à Françoise Lalot
« une étoile dans la neige
et au ciel venant du tas de neige
une étoile ! »
Aïgui, Festivités d’hiver
Je vis dans les marges, au large de la phrase.
Je vis comme seuls savent vivre ceux qui sont traversés par la nuit.
Je vis en autodidacte, irréprochable, dans l’ombre de quelques maîtres cependant.
Certains sont morts, d’autres sont vivants.
Je vis pour apprendre, et l’écriture naturellement m’est venue.
Je vis pour respirer l’air frais du petit matin.
Je vis sans faire d’histoire, parmi tant d’autres, de la tombée du jour jusqu’à l’aube.
Je vis et je ris dans la nuit, mais aucune voix n’a jamais su dire pourquoi.
Je vis dans l’intensité du désir et du poème.
Je vis en gardant le cœur nu.
Vivre est ma plus haute récompense.
Je vis entre les haies dans l’herbe coupée.
Je vis dans l’exubérance de l’été.
Je vis et j’habite le monde en poète parce que la poésie ne meurt jamais.
Je vis avec ceux que la mort fait luire.
Je vis et je répands la neige autour de moi, ou sur les pages tendues vers la nuit de mon livre béant.
Je vis et je peins le glissement de tout ce qui est en nous.
Je vis là-bas, au loin, pour dire encore la maison dont je fus dès l’enfance séparé.
Je vis portes et fenêtres ouvertes, je vis table, chaises, tapis et même chemins sous la pluie.
Je vis dans les arbres par une nuit d’inachèvement.
Je vis aussi dans la France de l’An II où j’ai déjà risqué plusieurs fois la guillotine.
Je vis d’une voix ferme et profonde.
Je vis et je croise des milliers d’intrigants.
Je vis en subissant, de plein fouet, tous les outrages faits à la nature, à la vertu et à la raison.
Je vis l’espoir que nourrit toute transformation radicale de la condition humaine.
Je vis avec une simple idée en tête.
Celle d’une plus grande visée accessible à l’espèce humaine.
Je vis pour ne plus croire aux mensonges.
Haut dans le ciel maintenant le soleil brille.
Les fleurs des champs me brûlent le regard et je ne veux plus m’arracher à leur contemplation.
J’arrête tout soudain pour fumer une cigarette.
Saint-Fons, le 24 septembre 2009 ; Saint-Julien-Molin-Molette, le 2 juin 2012