Je n’ai jamais cru qu’aimer sa patrie empêchât d’aimer ses enfants ; je n’aperçois point davantage que l’internationalisme de l’esprit ou de la classe soit irréconciliable avec le culte de la patrie. Ou plutôt je sens bien, en interrogeant ma propre conscience, que cette antinomie n’existe pas. C’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse.
Marc Bloch, L’Étrange Défaite
Je n’ai rien commis d’exceptionnel, ces derniers temps. Je suis beaucoup trop absorbé par la campagne électorale. Les enjeux, cette fois encore, ne manquent et ne mentent pas. Il s’agit d’un réel choix de société, non d’une simple querelle entre idées de gauche et valeurs de droite. Un artiste ou un intellectuel a des responsabilités face à l’Histoire et ses contemporains. Je n’attendrai pas cinq ans de plus. À chacun ses calculs ou ses arguments. La haine et la peur, non ! L’espoir et la passion, oui, maintenant. Il ne faut pas avoir peur de payer des impôts, et il ne faut pas avoir peur des étrangers. Il ne faut pas diviser les humains, mais les rassembler. La peur, c’est bon pour les épargnants ou les boutiquiers. Albert Camus, notre frère aîné disparu, ne les aimait guère. Moi non plus !
Non, mille fois non, à la peur et à la haine. Non à toutes les divisions déclarées. Oui, seulement oui, à l’union — la réunion — des êtres. Il faut faire un pari sur l’avenir. Nous verrons bien… J’ai toujours dit : le pire, c’est le pire. Obama plutôt que Bush. De Gaulle plutôt que Pétain. Le Front populaire plutôt que le Front national. Telle est ma devise ! Un poète, ça ne calcule rien, ça donne de la voix. Porté par l’élan, par le souffle de l’existence. Écrire avant d’aller dormir. Lire René Char et Garcia Lorca. Garder sa ligne de conduite, toujours, en chaque circonstance. Une œuvre est une vie, rien de plus.
Pluie, et nuit d’insomnie. Avril s’accomplit, va bientôt prendre fin. Il y a des mots nécessaires, contre l’oubli. Ma naïveté en témoigne, et ma générosité aussi. Les deux sont lucides, éclairées, et elles sont aujourd’hui porteuses d’une tendre promesse, d’une belle utopie. Laquelle ? Le ciel bleu, la jeunesse, la vie.
Vénissieux, le 29 avril