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Pour une culture émancipatrice
Philippe Pivion

A quoi sert la culture ? A-t-elle une utilité immédiate ? C’est une question fondamentale car elle peut être moyen d’asservissement ou de libération. Libération quand elle donne à penser, à rêver, à construire un avenir, à se nourrir de l’altérité. Mais elle peut également par un dévoiement devenir une source obscurantiste, enrobée de superstitions et de fantasmes, elle devient un moyen d’asservissement dès lors que sa fonction rentre dans la sphère du capital en devenant source de profits et de domination idéologique. Dans tous les cas, elle n’est pas un supplément d’âme car elle est un marqueur de l’Humanité et de son intelligence.

Le libéralisme économique, cette pantalonnade censée être hostile à toute intervention de l’Etat dans l’économie et qui demande à tout bout de champ des subventions et exonérations d’impôts, est une machinerie capitaliste destinée à maintenir sa domination sur le monde. Pour cela, le libéralisme après avoir extirpé de l’homme des sources de profit, n’en a plus que faire. Alors, il le broie, le lamine et le laisse mourir. Partout, la personne humaine est dégradée, traquée, anéantie pour assouvir la soif de profits de gens déjà gavés d’or.

Les avatars de la droite, devenue son extrême, tentent pour maintenir la domination indispensable à la survie économique de ce mode de production, de dresser l’homme contre l’homme. Diviser l’espèce humaine pour mieux dominer, tel est son leitmotiv. Pour cela, les suppôts du capitalisme mentent, interdisent, réécrivent l’histoire, créent des conflits, où toujours se sont les plus humbles qui paient ces drames de leur vie et de leur chair.

Les communistes luttent depuis leur origine pour l’émancipation de l’Homme, pour le délivrer des chaînes invisibles qui l’écrasent et le renvoient à la nuit des temps. Les communistes sont pour le développement des outils nécessaires à l’émancipation humaine. Cela passe par une exigence universelle : l’Humain d’abord. Ils s’indignent et proclament la honte de ceux qui asservissent idéologiquement, économiquement les producteurs, les ouvriers, les paysans, les faiseurs de richesse. Comment accepter que l’inventeur voie son invention captée pour nourrir la bourse ? Comment tolérer que l’artiste soit spolié de son œuvre qui devient un objet de luxe pour être exposée dans les salons privés de la caste au pouvoir ? Comment laisser devenir une malédiction le fait d’être jeune, scolaire, étudiant, universitaire ? Comment admettre que la santé soit non seulement abandonnée, mais brisée dans son cœur avec la misère hospitalière, la pénurie planifiée de médecins, de pharmaciens, d’infirmières, parce qu’il est plus profitable de gaver les industries de l’armement que de développer la recherche et la santé publique ?

Et dans tout ce massacre, devant autant de mascarades, les communistes affirment que parmi les solutions à engager immédiatement on doit porter haut et fort les domaines de la culture, car la culture est source d’émancipation populaire. Mais la culture n’est pas un slogan, n’est pas un mot que l’on doit dire à tout bout de champ au prétexte que le Front populaire a su mettre en œuvre des idéaux culturels, des outils, a donné des moyens. Il a aussi et surtout défini un contenu d’apprentissage populaire, de mise à disposition, d’aide aux créateurs et à la création. Non, la culture n’est pas seulement un objet, elle doit avoir une fonction.

Le capitalisme détourne tout progrès émancipateur à son profit et le met au diapason de ses objectifs et de sa domination. Prenons le paradoxe du téléphone portable. Objet d’émancipation s’il en est. Il est devenu un objet d’aliénation et d’isolement par lequel des jeunes, et d’autres, restent accrochés à leur écran durant des heures sans plus communiquer avec leur environnement proche. L’objet est devenu un outil d’asservissement. Il en est de même avec Internet, avec les jeux. Nous rêvons de 1936, de ces luttes, de ses acquis… Dans les usines, dans les bureaux pour nourrir la lutte, des bals étaient organisés, des conférences, des débats. C’étaient des lieux de rassemblement où l’on allait jusqu’à se toucher, se frôler. Maintenant on s’évite, se toucher est interdit. L’être humain est isolé, individualisé pour mieux l’anéantir. Le plaisir est souvent solitaire ! On regarde un film à la télé, on ne va plus au spectacle, il vient à nous, on nous apporte du préfabriqué pour esprit afin de nous permettre de mieux dormir le soir.

Proposons une culture de l’ensemble, une culture de lutte contre l’isolement. La culture doit s’assoir sur une fusion, celle du public et des créateurs. L’ensemble est une source de savoir, une source d’inspiration. Connaitre l’autre, comprendre l’autre, accepter la différence qui enrichi l’humanité, voilà le rôle de la culture. Donner à jouir collectivement d’une œuvre, mettre en éveil les sens du public, quitter le train-train de l’exploitation rampante de tous les instants, quel bel objectif !

Pensons-nous que la culture doive être laissée aux puissances de l’argent pour qu’elle soit une culture de l’émancipation ? Bien au contraire. La vulgarité, les bêtises crasses, les falsifications, les détournements de l’intelligence sont l’apanage des véhicules capitalistes de la culture. Ce n’est pas un hasard si le programme du Rassemblement national n’évoque que la privatisation de la culture. Privatiser les chaînes publiques, c’est donner aux renards des puissances de l’argent accès au poulailler des petites gens. Oh, eux n’ont pas de soucis à se faire, ils ont leurs fondations privées, financées par l’état pour abriter les chefs d’œuvre qu’ils peuvent contempler à loisir. Eux, ont leur cinéma privé avec tous les films qu’ils souhaitent. Eux, ont leurs esclaves de l’écriture qui rédigent leur livre dans lequel la pensée humaine n’est qu’abstraction. Eux, jouissent de leur fortune en achetant aux enchères sans se déplacer, des merveilles que des hommes liges enchérissent. Eux, eux qu’ils restent entre eux et rendent la culture qui doit être inaliénable !
Paul Vaillant Couturier concluait son rapport de 1936 baptisé « Au service de l’Esprit » par :

L’intelligence est à la croisée des chemins.
Il lui faut choisir !
La guerre ou la paix,
La servitude ou la liberté,
La haine ou l’amour,
Le mensonge ou la vérité,
La passivité ou l’action,
La misère ou le bien être créateur.
Qu’elle décide !

21 juin 2024

Le texte " Au service de l’esprit " de Paul Vaillant-Couturier (1936) évoqué par Philippe Pivion est accessible sur le site :
https://lafauteadiderot.net/Au-service-de-l-esprit-Un-texte-de


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