
L’ouvrage Oumar l’Africain est né de la longue expérience de l’auteur, avocat, au service de plus démunis et notamment des enfants en grande difficulté.
L’histoire est banale en apparence. C’est celle d’un être humain en situation très précaire sur son continent qui prend la route et le bateau pour rejoindre la France dans l’espoir d’un avenir meilleur. L’histoire est banale, vue de loin, elle ne l’est plus du tout quand elle est vécue. C’est l’histoire de l’humanité en exil d’elle-même, c’est notre histoire.
Oumar, sans papiers, se heurte au mépris, au rejet, à la misère, à l’exploitation, à la violence. C’est un ancien prêtre, le père Angel, qui lui donne force et orientation pour se sortir du carcan des contraintes et des absurdités. Il lui donne un nom nouveau, Krys qui typifie le nouveau chemin exploré, tout aussi difficile mais constructif. Krys est bousculé, remis en cause et remis en selle.
« Tu comprendras mieux, lui assène le père Angel, après que tu auras été ébarbé et poli comme un sou neuf, que la civilisation n’est pas un acquis définitif. Elle est fragile et provisoire. La hausse de la délinquance, la toxicomanie, la massification de la pornographie, toutes ces pulsions auxquelles on donne libre cours, au nom d’une prétendue sacralisation des libertés individuelles sont une incongruité. »
Morale ? oui ! Et discipline. Si la morale vient toujours d’un « autre », elle peut être une phase nécessaire afin que l’éthique, qui vient de l’interne, se fasse une place suffisante pour devenir indiscutable. Oumar-Krys apprend à penser et surtout à se révéler pour s’autoriser à être lui-même, ce sera long, au milieu des tensions multiples, des oppositions factices, si nuisibles, que rencontre celui qui est déchiré entre plusieurs cultures, plusieurs mondes.
Un parcours éducatif et intellectuel exemplaire, jamais facile, lui permettra de devenir avocat et de s’engager pour défendre ceux qui ne lui ressemblent pas encore mais qui lui rappellent ce qu’il fut et demeure, quelque part. Et puis, il y a les amours, rendues compliquées par son histoire, sa vision du monde, ses attentes et celles des autres.
Claude Rodhain, loin de tout idéalisme, met en évidence les failles de notre société qui vise, officiellement, à l’intégration. S’il nous raconte l’histoire d’un individu attachant, complexe, qui échappe aux dévorations et aux séductions de ce monde pour s’offrir une certaine liberté, c’est aussi pour dire les carences et les crispations qui ruinent les possibilités d’une société pourtant pleine de promesses. Le droit est un « lieu » privilégié où du chaos peut sortir un ordre, non un ordre contraignant mais un réordonnancement inventif et fécond des valeurs, des compétences, des expériences de chacun. Mais le droit ne suffit pas, un projet partagé, une vision commune, sont nécessaires.
Oumar l’Africain
Claude Rodhain
Editions Glyphe, 85 avenue Ledru-Rollin, 75012 Paris – www.editions-glyphe.com