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"Qui veut tuer Bonaparte ?", "L’angelus des ogres", "Contes thérapeutiques"
Les conseils de lecture de Rémi Boyer

Qui veut tuer Bonaparte ? de Philippe Bornet

 
Napoléon Bonaparte, admiré, ignoré ou détesté, fait partie de nos vies. Beaucoup de nos institutions trouvent leur origine dans la période napoléonienne. Parmi nos ennemis les plus aimés, les Anglais, nombreux sont ceux qui se passionnent pour Napoléon.

Philippe Bornet est un historien reconnu, spécialisé sur le Bonaparte de la période révolutionnaire. Nous lui devons déjà deux ouvrages, La Furia, Bonaparte en Italie (France-Empire, 2002) et Sultan Bonaparte (E-Dite, 2007). Ce livre a déjà connu une première carrière en version numérique, en français et en anglais. C’est sa première édition papier et c’est une bonne nouvelle que de pouvoir tourner réellement les pages de ce roman passionnant.

Préalablement à toute lecture, Philippe Bonnet présente ce texte comme un roman stratégique, plutôt qu’historique :

« Le roman stratégique est une partie d’échecs commentée. Sur une trame historique irréprochable, court le fil rouge de la fantaisie : le héros principal, Bonaparte, s’oppose à un redoutable personnage féminin, imaginé par le romancier, la belle comtesse vénitienne Anna-Lisa Vendramin. De leur lutte implacable résulte un roman qui n’offense en rien nos connaissances historiques. »

Philippe Bonnet prend le temps de nous indiquer quelques jeux temporels historiques et les inspirations de ses personnages. Mais, le personnage principal, outre Bonaparte, est sans doute la mort qui n’aura cessé de le traquer, dansant longtemps avec lui sans l’atteindre.

L’intrigue débute à Beaucaire en 1793, en pleine tension entre Montagnards et Girondins. Bonaparte n’est pas encore général. Il le deviendra rapidement au vu de son habileté militaire : « La guerre, dit-il, est un sujet supérieur pour esprits supérieurs. Et c’est mon métier. » ; d’autres, parmi ses ennemis, pensent la même chose. La partie d’échecs commence. Le siège de Toulon approche.
La coalition de quatre nations, dont l’ennemi anglais, qui occupe Toulon, veut mettre sur le trône de France, Louis XVII. Bonaparte, artilleur de génie, sera l’artisan de la victoire républicaine, obtenue en quatre mois, qui inaugure son destin exceptionnel.

L’intrigue se noue autour des tentatives d’assassinat des services secrets de l’adversaire et de cette femme, vénitienne, jeune, belle, intelligente, dangereuse. Il existe un jeu de miroirs entre la complexité stratégique du siège de Toulon et celle des relations de l’ombre entre les personnages principaux, fictionnels ou non.

Le lecteur est pris dans les remous de deux fleuves tumultueux qui se croisent, celui de l’histoire, celui des passions, parfois funestes. L’écriture vive et le style chaleureux de l’auteur nous entraîne dans un rythme très napoléonien. Bonaparte saisit rapidement les situations, les forces des uns, les faiblesses des autres. Il agit avec précision, de façon inattendue mais ajustée. Le siège de Toulon révèle son don pour la stratégie militaire, qui annonce celui pour la stratégie politique.

« Bonaparte sauta en selle. Un vertige le prit. Voilà l’occasion espérée depuis si longtemps. Il allait faire tomber le fort Mulgrave, installer ses batteries à l’Eguillette et à Balaguier, chasser la flotte combinée et faire tomber la ville comme un fruit mûr. Voilà que l’Être Suprême, qui l’avait détourné de la Corse et qui l’avait conduit devant Toulon, avait éliminé les obstacles sur son chemin : Carteaux, l’incapable, était parti, Duteil lui avait donné carte blanche, Doppet lui laissait la bride sur le cou. De tous les représentants, pas un seul qui ne fût disposé à l’appuyer : Gasparin, Salicetti, Barras… Il galopa jusqu’aux trois batteries et donna ses ordres… »

Qui veut tuer Bonaparte ?
Philippe Bornet
Via Romana, 29 rue de Versailles, 78150 Le Chesnay – www.viaromana.fr

L’angélus des ogres de Laurent Pépin.

Contes et métaphores nous disent davantage de nous-mêmes que l’histoire qui, au vu des événements qui se répliquent de cruauté en cruauté, ne nous apprend rien et ne sait nous changer pour le meilleur.
Le conte que nous propose Laurent Pépin nous plonge dans l’univers de la psychiatrie avec cette question lancinante qui hante le lecteur au bout de quelques pages, n’est-ce pas le monde qui est malade plutôt que ceux que nous enfermons physiquement et chimiquement ?

Dès les premiers mots, le lecteur est happé dans cet univers psychiatrique que nous voudrions ignorer mais qui se révèle si vivant dans nos consciences troublées.

« J’habitais dans le service pour patients volubiles, depuis ma décompensation poétique.
Au fond, je crois avoir toujours su que cela se termi­nerait ainsi. Peut-être parce qu’il s’agissait du dernier lieu susceptible d’abriter une humanité qui ne soit pas encore réduite à une pensée filtrée selon les normes d’hygiène. Ou plus simplement parce qu’il n’y avait plus de place ailleurs dans le monde pour un person­nage de conte de fées.

Je dois pourtant reconnaître qu’il n’y avait rien eu de féerique dans les événements qui avaient prési­dé à mon admission : ma rencontre amoureuse avec une Elfe avait terriblement mal tourné et les Monstres de mon enfance en avaient profité pour ressurgir. »
La réalité et le fantastique se mêlent étroitement dans un voyage plein d’inattendus mais n’en est-il pas toujours ainsi sous le vernis craquelé de nos rationalités ? Une humanité sordide nous attend à chaque instant, les temps se replient et l’enfance ne fait qu’un avec l’âge adulte, ou plus avancé. Se superposent ainsi des couches de sens et de contresens qui nous constituent en un discours incertain sur nous-mêmes. L’intégration de la violence, son institutionnalisation, sous prétexte de normalité, est elle-même la pathologie première.
« Parmi les sanctions thérapeutiques que l’admi­nistration avait mises au point, les séances de ciné­mastoche étaient celles que redoutaient le plus les Monuments : la thérapeute calculait la quantité de stimulations douloureuses à leur administrer afin de corriger leurs erreurs comportementales, suivant des algorithmes impartiaux. Elle façonnait des images mentales de supplice qui mobilisaient les subtilités de la décompensation poétique de chacun d’eux. »

Il existe une dimension prophétique dans le texte de Laurent Pépin. L’écriture, ciselée, porteuse de beauté jusque dans l’horreur, éclaire notre présent mais peut-être plus encore les temps qui approchent :
« C’est terrible, la pensée filtrée… Bien sûr, il ne sub­siste intrinsèquement plus d’élément toxique, effrayant, triste ou affolant, après filtration. Parce qu’il n’y a plus rien, tout simplement. Plus d’image ni de parole. Les rêves n’ont plus de pattes ni d’ailes. Ils tombent au sol et s’assèchent. Du coup, les gens ne savent plus pourquoi ils se lèvent, marchent, vont au travail, font ce qu’ils font. Alors ils ne le font plus. Ou ils le font, mais sans habiter leur corps. Et s’ils ne meurent pas de dépression, ils s’effacent tout bonnement et personne ne s’en rend compte parce que personne ne sait qu’ils ont existé. »
Nous entendons là un idéal ténébreux qui anime certains des habitants de cette planète qui prétendent vouloir assurer le bien de tous.

Ce conte est aussi une histoire d’amour. Nul conte sans amour. Ici, l’amour conduit à se plonger dans les abysses de l’autre quels que soient les périls.
« Et durant des heures, je l’ai écoutée mâcher, cracher, grogner, renverser les meubles, claquer les portes, me tenant aux draps lorsqu’elle poussait subitement un long hurlement désespéré. Quand elle est enfin revenue s’allonger, je n’ai pas esquissé le moindre mouvement, je n’ai pas émis un son, surveillant ma respiration, de crainte qu’elle ne se rende compte que je ne dormais pas. Mais elle s’est glissée discrètement dans le lit, à des kilomètres de mon corps. Elle avait l’air étrangement détachée et diffusait dans l’obscurité une lueur blafarde, irréelle. Je savais que je devais rester éveillé, que je devais l’empêcher d’envahir mon esprit. »

Bien des lectures s’offrent à celui qui prend le risque de ce livre. Nous pourrons nous abriter un temps derrière la lecture clinique mais elle volera en éclats tôt ou tard. Il s’agit d’autre chose, plus initiatique, une interrogation profonde des paradoxes du rêve et de la réalité, un questionnement de la folie, celle qui enferme, celle qui libère, un affrontement avec ce qui divise, une quête de ce qui unit. Et puis flotte bien entendu la langue, guérisseuse ou menaçante, la langue qui invente le monde plutôt qu’elle ne le décrit. Comment s’en emparer, la faire réellement nôtre avant qu’elle ne nous dévore ?

Ce livre fait partie d’une trilogie. Il en est le deuxième pas, après Monstrueuse féerie et, à venir, Clapotille. Trépas ? Mort initiatique ?

L’angélus des ogres de Laurent Pépin.
Editions Fables Fertiles, 18 rue de la Marne, 95460 Ezanville.
https://fablesfertiles.fr/

Contes thérapeutiques

 
Les contes et métaphores thérapeutiques font partie du patrimoine traditionnel de l’humanité. Dans toutes les cultures, nous retrouvons des contes destinés à accompagner l’être humain dans sa construction à toutes les étapes de la vie.
 
Les contes et métaphores modernes, à vocation thérapeutique, obéissent aux mêmes règles de construction que ceux et celles d’autrefois. Ainsi, nous retrouvons l’isomorphie subtile entre le modèle du monde proposée par le conte et le modèle du monde de celui à qui il est destiné. Les métaphores peuvent être de surface, immédiatement compréhensibles, ou profondes. Elles opèrent alors sous le seuil de la conscience objective pour installer croyances et positions de vie favorables, critères, valeurs et stratégies.
Anne-Laure Pinon est thérapeute enfant et famille. Elle nous propose deux contes thérapeutiques pour les enfants, qui associent esthétique, justesse du propos et efficacité thérapeutique. Leur construction permet à des enfants très différents d’évoluer vers davantage d’autonomie. Elle illustre elles-mêmes ces contes qui envisagent des situations courantes dans la vie de nos enfants. Elle propose également pour chaque conte des exercices simples, qui peuvent aisément se transformer en jeux, afin d’accompagner l’enfant dans son chemin de découverte de lui-même et du monde.
 
Théo et le trop plein d’émotions par Anne-Laure Pinon.
annelaure-pinon.fr

Avec ce conte, qui s’adresse à des enfants dès l’âge de trois ans, Anne-Laure Pinon aborde le sujet des émotions et des compétences émotionnelles que l’enfant peut très tôt acquérir. Il n’est pas rare de rencontrer des enfants trop sensibles aux émotions véhiculées par les environnements qu’ils traversent, ce qui les conduit à s’approprier des émotions et des problèmes qui ne sont pas les leurs jusqu’à se sentir débordés.
« Nous sommes tous, dit-elle dans sa présentation du livre, plus ou moins sensibles aux émotions des autres. Nous les sentons, les comprenons parfois. Certains d’entre nous les interceptent et les prennent instinctivement dans leur sac d’émotion. Arrive ensuite ce moment où leur sac est trop rempli, où les émotions prennent trop de place. Il nous faut alors faire le tri et les faire sortir du sac. »
En suivant le personnage de Théo, auquel l’enfant comme le parent peut aisément s’identifier, en découvrant son histoire à travers les mots choisis et des illustrations colorées et dynamiques, l’enfant qui lit, ou à qui nous lisons, va intégrer consciemment et inconsciemment de nouvelles stratégies et compétences émotionnelles, régulatrices, harmonisatrices, créatrices.

Esmée ne veut pas se séparer par Anne-Laure Pinon.
annelaure-pinon.fr

Ce deuxième conte aborde un sujet commun et qui reste une difficulté pour de nombreux enfants et parents, la capacité à se séparer. Il peut être utilisé dès l’âge de dix-huit mois.
« L’angoisse de séparation, nous rappelle Anne-Laure Pinon, touche la plupart des enfants. Elle survient en général à l’âge de 8 mois. Elle peut persister ou disparaître et revenir chez certains enfants. Ainsi, de nombreux parents se trouvent en difficulté face aux réactions d’angoisse de leur enfant à l’entrée à la crèche ou à l’école (pleurs, cris, refus du départ du parent, isolement, troubles alimentaires…). Par ces manifestations l’enfant exprime une peur, d’être abandonné, qu’on ne revienne pas le chercher, peur de ne pas avoir d’existence propre sans la présence du parent. »
Ces peurs, naturelles quand elles ne persistent pas, peuvent être accompagnées et transformées en une autonomie grandissante et une ouverture à l’inconnu. La permanence du lien s’édifie à travers des expériences répétées et élaborées de séparation. C’est ce processus d’élaboration qui est mis en œuvre à travers l’histoire, à la fois banale et unique, d’Esmée. Là encore, la délicatesse du dessin et les mots retenus s’associent pour conduire l’enfant dans un cheminement vers la permanence de l’autre, particulièrement de l’autre aimé.


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