Bien sûr qu’on ne doit pas rêver
quand il ne faut pas C’est pourtant
quand il ne faut pas que l’on rêve
Georges Perros, Une vie ordinaire

J’écris vert et je vois du bleu
_ je vois un ciel tout bleu tout frais tonique
un ciel dégagé sans surcharge
un ciel de beau temps comme si
c’était déjà l’été
J’écris vert sans feu orange ni rouge
J’écris et je passe au vert
sans que l’on me contrôle
sans que l’on me questionne
Plus rien ne m’arrête
je vole j’ai deux longues ailes
sur les épaules
Je vole dans le ciel bleu
sans fatigue aucune
Là-haut je croise des nuées d’oiseaux
une multitude d’oiseaux banals et ignorés
Je vole et je suis bien
et je suis nu
et je suis toujours vivant
Je vole je vole je vole
Je ne suis plus empêché
Je vole au-dessus de ma ville
au-dessus de la vie
Je m’éloigne de moi
je prends de la hauteur
C’est une virée d’homme libre
en altitude supérieure
Là où je suis il n’y a rien
que du bleu
Et pas de hurlements grotesques
Et pas de mauvais présages
Je vole je suis nu je suis beau
je viens d’atteindre une vérité
La vie est plus douce dans ce monde-là
Seulement de très nombreux
oiseaux silencieux
des oiseaux par centaines
à mes côtés
Dans ce ciel immense et bleu
rien à l’horizon aucun obstacle en vue
Je ne rencontre que la nudité complète
sinon l’infini dans ce qu’il a d’indéniable
Je ne recherche plus l’espoir
j’ai trouvé une nouvelle raison d’exister
J’ai trouvé le temps de mon vol
ce que d’autres ont mis
des années et des années
à découvrir
J’écris vert et je vois bleu
C’est maintenant une certitude
et c’est la preuve qu’aujourd’hui
mon poème a de la chance

*

Après tout
je fais bonne figure
Je m’alimente je passe le temps
je ne déçois jamais les amis
Et toi
L’AUTRE
(ombre au tableau
ou fragment impoli)
sais-tu seulement
à quelle heure je déjeune

[Novembre 2013, avril 2014]