérent sur le long terme.

9. Pourquoi le CEA mène-t-il des recherches sur des projets de réacteurs nucléaires dits de "quatrième génération" ?

Sébastien Balibar : Il y a eu une première génération de réacteurs nucléaires, la filière graphite-gaz, aujourd’hui abandonnée. La deuxième génération, celle des réacteurs actuellement en service, ne permettra pas d’aller très loin parce qu’on gaspille 80% de l’uranium utilisé. La troisième génération, celle de l’EPR, est plus sûre que la deuxième mais elle est aussi gaspilleuse en uranium. Le nucléaire n’a d’avenir à échéance de quelques siècles que si l’on passe à la quatrième génération dont l’un des objectifs est d’utiliser toute l’énergie disponible dans l’uranium et de transformer en combustible presque tous les déchets très radioactifs que produisent les réacteurs.

Il y a plusieurs pistes mais la plus avancée, en France, est celle des réacteurs à neutrons rapides utilisant le sodium comme échangeur thermique, comme Superphénix, fermé en 1998 pour une question d’accord entre Lionel Jospin et Dominique Voynet. Sur cette question, les socialistes ont été les otages des Verts. C’était une erreur économique et technique. Aujourd’hui, le CEA développe un nouveau prototype appelé Astrid, qui repose sur le même principe, mais dont le but est de progresser en sûreté. Le problème est de savoir comment varie la puissance du réacteur s’il chauffe. Dans le cas de l’EPR, si ça chauffe, la réaction ralentit, elle ne peut pas s’emballer, contrairement à ce qui s’est passé à Tchernobyl.

Un réacteur à neutrons rapides a des avantages en matière de sûreté mais peut-on être certain que dans tous les cas on évitera un emballement de la réaction, un accident de criticité ? C’est cela, entre autres, que doit étudier Astrid. A mon sens, on ne pourra développer le réacteur que si l’on a démontré qu’il présente un gain en sûreté. Pour l’instant, j’ai un doute quant à la sûreté de la quatrième génération et je voudrais que ce doute soit dissipé avant d’aller plus loin.

Catherine Césarsky : Si les problèmes de sûreté sont résolus, les réacteurs à neutrons rapides permettraient de réutiliser le plutonium produit par les réacteurs actuels, ainsi que l’uranium appauvri dont on ne fait rien aujourd’hui. Avec la quatrième génération, nous pouvons disposer sur notre territoire d’une réserve de combustible pour des milliers d’années. C’est un élément très fort pour notre indépendance énergétique.

10. La volonté de ne pas abandonner le nucléaire est-elle liée à l’idée qu’il s’agit d’une création de l’esprit humain et qu’un scientifique répugne à renoncer à une invention, quels qu’en soient les risques ?

Edouard Brézin : Il faut penser à tout ce que nous devons au nucléaire et à la radioactivité. Les applications médicales sont nombreuses et importantes. L’utilisation des radio-isotopes en chimie et en biologie est essentielle pour les progrès de la science. On ne saurait rien de l’histoire de la Terre sans la radioactivité qui permet les datations. Mais l’utilisation de la fission nucléaire à l’échelle industrielle a toujours pâti du fait qu’elle est "née du péché" : le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de la course à la bombe, avec le projet Manhattan, a accéléré les recherches dont est issu le nucléaire civil.

Le nucléaire porte les stigmates d’Hiroshima et Nagasaki, et cela reste dans les esprits, même si l’atome civil d’aujourd’hui est totalement dissocié du domaine militaire. Cette année 2011 est celle du centième anniversaire de la découverte du noyau atomique par Ernest Rutherford ; avec les travaux de Becquerel, de Pierre et Marie Curie, qui ont découvert la radioactivité, ce sont des avancées fondamentales dans notre compréhension du monde, essentielles quand elles sont mises au service de l’humanité.

Article paru sur Médiapart. Août 2011


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