Alain Breton, né en 1956, éditeur, revuiste, illustrateur, peintre, poète, fait partie de ces grands poètes trop discrets dans un monde où l’indiscrétion est devenue un commerce pornographique.
Ce livre, portrait, bibliographie et anthologie, est ainsi bienvenu pour nous introduire à l’œuvre d’un poète contemporain, « boxeur des mots », « sourcier de poésie », pour reprendre les belles expressions de Jean-Luc Maxence qui en dresse un portrait fraternel pertinemment élogieux.
« Alain Breton, nous dit-il, ne fréquente pas les salons. Pas davantage les agapes des Prix réservés trop souvent aux seuls initiés de la fourchette et de la mondanité. Il ne cultive pas davantage le mythe du poète maudit, inconnu de son vivant, mais demeure opiniâtrement un « sourcier » de poésie, un découvreur, un animateur de revues, un pourfendeur têtu de cet hermétisme de laboratoire qui veut nous condamner tous à la blancheur du vide et du bâillement. »
C’est du poète dont il nous entretient :
« Rien n’est plat, dans la poésie d’Alain Breton, et surtout pas la mort quand le poète avoue lui faire ses comptes. Pas une seule image n’est stérile ou ostentatoire. De surcroît, l’équilibriste de la rue Racine a su garder l’héritage d’un érotisme dévorant. Celui-ci rappelle parfois celui de son père, amoureux insatiable. Mais il a transformé, alchimiste de l’instantané, son ancestral désir de la femme en un hymne sacré et barbare aux multiples nuances. D’ailleurs, il m’est arrivé de qualifier Alain de « mystique sans dieu » tant son amour de l’anima éclate à chaque ligne. »
Toi tu m’assèches immolée
de ton bas-ventre pour numismates
Cheval épelant ses galops
Dans la mélopée des éclaboussures
Tu m’adoubes aux toupets de ta braise
Tu me frictionnes par les jus et la faim
Toi tu me couds à ta peau
Tu m’accables de tabac si je récite tes odeurs
Mille canaris des vaisseaux
sont tes présages
Tu es la femme en qui je fermente
Le bijou où tambourine la mer
Soie dans la gorge de l’orage
Ton averse de bruits me délivre…
« Les poèmes d’Alain, confie Jean-Luc Maxence, ses recueils, parus à partir de 1979, témoignent de sa façon originale et inimitable de décrire notre monde contemporain (et le domaine sportif en fait partie comme le jazz !). Sa poésie ne peut que laisser des traces en plein cœur, des empreintes d’émotion, des bivouacs majeurs. »
Oui, tristesse,
J’ai déserté l’escorte de sa dépouille,
Les amis brefs, considérables,
Au moindre pas, sa chair trébuchait,
Il devenait boursouflé ; sur sa tempe persiste un air de jazz.
Sûrement il rôde, guidé par de tranquilles bruits.
Il parle à la menthe, à l’herbe splendide.
S’est-il muni contre le froid, au moins ?
Il rompt pour aveugler le colosse aux pattes fines, salue les regards à chaque technique lumineuse.
Buste droit, il travaille. Malgré le vent, il ramène sans cesse le taureau vers le centre de l’arène. Parfois, une trompette change d’émotion.
La masse noire se nuance de colère, d’apathie. Extase ou déception ; les aficionados ne communient qu’avec les assauts les plus nets.
Lorsque mourra la bête et que la foule se lèvera pour applaudir le sang, alors l’amour passera bien au-dessus des mains, de l’épée qui n’a pas d’excuse.
Alain Breton est le neuvième poète à rejoindre la collection des « Poètes trop effacés ». Au côté désormais de Bernard Jakobiak, Michel Cazenave, Guy Allix, Gérard Pfister, Françoise Thieck, Jean-Marie Berthier, Pierre Selos, Michel Héoult, sa profondeur exquise, sa dérision salvatrice, sa précision étrange ouvre une porte cachée donnant sur les escaliers dérobés de nos esprits.
Alain Breton, collection « Poètes trop effacés », Editions Le Nouvel Athanor.
Le Nouvel Athanor, 50 rue du Disque, 75013 Paris, France.
www.lenouvelathanor.com