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Va, respire d’autres lumières, La deuxième vie de Rogelia Cruz de Thierry Renard
par Remi Boyer

Thierry Renard fait passer clandestinement, sur la barque de la poésie, des êtres oubliés vers la Terre des Immortels bannis.

Rogelia Cruz fut une combattante de la liberté au Guatemala. Arrêtée et torturée à plusieurs reprises dans les années 60 par les sbires des généraux guatémaltèques à la solde des USA, elle est finalement mutilée et assassinée en janvier 1968. Avant cela, avant l’horreur, Rogelia Cruz fut élue Miss Guatemala.

Thierry renard juxtapose les deux faits pour conduire le lecteur d’une beauté à l’autre, d’une beauté éphémère à une beauté qui ne saurait mourir, celle de la liberté intrinsèque.

Alternant poèmes, commentaires, lettres ouvertes ou dialogues avec Rogelia, il décline les nuances de l’expérience humaine entre horreur et liberté.

« Au fond tu es morte pour avoir osé venger toutes les victimes de naissance, condamnées d’avance, esprits libres ou dissidents, de ton siècle, le vingtième.

Parmi elles, toujours contre les bourreaux, quelques voix amies, proches et lointaines à la fois.

Parmi elles, donc : Anna Akhmatova, Marina Tsvetaeva, Vladimir Maïakovski, Ossip Mandelstam, Federico Garcia Lorca, Nazim Hikmet, Pablo neruda.

La liste, bien entendu, reste inexacte. Incomplète.

Tu es morte, Rogelia, pour toutes celles et pour tous ceux qui réclamaient le pain et le vin, qui défendaient la justice et la liberté.

Tu es morte. Torturée. Massacrée. Décapitée.

Morte dans la fleur de l’âge et le coeur gonflé d’éblouissantes promesses d’avenir.

Tu es morte, innocente et parfumée, Rogelia.

Rogelia Cruz (Martinez)

Tu es morte telle une utopie foudroyée. »

Thierry Renart ne se contente pas de rendre un très bel hommage à cette femme sacrifiée sur l’autel de la bêtise et de la médiocrité. Il nous dit combien Rogelia Cruz demeure, en elle-même et par tous ceux, toutes celles qui combattent, peu importe les moyens, contre toutes les formes d’oppression, et plus encore contre la limite, quelle qu’en soit l’apparence. Il en appelle à ce qui en nous refuse absolument de se soumettre, interroge le poète, sa puissance et son inutilité, dénonce le genre humain « ce tas d’ânes », à la fois rebelle et esclave, et explore les temps agités.
C’est sa propre intimité bouleversée qui sert d’encre à l’auteur. Peu à peu, la plume ose l’amour, malgré le sang pour « ramener à la vie une femme hors du commun » et à travers elle, ou par elle, par cette incarnation littéraire, affirmer un espoir désespéré, l’essentiel.

« L’écrit, Rogelia, c’est une parole différée, une parole qui compte, qui a toute son importance.

L’écrit, c’est sûrement un argument de plus contre l’ennui, les soumissions et toutes les insomnies.

L’écrit, c’est du plomb. Mais c’est pourtant bien plus léger que l’air. C’est du vent, un souffle, l’écrit.

Et l’écrit c’est aussi, parfois, une parole impuissante, inachevée.
Ce livre, au fond, je suis dedans.

Définitivement.

De nous deux, chère Rogelia, les maîtres du monde n’ont pas encore triomphé. »

Thierry Renart par son discours poétique et amoureux démontre que l’amour transcende l’horreur, la torture et la mort. Nul n’écrit pour rendre immortels les bourreaux. Ils passent. Rogelia demeure.

Editions Le bruit des autres, 15 rue Jean-Baptiste Carpeaux, 87100 Limoges.

www.lebruitdesautres.com


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