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Une occasion manquée ou trois conditions, plus une, d’une gauche unitaire
Par Xavier-Francaire Renou

Le sort en est jeté, hélas ! Depuis le 17 mars au soir. Il n’y a pas de candidature unique des forces de Gauche à l’élection présidentielle, et tout le monde semble en prendre son parti.

Quelques flammèches unitaires désespérées subsistent ici ou là, et chacun(e) y fait de son mieux (100 personnes le 17 mars au Palais Royal, 300 ou 400 le 24 à la République, etc. ... !). On peut même parfois, bien que de moins en moins, entendre s’élever des voix autorisées en faveur de l’unité telle celle de Pierre Laurent le 29 mars. Mais pourquoi si tard ? Pourquoi trop tard, maintenant que les jeux sont faits et que l’« unité » vaudrait reddition d’armes ou genou plié, en vassal, d’un des deux candidats « unitaires » devant l’autre, suzerain autoproclamé ?

Au gré des meetings « enthousiastes » ou « historiques », des sondages « favorables » et des séances télévisuelles « convaincantes », individuelles ou comparatives comme le 4 avril, est désormais engagée la course fratricide pour … la quatrième place, voire, dérisoire rêve ultime, la troisième. Et chacun, le « faisant la course en tête » comme le « distancé », continue de plus belle à voir en lui-même le garant de l’unité. Pendant ce temps-là, et quel que puisse être le vainqueur démocratique de la dictature des sondages, le cœur unitaire n’y est plus, ni dans le Peuple de Gauche ni, encore moins, chez celles et ceux à qui il inspire confiance : car une Gauche unie attire, tandis que, déchirée par des aventures personnelles, elle déçoit ou repousse. Et le réalisme élémentaire laisse présager un double tsunami électoral (présidentiel, et, plus destructeur encore, législatif).

Les forces politiques de Gauche semblent oublier le formidable ciment d’unité dynamique qu’est, d’abord, leur refus commun de Le Pen et de Fillon, mais aussi de la ligne Schröder-Hollande poursuivie sous le visage faussement nouveau de Macron. Elles semblent, ensuite, rester sourdes aux immenses besoins et aux immenses espoirs prêts à renaître en matière sociale, environnementale, sanitaire, scolaire et culturelle. Elles semblent, enfin, ne pas voir le magnifique potentiel de mobilisation unitaire que manifeste, pour ne citer que lui, le triptyque du rejet de la déchéance de nationalité, du rejet, dans la loi El Khomri, de l’ inversion de la hiérarchie des normes dans le droit du travail, et du très large succès de la pétition Grimaldi pour la défense de la Sécurité Sociale.

Refus commun du pire, espoirs communs, mobilisations communes : tout ce capital unitaire balayé ! Honteux gâchis.

La faute à qui ? Certainement pour une grande part, je l’ai dit moi-même avec vivacité dans la lettre ouverte
(« Je vous accuse ») que je leur ai adressée, à Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, à leurs piètres egos piégés par la fascination du présidentialisme (« Moi, Président ... »), et à leur incapacité commune, que cachent mal ces egos, à pressentir et anticiper les grandes mutations politiques en cours, en France comme dans le monde.

Au-delà, ou plutôt au cœur des péripéties électorales, dont le ralliement de Valls à Macron n’est qu’une écume médiatique, au demeurant prévisible depuis longtemps, se constitue, hors l’Extrême-Droite et la Droite Extrême, si prêtes, en cas de besoin, à pactiser entre elles, un pôle de social-libéralisme ou de libéralisme social (nuances !) dont l’axe est le consentement de principe (ou de fait, mais cela revient au même) à l’ordre des choses et à leur « progrès » naturel, les « nuances » portant sur l’ampleur des mesures qu’on envisage pour tempérer les effets secondaires de cette saine politique. En face, le Peuple de Gauche, lui, refuse ce consentement passif ou intéressé. Il sait avec clarté ce qu’il ne veut pas, et s’il sait, même, avec clarté, les grands buts de justice et de liberté qu’il souhaite atteindre, il ne sait pas bien ce qu’il veut. Mais c’est bien normal, tant les difficultés sont grandes et les désaccords profonds sur le choix des moyens. Et la faiblesse commune de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon est justement de croire, et d’exiger qu’on croie, qu’ils ont, chacun de son côté, LA solution ou les deux ou trois éléments de LA solution, l’idée de génie ou les trucs géniaux qui donnent l’issue politique : croissance verte, sortie du nucléaire et VIème République (ici le suzerain et le vassal sont d’accord), revenu universel et taxation des robots ou coup de poker (en forme de roulette russe) avec « l’Europe » (là, chacun a son truc). Indignité et impasse que de continuer à faire croire à un homme providentiel ou, ce qui revient au même, à des solutions miracles.

Mais les forces politiques, comme les peuples, n’ont que les dirigeants qu’elles méritent, ou, dit autrement, les dirigeants ne font qu’exprimer les forces qui se reconnaissent en eux. De sorte que la faute est plus diffuse : la faute à qui ? mais au pluriel. Et dans ce pluriel apparaît le fond ultime de la faute à quoi ?

Comment avons-nous pu en arriver là ? Qu’avons-nous fait pour nous retrouver ainsi, démunis et ballottés d’un leader à un autre ? Qu’aurions-nous pu ou dû faire ? Et que faire, malgré cette impréparation, pour tenter de tirer leçon de l’échec dès maintenant, avant les tempêtes ou les jours sombres qui risquent d’advenir ? Car il faut bien, même désarmés, engager le combat ; s’armer en combattant. Et découvrir que nous sommes en réalité mieux armés que nous pouvions le croire.

La faute à quoi ?, donc.
Quitte à dérouter, on peut dire que c’est la faute à une mauvaise compréhension du lien entre volonté commune et programme commun. Et parvenir à une plus juste compréhension de ce lien est la dernière, la moins visible, mais la plus déterminante, des quatre conditions qui suivent.

Pour gouverner, refus, espoirs et mobilisations ne suffisent pas. Il faut donc un programme politique. Mais sous réserve de quatre conditions.

1. La politique, art du possible

Un programme politique n’a de chance d’être bon que s’il est un programme politique. Or une politique crédible exige-t-elle le tableau complet d’une société idéale, ou « désirable », tableau de préférence chiffré (le chiffrage étant censé être la preuve du sérieux … aux yeux des adversaires qui, par avance, en définissent les critères) ? Ou faut-il, renonçant à l’utopie rangée de cette société idéale, et sans se soucier des moyens, « donner un coup de pied dans la fourmilière », « demander l’impossible » ou « renverser la table » parce que tout vaut mieux que l’injustice actuelle ? Entre les deux ne reste qu’à apprendre ou réapprendre à pratiquer la politique comme art du possible. C’est-à-dire ?

Le possible n’est pas ce qui reste une fois qu’on a tronqué dans l’idéal jusqu’à ce qu’il soit compatible avec le réel : car à ce jeu-là il est vite réduit au stade de mot creux. Déterminer le possible, c’est, une fois clairement conçu le but (ici réduire au maximum l’injustice et la violence qui en est corrélative), commencer par mesurer ses forces dans le rapport du faible au fort et chercher tous les points d’appui qui permettent de modifier ce rapport, et donc la réalité elle-même. Là est la ligne de conduite d’une Gauche efficiente en tant que Gauche (et non comme gestionnaire au-dessus de la mêlée) : exploiter et élargir les possibles. En commençant donc par les repérer et les analyser. Or parmi les possibles qui s’offrent à nous, il y en a deux qui définissent respectivement la deuxième et la troisième condition d’une Gauche Unitaire.

2. Agir sur le capitalisme, en son principe central

Les luttes politiques victorieuses ne sont jamais seulement des luttes « contre », mais aussi des luttes « pour ». Exemple : contre la loi El Khomri, pointe extrême du « réalisme shröderien-hollandien », il faut définir une autre logique économique et sociale. Et chacun le sait bien, les moyens de toute politique résident dans la maîtrise économique. Car si l’on se contente de redistribuer un peu mieux les richesses, on bute très vite sur le savoir-pouvoir de ceux qui nous expliquent « pédagogiquement » qu’on ne peut distribuer que ce que l’on produit et que les « lois de la production étant ce qu’elles sont » une « politique sociale réaliste » interdit aux classes populaires de vivre au-dessus de leurs moyens. La clef d’une politique de Gauche réside donc dans l’accroissement de sa puissance dans l’organisation de la production et de l’échange, en amont de la distribution-redistribution. Mais c’est là mettre en cause le capitalisme lui-même ? Oui. Se radicaliser vers le gauchisme et l’impasse ? Non. Car, d’abord, comme disait Kant il n’y a pas de cercle trop rond ; et si le capitalisme est facteur déterminant d’injustice et de violence, c’est sur lui qu’il faut peser, sous peine de bavardage. Ensuite, et ceci a de quoi tempérer l’éventuelle peur devant la supposée « radicalité » de l’ambition, il y a, au sein même du capitalisme, plus de marges de manœuvre qu’il ne semble.

Le « secteur marchand », c’est-à-dire celui qui vise des distributions de dividendes, n’est pas le seul : existe à côté de lui, non seulement le secteur public, mais aussi le secteur marchand à but non lucratif , dont la seule existence conteste l’identification prétendue entre activité marchande et capitalisme. Et c’est déjà une tâche essentielle et possible de le développer et de renforcer sa puissance par rapport au secteur dit marchand. En commençant par inverser-rectifier le vocabulaire. Le « secteur marchand » serait mieux nommé « secteur marchand à but lucratif », car c’est lui qui ajoute cette particularité dans l’activité marchande, et non le « non-lucratif » qui enlève au marché sa forme normale.

Mais voici l’essentiel : au cœur même du secteur à but lucratif, contre l’antienne du « coût du travail », condition prétendue unique de la compétitivité, il faut, comme y appelle la C.G.T., agir aussi sur le « coût du capital » et donc, au moins revenir à la règle (dont on s’est bien éloigné) des trois tiers dans l’utilisation de la valeur ajoutée : un tiers (c’est déjà beaucoup) pour les dividendes, un tiers pour les salaires, un tiers pour l’investissement. L’essentiel est de faire un premier pas dans le bon sens. Un premier pas qu’il faut proposer sans crainte, et pour tout de suite, parce qu’il est réellement possible : il existe un patronat qui refuse la domination mondiale du complexe financiaro-industriel, et le M.E.D.E.F. lui-même n’est pas monobloc en cette matière, comme en attestent les tensions entre Laurence Parisot (qui prône une relance du dialogue social) et Pierre Gattaz (pour qui les grévistes sont des « voyous »). Et, dès ce premier pas, s’ouvriraient des marges importantes d’action en matière d’investissements et de politique sociale plus juste.

3. Agir dans et sur l’Europe

L’Europe n’est réductible ni à un idéal ou à des « valeurs » (ou, ce qui est plus rationnel, à des principes, formulés surtout, aujourd’hui, dans la « Charte européenne des Droits fondamentaux des personnes », traité de Nice, année 2000), ni à une machine de guerre au service du capitalisme mondial et continental. Ou plutôt elle est les deux à la fois. Tout comme les nations qui la composent. Et y faire de la politique, c’est là encore repérer possibilités et points où faire levier.

En voici déjà quatre, sans préjuger de bien d’autres. Tous les quatre appellent une action concrètement possible et urgente, sans qu’il y ait besoin d’une refondation préalable de tout l’Appareil européen, mais concourant en revanche à sa réorientation fondamentale, et ainsi, pour une part, à sa refondation. On le verra aisément, des quatre retenus ici, c’est le dernier qui conditionne les trois autres.

a) L’écart (non immense mais réel) entre la doctrine comptable du F.M.I. et celle de l’Eurogroupe sur « la dette » (grecque et … française) est sans doute la première faille ou la première « prise » (comme sur une paroi rocheuse difficile) où des forces de Gauche peuvent s’accrocher d’une manière positive : même des gestionnaires des finances mondiales comme les fonctionnaires du F.M.I. (qu’on voie en eux l’équivalent du « bon père de famille » de la gestion mondiale ou des valets du complexe financiaro-industriel mondial n’importe au fond pas, ici), même eux, donc, s’écartent du dogme « ordo-libéral » de Schaüble de la saine et sainte austérité comme passage obligé vers la croissance maîtrisée (ordo-libéralisme ou variante germanique et « lutherinenne » du britannique thatcherisme, et de sa française réactivation fillonienne). Le moment est donc propice pour renverser non l’Europe, mais la tendance qui, aujourd’hui domine, mais de plus en plus difficilement, ses maîtres comptables. Nous, Français, devons bien cette solidarité au peuple grec, lui qui le premier, a osé affronter, sans le fuir, le dragon.

b) Bolkenstein est à la fois auteur de la circulaire néfaste qui porte son nom et … hostile à l’euro, qui,
dit-il, ne respecte pas la différence entre les pays nordiques (entendez dans son regard : travailleurs) et les pays
« méditerranéens » (entendez le regard à peine litotique : peu ardents au travail). Qu’est-ce donc que faire le contraire de Bolkenstein, s’il est vrai que son dogmatisme « libéral » est ce dont il faut débarrasser l’Europe ? Ré-écrire la sinistre circulaire et, en même temps, défendre l’euro. Le défendre contre ceux qui verraient d’un si bon œil sa disparition ou son effritement, comme les U.S.A., les ultralibéraux ou les « ordolibéraux » comme Schaüble et leur faveur pour le Grexit. Mais le défendre aussi avec ceux, tel Varoufakis et bien d’autres, qui, lui étant initialement hostiles, ont acquis la double conviction a) que l’abandonner ferait plus de mal que de bien ; b) -surtout- qu’il s’agit maintenant de mettre en pleine lumière démocratique les délibérations-décisions comptables et bancaires de la zone euro, aujourd’hui gérée dans le secret des cabinets ministériels ou des bureaux des puissants.

c) La « concurrence libre et non faussée » est-elle seulement fer de lance du capitalisme débridé ? Ou aussi possibilité de transparence dans l’attribution des marchés publics et lutte contre toute forme, visible ou cachée, de monopole et d’accaparement d’un domaine d’activité ? Nombre de celles et ceux qui, à Gauche, ont voté « oui » (mais si, il y en a eu !) au référendum de 2005, avaient en tête cet argument, et surtout ce vieil acquis démocratique ; ce qui ne les empêchait pas d’entendre la liste si longue des arguments en faveur du « non » ; tout comme à l’inverse, nombre de celles et ceux qui ont voté « non » restaient sensibles à cet argument en faveur du « oui ». Quelle libération sera le jour où le clivage oui /non de 2005 perdra son statut de guerre de religion !

d) Pour modifier l’Europe dans le bon sens en matière sociale, fiscale, environnementale, vaut-il mieux un heurt frontal du village gaulois national avec « l’Europe » ? ou l’alliance internationale des forces européennes de Gauche ? 2017 n’est pas année électorale seulement en France, mais aussi en Allemagne, que pourrait bientôt représenter non plus Angela Merkel (et son comptable Schaüble), mais Martin Schultz, dont la campagne électorale est axée sur la recherche de l’unité de toute la Gauche allemande : Sociaux démocrates, Verts et die Linke (à noter au passage : le S.P.D. propose lui aussi le rapport 1 à 20 pour l’écart des salaires dans les entreprises publiques et privées ; mieux vaudrait célébrer hautement cette convergence dans la Gauche européenne que de bomber le torse en s’attribuant le monopole de l’audace et de l’exigence de justice !).

4. L’attitude unitaire

Retour de la politique, donc, contre le capitalisme et au sein de l’Europe. Mais, et voici la quatrième condition, qui est en réalité la première. Faire de la politique consiste d’abord à regrouper des forces. Et regrouper des forces est comme un « art unitaire », car l’unité n’est ni donnée ni jamais acquise. Il faut la vouloir et qui ne la veut pas trouve toujours des raisons « objectives » ou « programmatiques » pour « ne pas céder » ou « ne pas aller à Canossa ». Qui la veut, en revanche, en prend les deux moyens principaux. Dont le premier est l’effort de clarification : non seulement faire la liste de « ce qui nous unit » et de « ce qui nous divise », mais examiner activement si les accords ou désaccords sont solides ou trop hâtivement posés. Le Programme Commun de Gouvernement, en son temps, était rempli de formulations équivoques … et donc sans lendemain.

Mais importe davantage encore, pour construire l’unité, l’attitude unitaire qui, même sur un point litigieux ou difficile, distingue ce qui peut être fait ensemble et ce qui reste en débat. Avec la conviction, nourrie de tant de pratique, que jamais un débat seulement statique ne peut complètement aboutir. « L’union est un combat », disait-on naguère. Oui mais un combat autant contre les méfiances, voire contre soi-même, que contre celui qu’on vise à faire plier.

Deux cas emblématiques peuvent aisément illustrer cette attitude unitaire.

Vaut-il mieux afficher « sortir du nucléaire », pour sceller à la hâte l’union-fusion P.S. -E.E.L.V., et … introduire un clivage au sein des forces de Gauche ? ou réduire, sérieusement et non verbalement, la part du nucléaire tout en menant un débat long, lent, éclairé (le Parlement est fait pour cela) sur le nucléaire et la politique énergétique d’ensemble, hors slogans approximatifs et fluctuants au gré des modes ou des enthousiasmes néophytes ?

Vaut-il mieux convoquer en première urgence une « Constituante pour établir une VIème République », et non seulement « effrayer le bourgeois » mais laisser de marbre de larges couches de salarié(e)s qui pensent d’abord au pouvoir d’achat et au risque de chômage ? Ou viser d’abord de puissants groupes parlementaires de Gauche dans un Parlement réactivé et forçant la marche pour légiférer le plus vite et le plus efficacement possible en matière économique, sociale, scolaire et culturelle, sanitaire ?

Voilà qui éclaire l’essentiel : il y a bien un lien entre volonté unitaire et programme unitaire, mais c’est la volonté qui est première par rapport au programme et non l’inverse. En ce sens les contrats politiques sont comme les contrats civils, tel un mariage : pour le meilleur et pour le pire, c’est-à-dire non programmables dans le détail. Après les bilans globalement incertains ou négatifs des variantes diverses d’Union de la Gauche autour d’un programme commun (jusqu’à la Gauche plurielle et à son plus petit commun dénominateur) reste à ouvrir la voie innovante d’une Gauche Unitaire soudée par la volonté commune : sans emphase verbale, sans lendemains qui chantent, mais capable de résister aux tempêtes, parce que fondée sur la fidélité sans faille à la poursuite des mêmes fins et à l’usage des mêmes types de moyens.

Cette voie était possible, et impérieuse, avant le 17 mars. Elle consistait à s’unir pour faire élire non un roi ou une reine tout(e) puissant(e), mais un(e) chef d’État dont le premier élément de programme aurait été de redonner au Parlement le pouvoir qui est le sien et, donc, aux élections législatives la primauté qu’elles n’auraient jamais dû perdre.

Au lieu de quoi apparaît désormais le risque de voir nos forces « unitaires désunies » réduites à des groupes croupions dans une Chambre Bleu Marine, ou Bleu-Blanc-Rouge variante Trocadéro ou « Progressiste » façon Uber. Lesquels groupes parlementaires croupions (si même ils parviennent à se constituer en groupes) auront tout loisir de se chamailler sur la sortie du nucléaire, sur les vices et les vertus de l’Europe, ou au contraire d’imaginer avec délices les subtilités constitutionnelles de la si désirable VIème République.

« Fasse le ciel », si aucun sursaut unitaire n’a lieu avant le premier tour de la présidentielle, que l’électrochoc de l’échec annoncé permette au moins un essai de sursaut pour les législatives.

Mais le ciel politique est vide. Il n’y a que nous et nos forces. Et si nous le comprenons, nous cesserons de confondre la volonté unitaire et la bonne foi la main sur le cœur. Car de la bonne foi à la mauvaise foi il n’y a qu’un pas. Et il est temps de libérer la politique de la foi, cette foi des certitudes, qui n’est souvent que le masque de la peur de l’avenir en même temps que le masque et/ou le moteur de la peur et de la haine de l’autre.

Cette sourde peur et cette sourde haine qui pourrissent de l’intérieur les chances de fraternité. Ce serait pourtant bien à nous de pratiquer, dans le combat contre le capitalisme, ce dont, en principe, nous nous revendiquons, la fraternité, à la fois fin ultime et condition première d’une démocratie accomplie : liberté, égalité, fraternité. Une fraternité pleine de vie, de tensions, voire de contradictions, mais indéfectible, effective en même temps qu’efficiente.
Il est peut-être encore temps de nous ressaisir.

Le 5 avril 2017

Xavier-Francaire Renou est co-auteur, avec treize autres, du livre récent Le capitalisme est-il la fin de l’histoire ? Éditions du Pont 9.


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