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Que gagnerai-t-on à distribuer régionalement et gérer localement l’électricité ?
La fin de la péréquation tarifaire, des tarifs régulés et du service public, répondent Valérie Gonçalvès et Gilles Pereyron

Aujourd’hui émergent dans les débats sur la transition énergétique des discours d’autonomie régionale aussi bien au niveau des moyens de production d’électricité que de la distribution de l’électricité et du gaz. Il s’agirait pour certains (au sein des collectivités locales) de revenir à un système de distribution régionale à travers une gestion locale type régie ou société publique locale. Les arguments avancés peuvent paraître louables, tel un meilleur contrôle des élus permettant par exemple de répondre à la précarité ou aux économies d’énergie, mais tous cachent le véritable but, la fin du service public national, la péréquation tarifaire et la fin des tarifs régulés qui est souhaitée par la Commission européenne. Les élus EELV (pas les seuls à gauche) y voient aussi un moyen pour casser EDF et sortir du nucléaire.

Et pourtant, il est illusoire de croire que les questions énergétiques pourraient se résoudre au niveau local. Une régionalisation de l’énergie rendrait caduque la solidarité entre régions et mettrait en cause la péréquation tarifaire, voire l’accès à l’énergie tout simplement. Cela serait même synonyme de la fin du service public national de l’énergie, qui a fait ses preuves depuis 1946. Et qui était, rappelons-le, issu du programme du Conseil national de la Résistance.

En effet, cela signifierait la fin de la péréquation tarifaire, car celle-ci est incompatible avec un choix décentralisé. C’est également un système moins fiable, car l’électricité est un bien qui ne se stocke pas, et pour lequel l’équilibre entre offre et demande doit être réalisé en permanence, ce qui nécessite une vision nationale du système. C’est également un système moins sûr car, en cas d’aléas climatiques, l’existence d’un dispositif d’urgence permettant de mobiliser rapidement les salariés du service public d’ERDF-GRDF et les moyens techniques afin d’être en capacité de reconstruire rapidement un réseau est intimement liée à l’existence d’un distributeur de la taille d’ERDF par exemple. Il semble donc peu raisonnable de se séparer du modèle actuel.

Les prix étant fixés nationalement sur la base de coûts nationaux, et étant les mêmes sur tout le territoire du fait de la péréquation, certaines concessions sont naturellement excédentaires et d’autres déficitaires (20% du territoire, essentiellement celui des grands centres urbains, est excédentaire, tandis que les 80% restant sont déficitaires). Si les tarifs devaient être fixés par concession, le prix de l’acheminement pourrait baisser de 20% pour quelques-unes des premières, d’où les velléités de certains élus qui y verraient un moyen de renflouer les caisses de leurs communes, tandis qu’il devrait augmenter jusqu’à plus de 50% pour une partie des secondes. Aujourd’hui, il y a deux fois plus d’investissement par consommateur rural que par consommateur urbain, puisque les investissements concernent pour moitié le rural qui ne représente que 25% de la clientèle.

D’autre part, le vieillissement des réseaux et la modernisation de ces derniers vont nécessiter des investissements qui sont évalués aujourd’hui à hauteur de 3 milliards d’euros par an. Quant aux moyens de production, ils sont inégalement répartis sur le territoire national. Par exemple, une région comme la Bretagne ne produit que 8 % à l’énergie qu’elle consomme, contrairement la région Rhône-Alpes qui détient bon nombre de moyens de production.

Mais ne soyons pas dupes ! Dans ce débat, il s’agit également d’impulser une expansion régionalisée d’énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque) dont le seul mérite réel est de garantir aux investisseurs, grâce à des prix de reprise totalement artificiels, une rentabilité, payée par le consommateur individuel via une taxe appelée la CSPE.

Pourtant, le développement des énergies renouvelables va accroître la nécessité de développer des solidarités territoriales et les réseaux pour pallier leur intermittence… Contrairement à une idée reçue, la quasi-totalité des éoliennes et panneaux photovoltaïques est raccordée au réseau, l’autoconsommation étant peu pratiquée en France. Et au vu du tarif de rachat, il n’est pas très séduisant de consommer son électricité qu’on peut vendre cinq fois plus cher.

Cela dit, on ne peut être dispensé d’être raccordé au réseau parce que, de toute façon, la nuit ou quand il n’y a pas de soleil, il faudra bien avoir du réseau pour avoir l’électricité.

De plus, leur implantation géographique est rarement celle des lieux de consommation. Par exemple, pour le photovoltaïque, son développement se fait où le coût du terrain permet d’optimiser la rentabilité du projet, ce qui oblige à développer des réseaux au milieu de nulle part.

L’exemple de l’Allemagne est édifiant ! L’augmentation de la production d’électricité d’origine éolienne, notamment venant de la mer du Nord, nécessite la construction de 1.800 km de réseau très haute tension pour évacuer l’électricité produite. Le manque d’interconnexions et de maillage national, voire européen, reviendrait à développer les productions individuelles via des groupes électrogènes pour pallier l’intermittence. Ces évolutions ne contribueront pas à diminuer nos émissions de CO2 par habitant, bien au contraire.

Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin de plus de services publics, de les démocratiser pour servir l’intérêt général, plus de concertation, de lieux d’échanges et, dans ce débat, notre proposition de pôle public prend tout son sens.

Valérie Gonçalvès est chargée des questions énergétiques au PCF ; Gilles Pereyron est un des responsables de l’association Droit à l’énergie SOS Futur

Tribune parue dans L’Humanité. 21 Octobre 2013


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