Les sciences, les techniques et le progrès reviennent en force à gauche par le biais notamment des questions environnementales, de l’écologie, de l’agriculture, de l’énergie... Il nous semble donc urgent de nous réapproprier les termes du débat et de rappeler quelques idées.
La notion de progrès présente deux grands aspects : le premier appartient au champ des idées, de la politique, des valeurs (abolir l’esclavage, le travail des enfants ; éradiquer le racisme ; réduire le temps de travail, penser une sécurité́ sociale...) et le deuxième a une dimension scientifique et technique avec la formidable révolution industrielle survenue au 19e siècle suivie par d’autres révolutions (chimie, informatique, mécanique, physique, biochimie...). La crédébilité du projet de la gauche est conditionnée par l’alliance entre une volonté́ politique sur la base de ses valeurs et la « faisabilité́ technique » de son projet.
L’ambition politique sans le progrès technique : c’est être condamné à partager la pénurie. Au Moyen Age, l’espérance de vie ne dépassait guère les 40 ans, la mortalité́ infantile était très élevée, et les populations étaient à la merci de la moindre épidémie, et ce du fait d’une médecine rudimentaire. Même une politique progressiste conduite par un monarque « éclairé́ », s’il avait une seule fois existé dans l’histoire, n’aurait pu corriger cette ré́alité que de façon marginale. Plus proche de nous, l’Inde jusqu’à une période récente connaissait des famines qui décimaient des millions de personnes. La « révolution verte », avec certes des contradictions, a permis d’arrêter ce cycle infernal en introduisant des techniques modernes agricoles. Le levier de la technique au sens large (application de la science) est ici déterminant : la volonté́ politique seule aurait été́ vaine.
Le progrès technique sans l’ambition politique : c’est la situation que nous vivons. Le progrès est alors surtout synonyme de nouvelles opportunités pour le capitalisme de faire des profits, sans répondre aux besoins sociaux ou aux nouveaux défis environnementaux. Les gains de productivité́ dus aux révolutions des biotechnologies et de l’informatique ne servent pas vraiment à diminuer le temps de travail, mais plutôt à augmenter les marges de profits à salaire et temps de travail constant ou bien à des applications militaires :la chimie et la biologie pour faire des armes chimiques et bactériologiques, le nucléaire pour propulser des navires de guerre et fabriquer des bombes atomiques, la génétique pour déposséder les paysans de leurs semences, breveter le vivant et organiser la pénurie, d’où les tensions sur le marché agricole provoquant des famines. Évidemment la chimie et la biologie peuvent aussi faire des médicaments et sauver des vies, la physique nucléaire produire de l’électricité́ et donner de nouveaux outils à la médecine (imagerie médicale et radiothérapie), la génétique augmenter les rendements agricoles par des sélections de plantes et sortir des pays entiers de la misère : mais pour cela il faut la volonté́ politique.
Le rythme des inventions et des découvertes scientifiques permet sans cesse d’élever le niveau et l’ambition des changements à revendiquer dans le domaine politique. C’est l’augmentation de l’espérance de vie et les progrès constants de la productivité́ qui ont permis de rendre possible la réalisation effective de la retraite entendue comme un nouvel âge de la vie à partir de 60 ans. Cette possibilité́ a ouvert alors l’opportunité́ d’une bataille politique : celle d’inscrire effectivement la retraite à 60 ans dans la loi, en France. L’enjeu de la maitrise du progrès et de son orientation est donc au cœur de la lutte des classes, car il conditionne le niveau des conquêtes sociales futures.
Il comporte cependant un « inconfort » pour en assurer sa maitrise pleine et consciente : l’inconnu de l’avenir. L’exemple du choix dans les dépenses de recherche en est une illustration. Quelle Recherche financer ? Doit-on financer uniquement les chercheurs dont on est sûr qu’ils vont trouver quelque chose ? Et sait-on vraiment ce que l’on va trouver ? C’est une boutade, mais cette question se rencontre dans les débats à gauche alors que ces thèses sur l’efficacité́ (ou la prétendue inefficacité́) de la Recherche sont habituellement défendues à droite souvent pour justifier des baisses de financement. Faut-il arrêter les programmes de recherche sur le cancer, la maladie d’Alzheimer, les thérapies géniques, puisqu’on n’est pas sûr de trouver ? Le domaine médical est le plus évident à défendre car on se sent facilement concerné. Pour autant, faut-il arrêter ITER sous prétexte que la faisabilité́ de la fusion contrôlée est hypothétique et que cela semble très éloigné́ des préoccupations du citoyen lambda ? Ceux qui avancent ces arguments sont souvent de sincères partisans des énergies renouvelables : savent-ils que c’est très certainement dans la recherche en physique fondamentale, en support de programmes comme ITER que se réaliseront des découvertes ou retombées permettant d’augmenter grandement les rendements des panneaux photovoltaïques ou même de stocker massivement l’électricité́ (ce qui réglerait le problème de l’intermittence) ? En fait, la plupart des ruptures technologiques ont été́ le résultat de recherches en apparence « inutiles » et désintéressées ou complètement éloignées de leur domaine d’applications initial.
En réalité́, le capitalisme doit faire face à plusieurs révolutions liées au progrès scientifique et technique, révolutions qui expliquent en partie la gravité et la durée inédites de la crise que nous vivons. Ce sont aussi des défis d’avenir qui obligent la gauche à se ressaisir sur ces questions. Commençons par la révolution dans les biotechnologies : elle n’en est qu’à ses débuts et nous pouvons à peine esquisser ses formidables développements à venir avec la possibilité́ de créer en laboratoire des cellules vivantes. Elle ouvre de nouvelles portes pour des applications médicales et d’autres que nous ne connaissons pas encore. Mais elle nous amène aussi à nous poser des questions éthiques, philosophiques, à changer notre vision de l’avenir, à bousculer nos valeurs. Elle demande un haut niveau de démocratie.
Voyons ensuite la révolution informationnelle. Elle pourrait permettre un partage sans précédent des connaissances et une mutualisation des dépenses de recherche à l’échelle du monde : pour cela il faudrait remettre en cause les formes de propriété́ intellectuelle privée complètement dépassées et inefficaces. La Chine, l’Inde et demain le milliard et demi d’Africains vont démultiplier le nombre de chercheurs, d’ingénieurs. Déjà̀, de 2002 à 2007, le monde s’est vu enrichir de 1,5 millions de chercheurs en plus ! (on est passé de 5,8 à 7,3 millions de chercheurs dans le monde). Plus de recherche, c’est aussi synonyme d’une humanité́ qui pourrait progresser plus vite, d’une accélération des découvertes (déjà effective). Cela va s’avérer incontournable compte tenu de cette double difficulté́ : répondre aux besoins des populations dans un contexte de croissance démographique, et aux problèmes d’environnement.
Mais l’aspect le plus important de la révolution informationnelle est le différentiel toujours plus croissant entre les dépenses de formation et les investissements en capital matériel. Cette phrase a été́ écrite avec un traitement de texte à l’aide d’un ordinateur qui, il y a 10 ans encore, était considéré́ par les USA comme un « supercalculateur », une arme de guerre vu sa puissance de calcul. À l’époque, l’éventuelle interdiction à l’exportation de cet ordinateur avait été́ envisagée par les autorités américaines. Aujourd’hui, ce type d’ordinateur est un produit de consommation courante. Pour autant, afin de profiter pleinement de ses énormes potentialités, il faudrait investir des sommes très importantes pour former l’être humain qui l’utilise, sinon il en sera réduit à un usage basique. Dépenses en formation très importantes aussi sur les hommes et femmes qui conçoivent de telles machines. C’est un vrai problème pour le capitalisme, ce qui appellera une nouvelle rupture structurelle d’ampleur, à arracher par les luttes du même niveau que celles de la sécurité́ sociale en créant, entre autres, une véritable sécurité́ d’emploi et de formation. Le parallèle avec la sécurité́ sociale est tout à fait approprié : celle-ci a répondu au besoin croissant des dépenses de santé pour avoir des salariés productifs, en bonne santé, pouvant consommer sereinement, se projeter dans l’avenir. C’est le paradoxe : la sécurité́ sociale a été́ à la fois une défaite pour le capitalisme, mais aussi un moyen de se relancer sur de nouvelles bases. On peut dire la même chose de tous les autres services publics : défaite pour le capitalisme, mais aussi occasion d’un redéploiement plus efficace des forces productives avec des salariés mieux éduqués, mieux transportés, en meilleure santé, plus créatifs...
Parlons aussi de la révolution énergétique avec une tendance à la « dématérialisation » (réduction de la dépendance aux combustibles fossiles) accrue de l’énergie, grâce aux énergies renouvelables (vent, solaire, géothermie..), mais aussi la fission nucléaire (1kg d’uranium = 10 tonnes de pétrole ; bientôt, avec les réacteurs de génération 4, 1kg d’uranium = 700 tonnes de pétrole). Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité́, il est possible de produire beaucoup d’énergie avec très peu de matière. En revanche, il faut beaucoup de technologie à forte valeur ajoutée. Cela pose un vrai problème pour le capitalisme habitué dans ce domaine à des situations de rente en matières premières (gaz, charbon, pétrole), et pas vraiment désireux de dépenser beaucoup en formation et en salaire à haute qualification.
L’affaire Lyssenko [1], du nom du célèbre scientifique soviétique, a laissé beaucoup de traces. Et comme pour beaucoup de sujets, la tentation est grande de passer d’un extrême à l’autre plutôt que d’avoir un examen réfléchi et d’en tirer des leçons. Les anathèmes autour du « scientisme » et du « productivisme aveugle » sont lancés dès qu’une perspective d’avenir sur la base de possibilités techniques, même à moyen terme, est défendue.
Le productivisme
Le productivisme renvoie à l’idée d’une obsession de produire pour accumuler des profits en s’appuyant sur la mise en place d’une « société de consommation » caractérisée par des besoins artificiels constamment renouvelés grâce à la publicité́, des représentations sociales et des valeurs véhiculées par le système : tout cela a été́ très bien décrit par de nombreux sociologues. Or, on a tendance à confondre ce productivisme avec la nécessité́ de produire plus pour répondre à des besoins sociaux complètement légitimes. Ainsi au lendemain de la guerre, dans le contexte d’un rapport de forces favorable à la classe ouvrière, un peu partout en Europe se posait l’exigence d’une élévation du niveau de vie après des années de privation : l’heure était à l’accroissement de la production. Aujourd’hui, on peut toujours se gargariser et donner des leçons. Rappelons toutefois que nos aînés ont dû faire face à une situation difficile : Paris était entouré de bidonvilles, la plupart des logements sans installations sanitaires, les famines sévissaient en Asie. Le capitalisme a su certes en profiter et se relancer, mais cela ne change pas le problème de fond : Il fallait produire plus et vite, question de survie ! La question environnementale à cette époque n’avait pas encore émergé́. Or, d’ici 2050, nous accueillerons 3 milliards de personnes supplémentaires sur terre, c’est une réalité́ qui donne des cauchemars à bien des spécialistes du développement à l’ONU. Nous allons donc devoir produire plus, mais autrement, en intégrant notamment le critère du respect de l’environnement ! C’est un problème beaucoup plus ardu que celui posé en 1945 ! Dans ce contexte, l’usage facile et répété́ des slogans contre « le productivisme » à gauche, et plus spécialement au sein du front de gauche, n’est pas vraiment un bon signe : cela révèle plutôt une méconnaissance de la réalité́ démographique, et la sous-estimation des défis que nous allons devoir affronter.
Est-il nécessaire également de défendre la productivité́ que l’on confond allègrement avec le productivisme ? Oui, s‘il s’agit de la productivité́ qui libère du temps libre, celle qui, grâce aux techniques les plus efficaces, permet de produire autant avec moins de temps de travail, moins de pénibilité́, moins de matières premières, à l’inverse de celle qui sert à augmenter les profits pour produire n’importe quoi. Ce point est très important car il implique que nous ne sommes pas favorables à la création de n’importe quels types d’emplois : l’idée d’efficacité́ doit être défendue. Que penser alors des 300 000 emplois créés en Allemagne dans le secteur des énergies renouvelables ? 300 000 salariés à temps plein pour produire 10% de l’électricité́ allemande : est-ce vraiment efficace ? Des dizaines de milliers d’ouvriers sur les toits pour la pose de panneaux photovoltaïques ou travaillant à 100m au-dessus du sol pour installer les milliers d’éoliennes géantes, Est-ce vraiment un progrès ? Aurions-nous l’idée de défendre un retour aux techniques manuelles agricoles sous prétexte que cela va créer des millions d’emplois ? Il y a beaucoup d’arguments pour défendre le déploiement de filières dans les énergies renouvelables, mais celui de la création d’emplois tous azimuts au détriment de l’efficacité́ n’est pas pertinent et va à l’encontre de notre objectif de dégager du temps libre pour les travailleurs. Il faut avoir le courage de dire cela y compris dans une période de forte montée du chômage qui peut prêter à toutes sortes de facilités éludant les vrais débats de fond.
Plus globalement, un contresens est à signaler : celui qui consiste à assimiler certaines technologies avec l’usage qu’en fait le capitalisme. Telle technologie serait en soi non maitrisable, antidémocratique, liée par nature à l’argent. L’enjeu est pourtant de déceler les énormes potentialités que révèlent ces technologies si elles étaient démocratisées, partagées, sous maitrise publique et au service des besoins sociaux et environnementaux. Encore faudrait-il avoir les outils pour comprendre ces enjeux afin d’entrer efficacement dans les batailles politiques qui se jouent aujourd’hui entre capitalistes seuls. On en est loin. Au mieux, on se contente d’agiter les peurs : ainsi des préoccupations légitimes d’environnement, de démocratie, sont instrumentalisées pour cacher les vrais enjeux beaucoup moins avouables et qui se comptent à coup de centaines de milliards. C’est le cas du nucléaire civil que le lobby des rentiers du gaz, du pétrole et du charbon, à l’image du cas Allemand, rêve de faire disparaître pour conserver sa place sur le marché avec des perspectives de profit bien plus alléchantes et ce, au détriment de la crise climatique et de la pollution de l’air. C’est aussi le cas des OGM diabolisés et systématiquement assimilés à la multinationale Monsanto et au brevetage du vivant : pourtant une recherche sous maîtrise publique et partagée pourrait nous ouvrir des perspectives et nous fournir des variétés de céréales consommant moins d’eau, moins d’engrais, moins de pesticide par exemple ou d’autres résultats qui nous aideraient à résoudre l’épineux problème agricole mondial et limiter les atteintes à l’environnement (meilleur rendement, moins de déforestation et moins d’ « intrants », etc.) . Pourquoi se priver de telles recherches ? Pourquoi cette équation fataliste : OGM=privé ? Il n’y a pas d’automaticité dans ce domaine comme dans d’autre : tout est une question de bataille politique.
Malheureusement, aujourd’hui rien n’aide à la compréhension de ces sujets. Les débats publics tournent vite à une diabolisation de tout ce qui s’apparente à un début de vulgarisation ou de discours scientifique. On assiste même à une inversion des valeurs : moins on en sait, plus on est sensé́ être honnête, impartial et dégagé́ des « lobbies ». Tout se vaut : on peut s’improviser porte-parole en écologie, ou journaliste spécialiste de l’environnement et balayer d’un revers de main toute expertise ou argument venant d’écologue (scientifique de l’écologie) mettant à mal des idées reçues. On peut parler de déchets sans avoir la moindre notion de chimie, commenter le rendement des centrales électriques sans avoir entendu parler du principe de Carnot, parler de la pollution sans savoir ce que sont les métaux lourds et les pluies acides. Il est assez regrettable que la plupart des dirigeants politiques écologistes les plus emblématiques n’aient pas de réelle formation scientifique ou même une culture et une curiosité́ dans ce domaine. Cela dissiperait beaucoup de malentendus et faciliterait grandement les débats. C’est d’autant plus paradoxal qu’ils dirigent des partis politiques dont l’emblème est justement le nom d’une science : l’écologie.
La conférence environnementale engagée par le gouvernement est préoccupante sur ce point : comme pour le grenelle de l’environnement, où par exemple une association microscopique comme « GoodPlanet » ( Yann Artus Bertrand) pesait autant que la CGT, on assiste à une surreprésentation des ONG triées sur le volet, ce qui dans une certaine mesure réduit la démocratie. C’’est à celui qui récolte le plus d’argent, se fait le plus invité dans les médias, a le plus d’influence, à celui qui parle le plus fort : c’est au final la « démocratie des lobbys ». Et à l’inverse une représentation quasi-symbolique, « tolérée », de grandes institution scientifiques et d’expertise publique, dont on nous répète sans cesse qu’il faut s’en méfier car « partie prenante ». Pourtant l’expertise publique, même s’il faut être prudent car rien n’est jamais acquis définitivement (notamment lorsqu’ils sont en voie de démantèlement ou en manque de crédits) c’est tout de même beaucoup mieux que de s’en remettre à des expertises privées, liées de plus par des conflits d’intérêt idéologiques (les « anti-... ») donc tout sauf indépendants malgré leurs sigles et leur grand « I », et malgré l usage répétitif de l’adjectif « citoyen » accolé à chacune de leurs actions : CRIRAD [2], CRIGEN [3], CRIIREM [4]... S’en remettre au privé, c’est la politique de Gribouille qui plonge dans la rivière pour se protéger de la pluie (ici une partialité supposé du service publique). Il y a d’autre moyens pourtant de renforcer cette indépendance de l expertise publique, et donc de garantir la démocratie, qui est un sujet à part entière : Sylvestre HUET en donne quelque pistes notamment. Plus largement il y a une véritable schizophrénie vis à vis des scientifiques à gauche. En effet la confiance qu’on leur accorde est à géométrie variable selon la nature de leur conclusion : confiance et adhésion lorsqu’ils nous affirment « qu’il y a un réchauffement climatique d’origine humaine et préoccupant pour l’environnement »(GIEC). Suspicions et procès d’intention dès que leur conclusions ne sont pas celle qu’on attend d’eux : « le nucléaire est l’énergie la moins polluante et la moins impactante pour la santé publique » « les OGM n’empoisonnent pas plus que les autre aliments non-OGM », « rien ne prouve que les lignes électriques HT provoquent des troubles pour la santé »...
Il faut redire que la démocratie s’exprime entre autres à travers l’existence de grands organismes publics de Recherche et d’institutions indépendantes de contrôle et de diffusion de l’information. Ne l’oublions pas : tout cela a été́ acquis de haute lutte et empêche les logiques capitalistes d’être seules maîtres à bord [5]... Ces organismes et institutions doivent faire face au défi d’articuler les nécessaires travaux d’expertise avec des orientations de progrès à décider démocratiquement et en toute connaissance de cause. C’est aussi une question de confiance accordée aux hommes et femmes qui y travaillent...
A gauche, nous sommes nombreux à avoir faire le choix d’une démocratie réelle avec la participation de tous les citoyens et en premier lieu des salariés. Qu’en est-il vraiment de notre pratique avec ces salariés-es ? Que nous disent les salariés-es de l’INRA, de l’INERIS, du CEA, de l’IRSN, de l’ASN, du CNRS, de l’ONF... sur tous ces enjeux ? Il faudrait réapprendre à les écouter au lieu de les suspecter de défendre une « corporation » et de les stigmatiser, ce qui est insultant et blessant à la fois. Ce sont avant tout des citoyens qui peuvent énormément nous éclairer sur ces sujets. La « révolution citoyenne » et la VIe République que nous prônons imposent un engagement dans cette voie.
Le capitalisme est un mouvement qui marche sur ses deux pieds : l’accumulation de capitaux avec tout son cortège d’exploitation et de dégâts sociaux d’une part et d’autre part les mutations technologiques qui lui permettent de se relancer et se redéployer sans cesse lorsqu’il connaît une crise. Cette dynamique est bien sûr traversée par la lutte des travailleurs, qui arrachent des réformes structurelles de progrès social dans les phases de crise, mais ces réformes permettent en même temps au capitalisme de se relancer sur de nouvelles bases. Ce système a réussi en l’espace de deux siècles à créer une somme de richesses sans précédent. Aujourd’hui, l’enjeu est de parvenir à garder cette efficacité́, cette capacité́ à se projeter dans l’avenir, à produire de la richesse, mais de l’orienter vers les besoins sociaux et le plein épanouissement des individus La gauche doit se remettre, elle aussi, à marcher sur ses deux pieds : une politique ambitieuse visant une société́ communiste d’une part et le progrès technique d’autre part, les deux se nourrissant dans une relation dialectique. Elle doit avoir le courage d’affronter le mouvement du progrès en le canalisant à son profit, en le mettant au service des peuples au lieu de le subir. Elle doit tourner le dos à la peur et aux solutions de facilité qui proposent de faire l’économie de cet effort et qui supposent de gérer la pénurie avec une vision pauvre et figée des possibilités techniques du moment (pénurie, mais pas pour tout le monde ! pas pour la classe des Béthencourt !). Elle ne doit pas se tromper d’adversaire, ni condamner telle ou telle technologie sur des considérations dogmatiques voire sous des pressions d’ordre politicien. Elle doit renouer avec une vraie culture scientifique pour avoir un projet cohérent conjuguant la volonté́ politique de progrès social et environnemental et l’utilisation intelligente du progrès des connaissances.
[1] Trofim Denissovitch Lyssenko fut un ingénieur agronome ukrainien qui élabora une théorie en biologie. Partant des idées exprimées par Darwin dans La variation des animaux et des plantes (1868) où il proposait une théorie de la transmission des caractères acquis, il forma la notion de « biologie de classe » rejetant les travaux de Mendel, Morgan et autres fondateurs de la génétique moderne.
[2] CRIRAD :Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité, animé par des militants anti-nucléaires
[3] CRIGEN :Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie GENétique, animés par des militants antiOGM
[4] CRIIREM :Centre de Recherche et d’Information Indépendant sur les Rayonnements ÉlectroMagnétiques, animé par des militants qui luttent contre l implantation de lignes HT
[5] Quand l’ASN décide par exemple d’arrêter le chantier de l’EPR de Flamanville parce qu’elle estime que le béton n’est pas de qualité suffisante : cela ne fait pas le jeu d’EDF, d’Areva et des Bouygues...