Aujourd'hui, nous sommes le :
Page d'accueil » Arts et littérature » Poésie » Thierry RENARD, le peuple & le rêve
Version imprimable de cet article Version imprimable
Thierry RENARD, le peuple & le rêve
Lucien Wasselin a lu Cargo Venus

"Il faut rêver" disait Lénine qui ajoutait aussitôt "à condition d’être sérieux avec l’objet de ses rêves" (je cite de mémoire). Voilà les mots qui me viennent à l’esprit quand je lis Cargo Vénus de Thierry Renard.


C’est que le poète est sérieux avec l’objet de ses rêves : une prose de ce recueil n’est-elle pas intitulée Une rêverie qui raconte un rêve fait par Thierry Renard, "celui d’un grand bateau". On s’étonnera peut-être de cette citation de Lénine alors que Thierry Renard met en exergue à l’un de ses poèmes quelques mots de Guy Debord, tirés de Panégyrique. Outre que ce n’est pas totalement incompatible, le rapprochement semble à l’image du recueil qui mêle vers et prose, "souvenirs et paysages, passé et présent, images et mots, investigation morale et érotisme amoureux" (pour reprendre ce fragment de la quatrième de couverture).

Thierry Renard rappelle au lecteur que la vie est un tout. D’où ce mélange d’amours, de souvenirs d’enfance et de réflexions sur l’écriture en général car Renard semble vouloir dépasser l’écriture poétique : "Depuis, mon lyrisme s’est, progressivement, déplacé. Et j’ai, de plus en plus, été attiré par une certaine idée, voire conception, de la narration. En effet, depuis, la poésie - sous sa forme la plus stricte - ne m’a plus suffi" affirme-t-il dans Une rêverie. Plus loin, il écrit : "On piétine mes opinions les plus fraternelles, et on prétend pareillement que mon idéal communiste est depuis longtemps dépassé", dans une prose où il fait le point sur son engagement mais surtout sur son écoute du peuple. Peuple ? Un mot démonétisé aujourd’hui : un troupeau tout juste bon à berner lors des élections ! Mais Thierry Renard écrit pour ce peuple : "J’entends, je sais, j’apprends. Et, patiemment, j’attends".

Ce livre est politiquement incorrect : que ce soit au niveau des souvenirs : "J’allais devenir voyou, petit à petit, /[…] voyou parmi tant d’autres / pour la plupart beaucoup plus voyous et beaucoup plus dangereux / que moi." (mais Thierry Renard n’en tire aucune fierté ni aucun avantage), que ce soit au niveau des rapports amoureux : "Déjà je te sens bien serre-moi les tétons / Plus vite encore plus vite tu vas tu viens / Entre plus au fond / As-tu beaucoup de lait je ne veux rien perdre / Tu décharges déjà…" fait-il dire à une dernière conquête amoureuse (de la narration brute !). Et puis, dans cette époque de gagneurs toujours performants, il avoue : "Ma LIBIDO est salement en panne je manque d’appétit". Etc. Et ce vers qui dit tout : "je n’ai jamais trahi personne" en ce temps où la trahison se porte en sautoir !

Ce recueil paraît pour le trentième anniversaire de l’Espace Pandora qu’anime Thierry Renard qui se définit comme un "agitateur poétique" et qui reprend à son compte la définition de Pasolini, "poète civil". On peut donc souhaiter à Thierry Renard de continuer longtemps son action… D’ailleurs, au programme de La Passe du Vent éditeur est prévu un hommage collectif à Pasolini pour le quarantième anniversaire de son assassinat. Ce qui rejoint ce fragment de "J’entends…" dans lequel le poète de Cargo Vénus déclare : "J’entends dans mes souvenirs la voix de Pippo Delbono énoncer quelques phrases sorties de quelques pages choisies de Pier Paolo Pasolini…" Pasolini comme ombre tutélaire de Thierry Renard : pouvait-on rêver mieux ? Reste à retenir la leçon de la fable finale du recueil : "La République, pour moi, demeure une vaste équation". Ne laissons pas les escrocs et les menteurs s’emparer de la république, faisons tout pour enfin résoudre, avec le peuple (dont nous sommes), cette équation.

Thierry Renard, Cargo Vénus. Jacques André éditeur, 84 pages, 20 €.


Rechercher

Fil RSS

Pour suivre la vie de ce site, syndiquez ce flux RSS 2.0 (lisible dans n'importe quel lecteur de news au format XML/RSS).

S'inscrire à ce fil S'inscrire à ce fil