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Pas l’ombre d’un doute, pour la poésie
Il y a des soirs où je désespère, un peu, du genre humain, confie Thierry Renard...

Apprenez que je ne suis pas le défenseur du peuple ; je suis du peuple, je n’ai jamais été que cela ; je méprise quiconque a la prétention de vouloir être quelque chose de plus.
Robespierre

Il y a des soirs où je désespère, un peu, du genre humain. Et, pourtant, ceux qui me connaissent le savent bien, je suis plutôt un optimiste convaincu. L’ami, même, de ce fameux genre humain. Mais nous traversons, je m’en rends compte chaque jour davantage, une période assez critique, où chacun reste replié sur son nombril, où l’individualisme et le sectarisme dépassent toutes les bornes. Pour les uns, la question de la reconnaissance demeure vive et sans réponse. Pour les autres, c’est la question du pouvoir (de l’autorité !) qui s’impose. Nous vivons, également, des temps d’extrême confusion et de compétition égoïste.
Un politologue de nos amis, Philippe Dujardin, pense tout simplement que nous changeons de temps, que nous sortons d’un temps qui a fait son temps. Cela ouvre des perspectives, certes, mais, et j’en conviens volontiers, cela n’est guère rassurant.

Mais venons-en au fait. Les poètes, comme tous les autres artistes, souhaitent atteindre leur public. Il n’y a, là, rien de très choquant. Quand on s’exprime, c’est d’abord pour les autres. Et l’on aimerait, ne mentons pas, que les autres puissent toujours être plus nombreux, et surtout plus fidèles, aux rendez-vous que nous leur fixons. On ne crée ni pour soi-même ni pour quelques interlocuteurs privilégiés.
Alors, pourquoi tant de haine ? Querelle de chapelles, guerre des clans… Mais il n’y a plus d’écoles ! Et les courants sont tous, aujourd’hui, forcément dépassés. Nous changeons de temps ! Adaptons-nous ou, mieux, allons de l’avant. Soyons, à la fois, solitaires et solidaires, selon la belle formule d’Albert Camus. Pour ma part, en matière de création poétique, et paraphrasant le jeune Saint-Just, je ne suis d’aucune faction, je les combattrai toutes.

Il y a de la place pour tous. J’ose encore, naïvement, croire que ce n’est pas la multiplication de l’offre qui contrarie, ou empêche, la demande. Il s’agit, même, sans aucun doute du contraire. Et, comme le prétend une autre de nos fréquentations, Michel Le Bris, ce qui ne grandit pas finit, tout bonnement, par mourir…

Soyons ambitieux pour la poésie, souhaitons-lui l’impossible. Et ne faisons pas semblant de penser, comme n’importe quel imbécile ou n’importe quel poète aigri, qu’elle n’occupe une réelle place dans notre société qu’une dizaine de jours par an.

Chaque saison mérite d’emblée qu’on s’y attarde, et est tout naturellement faite pour une bonne brassée des langues et des mots.

Du positif. Il fallait même commencer par ça. Du positif, de l’audace et de l’imagination, voilà ce dont nous avons le plus besoin. Et nous manquons également, le plus souvent, cruellement d’humour. C’est, hélas, ce qui toujours nous rassemble, nous, les poètes français, petits, si petits… Et parfois jaloux, et parfois mesquins… Et soudain je songe à cette affirmation, claire et nette, d’Alain Jouffroy : « La propagande de la poésie par les poètes est mal faite, car ils se donnent toujours raison contre les autres. »

La vieille dispute entre formalistes et lyriques n’a plus aucune raison d’être, elle n’est plus d’actualité. Oubliée, donc, la discussion qui oppose Anciens et Modernes. D’ailleurs, qui sont les anciens, et qui sont les modernes ? Totalement dépassés, également, les démêlés entre branchés et débranchés, entre professionnels et amateurs, entre riches et pauvres…
Entre, pourrait-on ajouter, connectés et déconnectés (nous sommes à l’ère du numérique !). Aujourd’hui, ce qui compte au fond, c’est ce petit bruit que font les mots lorsqu’ils traversent notre tête ou qu’ils entrent dans notre chambre d’échos.

L’incident est définitivement clos.

[Vénissieux, le 11 juillet 2014]


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