à Olivier Fischer, mon ami
Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
À coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ça m’est bien égal… »
Boris Vian, Je voudrais pas crever
Vous avez été l’évidence, vous n’êtes plus que l’énigme.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
Je n’ai ni l’esprit ni le cœur à droite,
chacun le sait.
Et, cependant, j’aime la campagne française,
observée depuis la fenêtre du TGV,
entre Lyon et Paris,
particulièrement la Bourgogne.
J’aime aussi lire Paris Match,
surtout les numéros consacrés
aux célébrités récemment disparues.
J’aime lire, encore, Le Canard
enchaîné, journal satirique qui,
contre toute attente,
n’est pas vraiment progressiste.
J’aime la plaine de l’Ain
et le plateau du Bugey,
le village natal de Charles Juliet
et ses vieux bûcherons piémontais.
Je ne suis pas de droite, certes,
mais j’ai un petit faible pour NKM
(Nathalie Kosciusko-Morizet), pour
son côté bien élevé et, forcément,
un peu coincé.
Je ne suis pas de droite, mais j’aime
les poèmes rétrogrades et nombrilistes
de Michel Houellebecq.
Vers de mirliton et rimes à quatre sous,
tout cela j’aime !
Je ne suis pas de droite, non, non et non.
Mais, sans aucun doute, un peu misogyne et un peu snob.
Pourvu d’une misogynie légère, passive et
quelquefois maladroite, justement.
Récompensé d’un snobisme délicat, élégant,
à la manière d’un Boris Vian.
Je ne suis pas de droite, j’ai dit oui au mariage pour tous,
j’ai répondu présent, quand il le fallait,
afin de repousser les assauts
des nouveaux et très nombreux « fachos »
de ce pays où toujours s’exprime,
avec regret ou amertume, la mélancolie.
Je suis descendu dans la rue,
j’ai brandi le poing, j’ai donné de la voix
et, aussi, donné le ton. J’ai, bien souvent,
agité le couvercle, crevé l’abcès,
manifesté mon impatience.
Je ne suis pas de droite, même si je suis
enfant unique et farouche partisan de la liberté.
Je ne suis pas de droite, même si sur tous les fronts
j’ai défendu notre langue avec panache.
Je ne suis pas de droite, je rigole tout le temps.
Paris, le 6 juin 2013 ; Vénissieux, le 9 juin.
Je l’ai dit et je l’ai répété,
je ne suis pas de droite,
même si cela aurait été plus facile pour moi,
plus naturel, moins compliqué.
L’enfant qui naît est un bourreau,
un monstre d’égoïsme. L’enfant
qui naît vit dans sa bulle
accroché aux jupons de sa mère.
Et c’est seulement lorsqu’il grandit
qu’il apprend à vivre au milieu de tous.
Et c’est quand il grandit
que, peu à peu, il se dirige
vers la lumière, vers la grande clarté.
Vers la beauté des choses.
Je ne suis pas de droite,
même si, en vérité, c’est un concept majoritaire
dans ce pays. Cela serait beaucoup plus simple,
en réalité. Je pourrais faire ceci
ou cela sans prendre le risque
d’être jugé. Je pourrais même
dire n’importe quoi, appeler
à la haine ordinaire
ou tenir des propos racistes.
Je pourrais être envieux, voler sans honte
l’argent des plus pauvres que moi.
Je pourrais être obscène ou grossier,
marcher sur la tête des autres.
Je ne suis pas de droite, je suis
expert en rien. Et, surtout,
j’aime les gens – c’est épatant.
Je ne suis pas de droite,
mes amis ont des noms communs
et mes héros sont fréquentables.
Ils se portent bien,
malgré les brûlures de ces temps-ci,
malgré les blessures des siècles passés,
malgré l’agonie du jour
qui lentement s’étire et se retire.
J’aime le football et le vélo,
Pasolini, les Soprano.
Je ne suis pas de droite,
je n’ai rien à prouver, à démontrer.
Mes paroles sont des actes
et ma main gauche sait où elle va,
entre ses doigts tient mon destin.
Je ne suis pas de droite,
j’ai bien d’autres devoirs,
et tant de choses à faire.
Vibrons, amis, vibrons
à l’unisson.
Vénissieux, le 12 juin 2013 ; Saint-Julien-Molin-Molette, le 16 juin