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Sculpture : Michel Cand
Rémi Boyer évoque le livre {"Lapidaire. De la sculpture, vite !"

Michel Cand, sculpteur et poète, nous propose un voyage particulièrement singulier dans la pensée et l’art. Son essai, très original, par son propos et sa structure, commence par un cri. Il s’insurge, non sans raison, sur l’absence de Muse attribuée à la sculpture.

« J’aurais aimé pouvoir imaginer qu’un être fabuleux, gracieux et féminin, le corps sculptural à peine voilé, se pencherait, invisible, tout contre mon oreille, me dictant amoureusement son intuition, m’insufflant délicieusement l’inspiration, guidant doucement ma main, m’indiquant délicatement ma voie.

J’aurais alors pu me sentir, à l’égal des prêtres des temps révolus, l’intermédiaire nécessaire entre les dieux olympiens et les hommes ovariens, afin d’apporter à ceux-ci un peu de la lumière d’en haut. »

Tout le livre est une célébration de cette muse absente qui, en creux, prend forme sous nos yeux à partir de la matière des mots et des idées. Michel Cand lui rend non seulement hommage, à cette grande invisible, mais lui donne forme et vie en l’habillant de mille regards.

Il cherche d’abord à répondre à une interrogation. « Comment se fait-il que chaque peuple de par le monde, à sa façon, ait eu la nécessité de faire des sculptures ? D’une manière ou d’une autre. » Et de préciser sa question initiale : « Comment se fait-il que chaque peuple de par le monde, à sa façon, ait eu la nécessité d’inventer sa sorte de sculpture ? Mais qu’est-ce la sculpture ? Inscrire le présent dans l’espace ? Inscrire la présence dans l’impersonnel ? Inscrire le mystère dans le réel ? Inscrire l’éphémère dans le temps ? Inscrire l’idée dans la matière ? Pourquoi ? Surtout pourquoi tant d’efforts et de sueur ? »

Michel Cand nous conduit à renouer avec un art du questionnement, du questionnement des évidences, habitudes et autres particularités devenues insignifiantes à notre attention émoussée. Déjà, il identifie une quatrième dimension à la sculpture, une dimension qui fait art, qui fait l’invention. Il y a de la transcendance parfois dans ses propos mais toujours une distance, un besoin de se garder, de se préserver. L’humour y contribue bien sûr, l’érudition également. Au fil des mots, le lecteur entre dans une galerie de chroniques de la vie non-ordinaire. Ici un golem, là une Vierge-Marie, ailleurs une putain de sable saharien sculptée par Dieu et le vent, et cette saleté de question de l’interprétation qui falsifie la rencontre. Et un art du détournement, de la dérision, du contre-pied qui pointe du doigt, souligne, rappelle, relance, provoque…

« Quoique ! Cette sculpture discrète sur le portique de l’église de L’Isle-Adam… Une femme nue assise devant un homme nu, en train de lui faire une fellation…

Ouf ! La chrétienté n’est pas si faux-cul que cela.

Officiellement, c’est ne pas oublier que les prostituées… je veux dire les ribaudes… ont une âme elles aussi, et qui a le droit d’aller, non seulement au septième ciel, mais aussi au ciel !

Bon, finalement, si les ribaudes, voies du salut divin au Rajasthan, même si elles ne sont pas en odeur de sainteté en Occident, ont officiellement une âme, et si elles sont reconnues, et par conséquent autorisées par l’Eglise elle-même, je vais peut-être aller… euh… acheter du pain. »

Le lecteur ne sort pas indemne de cette traversée. Il en sort différent. Des statues croisées quotidiennement et jusqu’alors ignorées se mettent à le saluer. Des assemblages métalliques prennent chair. Le monde devient soudainement davantage peuplé…

Lapidaire. De la sculpture, vite ! de Michel Cand, Editions Rafael de Surtis, 7 rue Saint-Michel, 81170 Cordes sur Ciel, France.


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