C’est toujours l’impatience de gagner qui fait perdre. Louis XIV
Cher Lorànt Deutsch,
Aux pages 139 et 140 de votre ouvrage Le Métronome, à propos d’un épisode de la Révolution Française, dans un encadré de 39 lignes intitulé « Où ont disparu les dépouilles royales ? », vous en consacrez 17 à un fait totalement inventé.
Lisons plutôt :
« Bientôt, un face-à-face anachronique mit en présence l’incorruptible Robespierre et le bon roi Henri IV, assassiné cent quatre-vingt-trois ans auparavant. Le temps n’avait guère altéré les traits du monarque, mais la barbe carrée était devenue broussailleuse, grise, terne. Le corps entouré de bandelettes était appuyé, debout, raide, contre un pilier de l’église. Robespierre, sanglé dans sa veste au long col replié, les cheveux poudrés et ourlés en de parfaites boucles blanches, scruta la face royale dont les yeux restaient obstinément clos. Qu’était venu chercher l’instigateur de la terreur révolutionnaire dans cette rencontre défiant le temps ?
Soudain, mû par une impulsion irrésistible, Robespierre avança sa main vers la barbe du cadavre desséché et, d’un geste sec, en arracha deux poils. Avec application, il rangea ces reliques royales dans un petit portefeuille prestement enfoui dans le gousset de son habit ».
Allons bon ! Où êtes-vous allé pêcher pareille baliverne ? Peut-être aviez-vous abusé de bourbon [1] ? Mais à la relecture, tout de même !... Dans notre époque mercantile, courageux ceux qui ont des convictions. Ils sont vivants ! Et vous l’êtes ! Cependant, sachez mon bon, que chacun a le droit de se prononcer sur l’histoire pas de la falsifier.
Et ce même avec la reconnaissance et l’appui de l’ex maire de Paris et de son Conseil et du rectorat et de chaines publiques aussi ! Que du beau monde… Pauvre de nous… Pauvre France...
A propos de Bourbon, rappelons-nous Louis Le Grand : « Quand on s’est mépris, il faut réparer sa faute, et que nulle considération en empêche »…
S’agissant de Maximilien Robespierre cette fois, ceci encore, d’un Bourbon toujours, de Louis XVIII, frère de feu Louis XVI en 1797 au comte de Montgaillard : « Votre opinion sur Robespierre est au moins fort hasardée si elle n’est pas fausse ; les hommes d’État ne doivent pas être jugés d’après les règles ordinaires de morale. En 1793 et 1794, il s’agissait de sauver le corps social et s’il était prouvé que le chef des Jacobins n’eût fait dresser les échafauds de la Terreur que pour abattre les factions et rétablir ensuite ce gouvernement royal que la France entière désirait, il serait injuste de regarder Robespierre comme un homme cruel et de l’appeler tyran ; il faudrait au contraire voir en lui, comme dans Sylla, une forte tête, un grand homme d’État. Richelieu aurait fait plus que Robespierre s’il se fut trouvé dans une position semblable ».
Allez cher Lorànt, dites moi un peu une adresse postale où je puis vous faire parvenir L’Adieu aux rois, ouvrage honnête destiné à restituer dans sa vérité entière l’extraction des corps des rois et reines de France, princes, princesses, religieux et grands de l’État au mois d’octobre 1793. Mes sources ? Les archives et notamment le journal d’un témoin, organiste à la basilique Saint-Denis, Ferdinand Gautier, royaliste et catholique fervent…
Dans l’attente, avec mes meilleurs sentiments républicains.
A lire sur le site :
-sur d’autres inventions colportées par Lorant Deutsch, cette fois dans Hexagone : La France rêvée de Lorànt Deutsch
-sur Robespierre : Critique d’une légende noire, à propos du livvre Robespierre, la probité révoltante de Cécile Obligi.
[1] Whisky américain du comté de Bourbon dans le Kentucky. Comté dont le nom a été donné en hommage à Louis XVI, roi de France, cinquième de la maison de Bourbon et allié décisif des colons américains contre les Anglais, dans leur guerre d’Indépendance.