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Nazisme, fascisme et néo
Par Ivan Lavallée

Le poète a toujours raison dit Jean Ferrat, c’est malheureusement vrai ; Brecht nous dit "Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde". Formellement, le fascisme a été un moment de l’histoire du XXe siècle, il a existé sous différentes formes, mais avec un même fond. Même si on peut dire que le fascisme et le nazisme sont morts au sens historique, ils renaissent sous d’autres formes et d’autres noms, mais toujours avec le même fond.

Fascisme, nazisme et néo

Le fascisme apparaît formellement en Italie en 1919 date de la création du parti de Mussolini, mais il existe en tant que pratique politique avant. C’est après la première guerre mondiale, en Italie, sur des montagnes de ruines, les courants socialistes italiens, maximalistes (d’influences anarchiste -Bordiga- et bolchévique -Gramsci-) et minimalistes (plus proche de la 2ème internationale) s’unissent et appellent à la grève générale et occupation des usines et tentent d’instaurer un gouvernement ouvrier. La tentative échoue, Mussolini, pour "sauver l’Italie du bolchévisme", crée ses "fasci" ou faisceaux, milices fascistes (chemises noires) sur les ruines du mouvement ouvrier défait et entraîne avec lui de nombreux prolétaires sur un programme teinté de social, mais essentiellement nationaliste et passablement mégalomane. Il convient de se souvenir que derrière chaque fascisme, il y a toujours une révolution manquée, en occident comme en terre d’islam. Le programme fasciste italien comprend l’expropriation des grands propriétaires fonciers, l’administration des entreprises par les travailleurs eux-mêmes, le droit au travail. Ceci bien sûr restera lettre morte, mais aussi et surtout la magnification de la victoire ; le développement du nationalisme italien, le rétablissement du prestige italien sur la scène internationale, la référence à l’empire romain n’étant pas la moindre des figures de rhétorique utilisée par Mussolini.

L’aventure nazie présentera par bien des côtés des aspects analogues, la frustration nationale après le traité de Versailles, l’échec de la république de Weimar, un discours anticapitaliste avec en plus un discours xénophobe fortement prononcé, désignant une partie de la population -les juifs- comme exutoire de la crise du capitalisme avant que celà tourne à la tragédie que l’on connaît. Il faut ajouter là aussi la mégalomanie de "l’espace vital" et de la "hiérachie des races".

En France aujourd’hui la crise du capitalisme à l’échelle européenne et ses répercussions en France, la violation de la volonté populaire de 2005, le mal-être de la population créent un terreau propice au renouveau des idées fascistes, sous des oripeaux idéologiques à peine différents. La population exutoire est là, celle des immigrés, maghrébins essentiellement en s’appuyant sur une vague réminiscence de l’empire colonial français et aussi s’appuyant en réaction sur certains aspects montés en épingle, d’obscurantisme religieux islamiste, aussi ceux qui se voient, comme les noirs ou les jaunes, mais accessoirement, d’autres peuvent faire l’affaire. Le discours est lui aussi teinté de social, s’appuie sur le sentiment de frustration nationale. Tous les ingrédients sont réunis pour une aventure fasciste, il n’y manque qu’une défaîte majeure du mouvement ouvrier sur fond d’accentuation de la crise, ce qui ne saurait être exclu. On peut dire des choses analogues sur l’islamo-fascisme qui fleurit ça et là dans des pays où des révoltes ont chassé les dictateurs mis en place ou soutenus par l’occident, comme en Egypte, en Iran, en Tunisie, en Indonésie, en Libye... Il s’agit toujours là d’un "après défaîte" du mouvement révolutionnaire, que ce soit pour des causes internes ou des interventions extérieures comme en Iran, en Egypte, en Libye ou en Indonésie. Les communistes, antifascistes s’il en est, on payé fort, cash, le prix du sang dans ces pays. Mais en Tunisie, Iran, Egypte, les prolétaires s’organisent et mènent une lutte sociale difficile. En Indonésie où un million de communistes ont été assassinés, le fascisme a pris une forme multi-religeuse sur un compromis entre différents obscurantismes religieux et avec la bénédiction des USA. L’athéisme y est interdit et réprimé, ce qui permet, sans le dire de combattre les idées marxistes.

Fascisme vs communisme

Ernst Nolte, élève du philosophe Heidegger qui n’a jamais formellement désavoué le nazisme, fait un parallèle entre nazisme, fascisme et communisme. Nolte présente le fascisme sous ses différentes formes comme une « réponse » au communisme, et plus particulièrement au bolchévisme et sa traduction dans la construction du socialisme en URSS. Ainsi Nolte ose-t-il écrire « L’Archipel du Goulag n’a-t-il pas précédé Auschwitz ? ». Rappelons ici que la déportation en Sibérie existait déjà au temps des Tsars (et que Staline en a tâté), que les camps de concentration sous leur forme exterminatrice sont une invention anglaise dans la guerre des Boers, que Cayenne n’est pas situé en Russie. Auschwitz est l’instrument pensé technologiquement pour exterminer systématiquement des masses de gens, la solution finale, ce qu’aucun des types de camps précités n’a été. Cayenne pour « punir », avec ce côté religieux du concept de punition, les camps de Boers pour éliminer certes, mais, en amateurs, le côté « solution finale » n’y étant ni explicite ni techniquement pensé, mais relativement efficace tout de même, notons le. Les camps russes étant du temps du Tsar destinés soit à éloigner et isoler les indésirables loin du centre (Moscou ou Pétrograd), quitte à les laisser mourir de faim et de froid, avec là aussi le côté religieux de la « punition ». Les camps soviétiques souvent dénotés sous les initiales de l’administration pénitentiaire soviétique par un acronyme qui écorche des oreilles occidentales, - goulag -, étaient basés sur une idée détournée, qui existe déjà chez Rousseau, la ré-éducation par le travail, le côté punition n’étant pas là non plus absent, le caractère religieux en moins, du moins sous sa forme classique. Les camps du goulag mélangeaient aussi bien les droits communs que les politiques.

Comme le note Slavoj Zizek « E. Nolte relativise le nazisme, le réduisant à un écho secondaire du Mal communiste ». Sauf que l’histoire du socialisme soviétique est une tentative de libération contrariée par le contexte historique né de la première guerre mondiale et de la grande dépression économique, et les errances que ce contexte a pu induire, alors que le nazisme fut le Mal radical absolu, fondamental, niant une partie de l’espèce humaine et mettant industriellement en oeuvre cette négation par l’extermination. Il ne peut en aucun cas en être fait un parallèle, et à part « Tuez les tous Dieu reconnaîtra les siens », on ne voit pas à quelle autre idéologie on peut relier le nazisme.

L’escroquerie idéologique

L’escroquerie à la base du nazisme et de ses avatars fascistes ou néo fascistes comme le Front National en France, c’est l’usurpation d’identité.

Nazisme signifie socialisme national. Déjà qu’on ne voit pas ce que vient faire là « national » accolé à socialisme, le nazisme n’a rien de socialiste sinon une vulgate démagogique qu’on retrouve dans tout discours fasciste. Le Front National usurpe le nom et le sigle de ce qui fut en France occupée un élément décisif de la résistance contre le nazisme, il cherche à s’emparer de tous les symboles de ce qui a structuré le mouvement ouvrier. De plus ce Front soi-disant National est pour une Europe des régions. Mais l’escroquerie idéologique majeure et qui rend irréductible fascisme et communisme, c’est que si, oui comme le note Nolte, le fascisme/nazisme constitua bien une réaction à la menace communiste, cette réaction est basée sur un glissement sémantique majeur, de premier ordre. Le fascisme sous toutes ses formes substitue à la lutte des classes, fait objectif constitutif de nos sociétés, la lutte raciale, religieuse, ethnique ou autre groupe humain caractérisé non par un rapport social de production, mais par un statut basé sur des présupposés subjectifs. C’est ce glissement sémantique qui est décisif, le déplacement de la lutte des classes vers la lutte raciale ou autre. Tout le jeu de la propagande de masse consistant alors à faire en sorte que le subjectif devienne objectif.

Ce glissement sémantique est majeur et permet au fascisme qu’il soit ethnique ou religieux, à base catholique, juive, islamiste, ou autre, de morceler la population en dressant les uns contre les autres, de désigner des sous-hommes et des sur-hommes, des bons chrétiens et des mauvais musulmans, ou juifs, ou l’inverse, des vrais musulmans et des mauvais autres, ou noirs, ou jaunes, des vrais français, de souche (?!), et des pas vrais, des fonctionnaires payés à ne rien faire, bardés de privilèges, des chômeurs qui sont des assistés et donc des fainéants...

Caractérisation

Le fascisme tient un discours démagogique et assimile son combat à celui du peuple contre l’establishement, terme pratique qui permet de remettre en cause tous les corps constitués, justifiant si besoin est tout coup de force contre les institutions ; il s’appuie ce faisant sur un sentiment de frustration sociale.

" Je suis le porte parole des sans voix qui me demandent d’aller gueuler au parlement contre la caste de ceux qui ont confisqué le pouvoir et qui se gavent" déclare en 2012 un candidat du mouvement fascisant Front National à l’assemblée nationale.

Le fascisme réussit à attirer les masses parce qu’il en appelle, de façon démagogique, aux plus sensibles de leurs besoins et de leurs aspirations, c’est le discours social. Il ne se borne pas à attiser les préjugés, il joue sur les meilleurs sentiments des masses, et parfois même sur leurs traditions révolutionnaires. Il tire son énergie propre d’un rejet des systèmes antagoniques que sont le capitalisme (et aujourd’hui sous la forme du libéralisme) et le communisme. Le fascisme joue sur la frustration nationale, il prend le masque de défenseur de la nation lésée et en appelle au sentiment national bafoué. Son dynamisme et sa force ne viennent pas de son programme qui est souvent incohérent ou falsificateur, mais de deux formules : nationalisme et autoritarisme, ou chauvinisme et violence.
L’histoire nous enseigne également, que les fascistes n’ont pas pris le pouvoir mais qu’on le leur a offert, illustrant ainsi l’adage qui dit : on ne prend pas le pouvoir, on le ramasse ; à bon entendeur...

Le fascisme est l’ennemi obsédé de tout ce qui touche au communisme, en cela il est le rempart ultime du capital, lequel capital n’a pas hésité à livrer autrefois la France aux hordes hitlériennes avec le mot d’ordre, repris par sa presse aux ordres « plutôt Hitler que le Front Populaire ». Avertissement sans frais pour les révolutionnaires d’aujourd’hui et plus précisément les communistes.

L’idéologie du fascisme c’est « des valeurs de droite extrême, dans un style de gauche, extrême »

La base « théorique » du fascisme, s’appuie sur une vision « naturaliste ». C’est la loi d’airain de la nécessité naturelle, le mythe, colporté aussi par d’autres, d’une nature caractérisée par le pur jeu des énergies, une interprétation fallacieuse du Darwinisme, un absolu de pureté où seuls subsistent celles et ceux que la Nature a sélectionnés. Dans ce pathos, la Raison, c’est la Nature ; écologistes, bonjour !

Là aussi dans le nazisme, comme pour l’empire romain cher à Mussolini, l’épopée nationaliste sensée redonner fierté au peuple allemand frustré par la défaîte de 1918 est magnifiée dans les nibelungen, et le mythe de Siegfrid mis en musique par Richard Wagner.

Le caractère de classe du fascisme

Le fascisme, n’est pas au dessus des classes, ni l’émanation de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassés du prolétariat contre le capital financier. Le fascisme, c’est le capital financier lui-même, c’est la façon qu’a la banque de régler ses crises financières. C’est, si nécessaire, l’organisation de la répression terroriste contre le prolétariat et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. Il est alors (il l’a été) le bras armé du capital. Le fascisme en politique extérieure, c’est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples, désignant des boucs émissaires au nom d’une race, d’une religion, d’une « pureté » raciale, culturelle ou autre. C’est la défaite de la Raison, l’obscurantisme à front de taureau.

Il est nécessaire de souligner avec une vigueur particulière ce véritable caractère du fascisme parce que le masque de la démagogie sociale permet au fascisme d’entraîner à sa suite, les masses de la petite bourgeoisie désaxée par la crise (les couches moyennes), ainsi que certaines parties des couches les plus désemparées du prolétariat, qui n’auraient jamais suivi le fascisme si elles avaient conscience de son caractère de classe réel, sa véritable nature.

Le fascisme comme instrument politique

« Fanatiser les masses pour en faire un instrument de ma politique » disait Goebbels. La politique en question, c’est celle du capital, aujourd’hui plus mondialisé que jamais, impérialiste, confronté à une crise elle aussi mondialisée. Les milieux impérialistes veulent faire retomber tout le poids de leur crise sur le monde du travail, les travailleurs, les prolétaires. C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme. L’impérialisme s’efforce de résoudre le problème de ses approvisionnements en énergie et matières premières, ainsi qu’en débouchés par l’asservissement des peuples en maintenant autant que possible le partage actuel du monde par tous les moyens, y compris, et surtout, la guerre qui n’est pour ces soi-disant défenseurs des droits de l’homme (lequel ?) que la continuation de la politique par d’autres moyens pour reprendre la formule de Clausewitz.

Confronté à une crise majeure, qui va bien au-delà de la « simple » crise économique, qui met en danger le système de production et d’échanges, le capital craint par dessus tout, une résurgence du mouvement communiste, une prise de conscience de la nocivité du système capitaliste, de sa morbidité. Le fascisme est de ce point de vue, quels qu’en soient ses oripeaux, le rempart du capital, et plus particulièrement du capital financier comme nous l’avons ci-dessus signalé, mais aujourd’hui il y a une imbrication des différents aspects du capital. Par son discours démagogique contre les « élites » (fonctionnaires et autres « privilégiés »), les étrangers qui nous envahissent, la « race », discours xénophobe (hier les juifs, aujourd’hui l’islam, le choc des civilisations…), parfois subliminal, ou qui affleure parfois plus directement, le fascisme tente de détourner la colère des masses en livrant à la vindicte populaire telle ou telle autre catégorie de la population, sur la base de la religion, la « race », les « privilèges » (fonctionnaires, 35h, cheminots retraite à 55 ans…). C’est le bien connu « diviser pour régner ».

La lutte contre l’extrême droite et le néo-fascisme

La lutte contre l’extrême droite qui est l’antichambre et le laboratoire idéologique du fascisme doit s’appuyer sur deux piliers au moins. D’une part, la lutte idéologique, sans merci contre toutes les formes d’obscurantisme, permettant ainsi la prise de conscience de classe, la nécessité de passer à un autre mode de production et d’échanges. La lutte pour la laïcité doit en être une composante essentielle. Il ne s’agit pas de demander aux différents groupements religieux d’accepter la laïcité. La laïcité doit être le fond culturel et institutionnel dans lequel évoluent les citoyens, ce n’est pas négociable. D’autre part la lutte économique et politique pour stériliser le terreau de l’idéologie fasciste que sont la pauvreté, la misère, le déclassement social, la frustration. Il est urgent en particulier de démonter le soi-disant programme social du FN en france et des mouvements fascisants qui ré-apparaissent ici et là en Europe (Jobbik en Hongrie, Noua Dreapta en Roumanie, Vlaams Blok, en Flandre belge, Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ) en Autriche, Parti national slovaque, SNS, ... ) et de montrer ses contradictions avec les mouvements récents et les aspirations du monde du travail. Pour les mouvements fascisants apparaissant dans les anciens pays socialistes d’Europe, « la faillite économique et sociale des méthodes ultralibérales de transition vers l’économie de marché, la crainte des conséquences de l’entrée dans l’Union européenne, combinées avec la persistance de l’antisémitisme et du racisme anti-roms, sont les causes principales de leur succès ».

La lutte idéologique

Le capital a besoin de maintenir le flou idéologique et les fausses solutions vis-à-vis de la montée de l’idéologie fasciste, d’autant plus que, comme dit ci-dessus, il peut avoir besoin à un moment ou un autre d’hommes de mains.
La pression idéologique, le formatage des écoles de journalistes conduit les principaux médias à se faire, de fait, sans qu’on ait besoin de leur souffler, les propagandistes du système. C’est pourquoi « on » présente parfois les problèmes auxquels sont confrontés les citoyens comme des problèmes psychologiques. Il en est ainsi par exemple des suicides sur le lieu de travail. Le vocabulaire sociologique dominant se veut psychologisant, médicalisant. On met ainsi en avant les conséquences et pas les causes. Si la société est malade, c’est du capitalisme, ce n’est pas de la psychologie des individus. Les psychotropes n’y changeront rien. On ne guérit pas le chômage de masse, le déclassement social, le stress social dû à la précarisation par des consultations de psy.

Par ailleurs, le rôle de ces "saltimbanques stipendiés de la bourgeoisie" c’est évidemment de détourner "les braves gens" des vrais problèmes. C’est ainsi qu’on a vu dans une campagne électorale en France, alors qu’un candidat essayait de combattre sur le fond, localement, le programme fascisant du FN, la presse tous titres de droite et pseudo gauche confondus, axer sa campagne sur les états d’âmes et le message d’une femme jalouse. Il est vrai qu’un réalisateur de télévision recommande de ne fournir que des images dont le contenu ne dépasse pas la rétine, et un autre propose aux publicitaires de leur vendre "du temps de cerveau disponible".

Il nous faut mettre en évidence les causes économiques et structurelles de cette société basée sur l’exploitation qui génèrent cette situation, en particulier lorsque ce système arrive à ses limites, comme c’est le cas. La représentation que les individus ont d’eux-mêmes, est liée à l’image que la société leur renvoie, à la place qu’ils y occupent, au rôle qu’ils y jouent.

De même la guerre idéologique se joue en une bataille sémantique marquée par le détournement des mots et concepts comme classe, révolution, réforme, totalitarisme, dictature. Il est nécessaire là aussi de former les cadres révolutionnaires. La classe politique n’existe pas, les révoltes d’Egypte ou de Tunisie ne sont pas des révolutions, Fidel Castro ou Chavez ne sont pas des dictateurs. Totalitarisme chez Hannah Arendt n’a pas le sens que lui donnent les propagandistes du capital…

Un aspect doit aussi être pris en compte dans la bataille idéologique, celui de la montée de l’extrême-droite et l’émergence du mouvement des indignés. Deux phénomènes bien distincts mais concomitants, l’autre prétendant répondre à l’un, mais c’est aussi la preuve de la nécessité d’une organisation de classe et de masse porteuse d’une alternative au système. Il y a là une faiblesse idéologique qui ouvre la porte à des mouvements, tantôt fascisants tantôt a-politiques, qui ne font que canaliser la colère populaire vers une voie de garage, et redonner au système une certaine légitimité politique. On l’a vu dans les révoltes qui ont secoué ce qu’on appelle le monde arabe, il n’y a pas de révolution sans révolutionnaires ni organisation révolutionnaire.

Le faux nez de Madame Le Pen

Le FN par la voix de sa présidente a su s’emparer du problème, pour le détourner démagogiquement bien sûr. Elle nomme les responsables de la situation, la droite classique dont elle veut prendre la place (en la faisant éventuellement éclater pour en récupérer les morceaux) en quittant progressivement le discours fascisant de son père, ravalement de façade et maquillage de respectabilité obligent, et la mondialisation, l’Europe de Bruxelles, en un discours qui lui permet là aussi de maquiller son obsession nationaliste et xénophobe. L’efficacité d’un tel positionnement est assurée, comme on a pu le voir électoralement, le discours est simpliste, ce qui le rend audible et assimilable sans raisonnement, il peut être redoutable et est porté par la politique du capital qui sert de caisse de résonnance.

Le FN essaie de changer d’image. Prendre la place de la vieille droite classique française, maurassienne collaborationniste et xénophobe. Pour cela, il lui faut abandonner les saillies du père et acquérir un semblant de respectabilité républicaine. Tous les mensonges, masques et discours contradictoires sont bons pour ce faire. La chef de file du FN peut compter sur les médias et ses « nouveaux chiens de garde ». On peut à la fois essayer d’infiltrer le syndicat révolutionnaire et se prononcer pour la contre réforme des retraites fustiger les soi-disant privilèges des fonctionnaires et prétendre défendre le service public, défendre la laïcité et privilégier l’école confessionnelle, catholique (et si possible traditionaliste) bien sûr. Le discours est à géométrie variable et change en fonction du public visé, quite à dire une chose un jour et le contraire le lendemain. C’est pourquoi "démonter" le programme d’un mouvement fasciste est certes indispensable, mais aussi très difficile car il est comme le chewim gum, il s’adapte suivant les circonstances, les lieux et les auditeurs, et trouve toujours à désigner un tiers responsable de tous les maux (le jeune issu de l’immigration, l’homosexuel, le juge laxiste ...) mais ne remet surtout pas en cause le système capitaliste, du moins sur le fond.

La lutte économique

Il s’agit là aussi d’une des dimensions de la lutte idéologique. Il n’est pas question ici de tirer une frontière entre lutte idéologique et lutte économique, la dialectique des deux fondant l’activité politique des communistes, il faut quand même revenir sur ce thème. Les communistes et leurs organisations doivent réinvestir les lieux de travail, là où se pratique l’exploitation capitaliste, là où se vit la souffrance au travail, là où se pose la question, autorisée par le niveau de développement des forces productives, du « travailler autrement ». C’est une question qui va du local au global. Du comment on travaille au pourquoi on travaille ? Quel est le rôle des unités de production, que signifie le terme « entreprise » seriné à longueur de journal télévisé ? Qu’est-ce qu’on produit et pourquoi on produit ? Ce questionnement « tire » beaucoup d’autres, et en premier lieu la question dite écologique. On produit pour faire du profit ou on produit pour répondre à des besoins ? Et que produit-on et comment ? Le prolongement naturel de cette question étant qui en décide ? Et donc qui possède ? La question des services publics (et donc de l’appropriation publique, ses formes, son contenu…) affleure là, autant au niveau local qu’au niveau national et même mondial. Le problème lié à la production d’énergie nucléaire par exemple peut-il n’être posée qu’au niveau des états quand les nuages radioactifs, ou les courants marins ne connaissent ni frontières ni eaux territoriales. De même pour l’eau ou les matières premières non renouvelables. Plus prosaïquement, quel rôle doit jouer l’agriculture, nourrir l’humanité, en commençant par les agriculteurs et plus généralement les paysans ou produire en vue d’exporter en période spéculative ?

Le rôle d’une organisation Communiste

Ces points montrent la nécessité d’une organisation Communiste offensive, idéologiquement armée et créative, fortement organisée dans les masses et d’abord là où se fait l’exploitation capitaliste dans le monde du travail. C’est là que pied à pied, avec les syndicats et les camarades syndiqués il faut combattre politiquement le capital en soutenant politiquement les luttes et en leur donnant le prolongement politique chaque fois que c’est possible, en s’appuyant systématiquement sur des élus communistes, ce qui montre aussi à quoi sert de voter communiste. Elaborer des solutions avec les exploités, mais là aussi, sans démagogie, ne pas sombrer dans la naïveté du spontanéisme des masses, on ne construit pas un programme avec les exploités sans avoir déjà soi-même au moins des lignes de force autour desquelles construire, un projet communiste qui dégage l’horizon historique. L’organisation communiste doit être capable d’organiser les luttes et de les placer dans une perspective de changements révolutionnaires, car, rappelons le au risque de se répéter, comme nous le montrent encore les événements récents en Afrique, révolte n’est pas révolution, et on ne fait pas la révolution sans révolutionnaires.

"L’homme est là, en train de jouer son destin (et même, que voulez-vous de plus, le destin de son espèce). Il le joue sans le connaître, cela va sans dire, mais sans plus même se soucier de l’appréhender de quelque manière, ce qui est grave. Et qui plus est, avec des cartes truquées (il commence à penser que les cartes pourraient être truquées) ... Un jour viendra (s’arrachant à ce registre qui, pour la première fois, reste muet sur les jours à venir) où l’homme sortira du labyrinthe ayant à tâtons retrouvé dans la nuit le fil perdu." André BRETON

A lire également sur le site à propos de l’extrême-droite :
-Une étude sur les ressorts du vote FN en milieux populaires, réalisée par la Fondation Jean Jaurès
-La fabrique de la haine : xénophobie et racisme en Europe, un texte d’Enzo Traverso paru sur Contre-temps.


2 commentaires liés à cet article

  • Nazisme, fascisme et néo

    22 juillet 2012 09:33, par Pierre C.

    Je partage en grande partie les analyses contenues dans ce texte. Quelques remarques toutefois...

    Des choses classiques mais utiles à rappeler (le fascisme utilisé par le capital pour dévoyer la colère, le caractére polymorphe de l’extrême-droite)

    Des choses peu développées (l’analyse historique un peu raide avec des raccourcis, le communisme aujourd’hui, on voudrait en savoir plus ?) ...

    Des choses intéressantes pas toutes nouvelles : la nécessité de révolutionnaires et d’une organisation pour faire la révolution.

    Concernant les "révoltes" (indignés, pays arabes). Effectivement,des mouvements dénués de sens politique progressiste (communiste) aboutissent à des conservatismes ou des obscurantismes.

    Ou encore la place de l’hégémonie économie (la lutte des classes) dans le processus révolutionnaire. On peut toutefois regretter une vision très datée (trés léniniste) du mouvement d’émancipation humaine. Ne faut-il pas avancer sur des constructions tenant compte du monde d’ajourd’hui sur lequel I.Lavallée a d’ailleurs travaillé (cyber-révolution) mais bizarrement aucune allusion ici.

    Enfin une chose que je n’ai pas bien compris, c’est l’exemple que l’auteur prend pour illustrer l’enjeu des biens communs de l’humanité et des enjeux planétaires en parlant "des nuages radioactifs" pour décider ou non de la production nucléaire à l’échelle de la nation, du monde, on ne sait pas bien où il veut en venir ? Alors que la question de la souverainté énergétique des peuples et de l’appropriation sociale des moyens de production est effectivement une question mais pourquoi l’embrouiller dans un pseudo-débat...

    Voila quelques réactions rapidement énoncées mais que je tenais à faire...

    • Nazisme, fascisme et néo 30 septembre 2012 18:32, par Ivan

      Je ne comprends pas bien la critique. Le fait que l’analyse ait des relents léniniste (lesquels ?) ne saurait pour moi constituer une injure, au contraire. Daté ? Pourquoi ? J’ai essayé de montrer la filiation historique, rapidement, sans m’y étendre, précisément pour ne pas être trop "daté". Décrypter la stratégie du FN, ou plus généralement d’une possible émergence d’un mouvement fascisant ou carrément fasciste (il n’y a pas que MLP sur les rangs, un Copé, un Devedjian, Madelin, Longuet, d’autres sont en embuscade). Le "jeu" d’un Copé ou d’un Gaudin sur les événements de Marseille doit éveiller notre vigilance.

      Quant à Cyber Révolution ou à ma conception du communisme, ce n’était pas le but de cet article, il y en un autre sur le site qui en traite, << Communisme, liberté et nation 27 décembre 2008>>.
      Ivan

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